Vu, la requête, enregistrée le 28 septembre 2014, présentée pour Mme C...E...épouseB..., domiciliée ...;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401159 du 27 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant :
- d'une part, à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 9 septembre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays vers lequel elle pourra être reconduite d'office ;
- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
Elle soutient que :
- le signataire de la décision est incompétent car la délégation de signature dont il bénéficie est trop générale ;
- la décision, dont le signataire est aussi celui qui a proposé cette décision, méconnaît les règles sur le contrôle hiérarchique et empêche le recours hiérarchique ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur son état de santé et la possibilité de se soigner dans son pays d'origine ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les risques encourus en cas de retour dans son pays ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses liens personnels et familiaux en France dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du 9 septembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme E...épouse B...;
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction ;
En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le rapporteur public a, sur sa proposition, été dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
La requérante ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2014 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante du Kosovo née le 1er novembre 1972, est entrée irrégulièrement en France le 21 février 2011 avec sa fille Erblina née le 24 novembre1998 ; que selon la requérante, son fils Alin, né le 28 mai 2001, les a rejointes en août 2011 ; qu'après que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 23 septembre 2011de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 mai 2013, Mme B...a sollicité le 23 mai 2013 la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 9 septembre 2013, le préfet de la Haute-Savoie a opposé un refus et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel elle établirait être légalement admissible ; que Mme B...fait appel du jugement du 27 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée du 9 septembre 2013 a été signée par M. A...du Payrat, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, auquel le préfet de la Haute-Savoie a donné, par un arrêté n° 2012212-0001 du 30 juillet 2012, publié au recueil spécial n° 31 des actes administratifs de la préfecture d'août 2012, une délégation de signature à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines mesures parmi lesquelles ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers et celles fixant le pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige, en raison d'une délégation de signature trop imprécise et générale manque en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'absence de possibilité de contrôle hiérarchique par le préfet et de l'absence de possibilité de recours administratif ne diffère pas de celui soulevé en première instance ; que par adoption des motifs des premiers juges, il doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant le mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant qu'il ressort du certificat d'un psychologue du 14 avril 2012 que Mme B... souffre de troubles anxio-dépressifs et que son état de santé nécessite une consultation psychologique permettant d'ajuster un traitement médicamenteux et de favoriser un suivi psychologique régulier ; que le médecin de l'agence régionale de santé, saisi par le préfet de la Haute-Savoie, a estimé, dans un avis du 2 juillet 2013, que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié au Kosovo ; que le préfet de la Haute-Savoie a motivé le refus de titre de séjour sollicité en se fondant sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé quant à l'existence d'un traitement approprié à la pathologie de la requérante au Kosovo ; que Mme B...maintient en appel qu'elle ne peut pas avoir accès dans son pays d'origine à des soins adaptés à son état de santé et fait état d'un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés mis à jour le 1er septembre 2010, indiquant que les capacités de ce pays en matière de traitement des troubles psychiatriques sont insuffisantes par rapport aux besoins de la population ; qu'elle soutient aussi que le médecin de l'agence régionale de santé, dans son avis du 2 juillet 2013, a fait un lien entre les conséquences de sa pathologie et la possibilité d'un retour très rapide au Kosovo ; que, toutefois, l'extrait du document de l'organisation suisse aux réfugiés, qui date de la fin de 2010, produit par la requérante, ne contredit pas l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur l'existence d'un réseau de prise en charge médicale susceptible de traiter la pathologie dont elle souffre, alors que les informations produites par le préfet de la Haute-Savoie, émanant de l'ambassade de France au Kosovo et du ministère de la santé de ce pays, confirment que le Kosovo dispose de structures sanitaires psychiatriques aptes à prendre en charge l'affection dont souffre Mme B... ; que, la simple mention figurant sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur l'appréhension liée à un retour très rapide au Kosovo ne remet pas en cause la possibilité pour elle de trouver dans ce pays des soins adaptés à sa pathologie ;que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
9. Considérant que MmeB..., qui est entrée irrégulièrement en France à l'âge de trente-huit ans, n'y vivait que depuis deux ans et sept mois à la date de la décision ; que si elle se prévaut de relations amicales en France, ses seules attaches familiales dans ce pays sont ses deux enfants mineurs entrés irrégulièrement en France en 2011 ; qu'elle a vécu la majorité de sa vie au Kosovo et ne conteste pas y posséder des liens familiaux tenant à la présence de trois de ses frères et de ses deux soeurs ; que rien ne fait obstacle à ce que ses enfants, âgés de quatorze et douze ans, scolarisés au collège, ne repartent avec l'intéressée pour reconstituer la cellule familiale au Kosovo ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision du 9 septembre 2013 du préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le refus de titre de séjour en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée ;
11. Considérant, enfin, que le moyen tiré des risques encourus par la requérante en cas de retour dans le pays dont elle possède la nationalité est inopérant contre la décision lui refusant un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant que les moyens relatifs à l'incompétence du signataire de la décision et de l'impossibilité qu'il y aurait d'exercer un recours hiérarchique doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
14. Considérant que Mme B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 9 septembre 2013 ; qu'ainsi, à cette date, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
15. Considérant que pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, le préfet n'a pas, en faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que cette mesure d'éloignement est suspectible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée ;
16. Considérant, enfin, que le moyen tiré des risques encourus par la requérante en cas de retour dans le pays dont elle possède la nationalité est inopérant contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
17. Considérant que les moyens relatifs à l'incompétence du signataire de la décision et de l'impossibilité qu'il y aurait d'exercer un recours hiérarchique doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour ;
18. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
19. Considérant que Mme B...soutient qu'elle serait exposée avec sa fille à des menaces et des violences en cas de retour dans leur pays d'origine et produit deux lettres manuscrites anonymes pour étayer ses allégations selon lesquelles elles seraient exposées à des risques de prostitution pour rembourser les dettes de l'époux défunt de la requérante ; que toutefois de tels documents sont dépourvus de valeur probante ; que si la requérante se prévaut de ses déclarations devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sur l'existence de risques en cas de retour au Kosovo en raison de menaces des créanciers de son époux, elle n'apporte aucun élément pour étayer celles-ci, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ses déclarations ont été jugées sommaires et peu caractérisées par l'OFPRA qui, comme la Cour nationale du droit d'asile, a rejeté sa demande d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est au demeurant opérant que contre la décision fixant le pays de destination, doit être écarté ;
20. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de reconduire Mme B... à destination du Kosovo procède d'une appréciation manifestement erronée des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2014 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. D...et Mme Cottier, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.
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N° 14LY02987