Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2014 au greffe de la Cour, présentée pour Mme A...C..., veuveD..., domiciliée ... ;
Mme D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305446 du 18 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2013 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et désignant comme pays de reconduite d'office le pays de sa nationalité ou tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " ascendant à charge " dans un délai de quarante huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ; qu'en effet, compte tenu du montant annuel de sa pension de réversion, qui s'élève à 21 600 dinars (200 euros), elle était bien à charge de sa fille française et remplissait toutes les conditions pour bénéficier d'un certificat de résidence en qualité d'ascendant à charge de français ; que ce refus méconnaît également les stipulations de l'article 6-5° du même accord, sur le fondement desquelles elle a sollicité et s'est vu refuser un titre de séjour, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit d'observations ;
Vu l'ordonnance en date du 13 août 2014, fixant la clôture d'instruction au 5 septembre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille, modifié par les avenants des 22 décembre 1985, 28 septembre 1994 et 11 juillet 2001 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014 :
- le rapport de M. Meillier, premier conseiller ;
- et les observations de Me Ladet, avocat de Mme D...;
1. Considérant que Mme A...C..., veuveD..., ressortissante algérienne née en 1932, est entrée en France le 17 septembre 2011, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour portant la mention " ascendant non à charge " et valable, pour une durée de quatre vingt dix jours, du 31 juillet 2011 au 30 juillet 2012 ; qu'elle a sollicité le 8 décembre 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-franco algérien ou, à défaut, de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur cette demande a été annulée le 11 octobre 2013 par le Tribunal administratif de Grenoble ; qu'entre temps, le préfet de l'Isère a pris, le 18 septembre 2013, un arrêté refusant de délivrer à Mme D...un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et désignant comme pays de reconduite d'office le pays de sa nationalité ou tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible ; que, par jugement du 18 février 2014, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que Mme D...relève appel de ce dernier jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée régulièrement en France le 17 septembre 2011, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que, depuis son arrivée en France, elle est hébergée par sa fille, Mme B... D..., qui est de nationalité française ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que Mme B...D..., qui perçoit en qualité de fonctionnaire territorial un traitement net de près de 1 800 euros par mois, subvient aux besoins de sa mère, qui perçoit une pension de réversion d'un montant annuel, et non mensuel, de seulement 21 600 dinars, soit 250 euros ; que Mme B...D...a d'ailleurs déclaré au titre de l'année 2011 une pension alimentaire de 3 750 euros et a réglé, le 24 octobre 2011, une provision de 2 774,04 euros au titre des frais médicaux occasionnés par l'hospitalisation de sa mère ; que les deux autres enfants de la requérante, et notamment son autre fille également française, vivent en France ; qu'il ressort des certificats et autres documents médicaux produits par MmeD..., d'une part, que celle-ci est soignée, au moins depuis l'année 2012, à raison d'une grave maladie, qui était en phase terminale en janvier 2014, soit quatre mois après l'arrêté attaqué, et, d'autre part, qu'elle se trouve, au moins depuis mai 2012, dans une situation de dépendance en raison de son état de santé et nécessite en permanence l'aide d'une tierce personne ; que cette aide lui est actuellement prodiguée par sa fille chez qui elle vit ; que le préfet de l'Isère n'a ni contesté la gravité de l'état de santé et de dépendance de Mme D...dans ses écritures de première instance ni produit de mémoire en défense devant la Cour ; qu'enfin, s'il est vrai que Mme D...n'est entrée en France que deux années avant l'arrêté attaqué et qu'elle a vécu en Algérie pendant soixante dix neuf ans, elle n'a toutefois plus de famille proche dans ce pays depuis le décès, survenu en 1997, de son époux ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard notamment à l'âge et à l'état de santé de l'intéressée ainsi qu'à la présence en France de ses enfants, l'arrêté attaqué, en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à Mme D...et lui fait obligation de quitter le territoire français, a porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, cet arrêté, y compris, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe le pays de destination, doit être annulé ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'eu égard à son motif d'annulation, le présent jugement n'implique pas nécessairement la délivrance à Mme D...du certificat de résidence algérien de dix ans prévu à l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien, seul mentionné dans les conclusions à fin d'injonction ; que, dès lors, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de Mme D...dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette notification ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'en revanche, le surplus des conclusions à fin d'injonction doit être rejeté ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme D...d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 18 septembre 2013 du préfet de l'Isère refusant de délivrer à Mme D...un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant son pays de destination ainsi que le jugement n° 1305446 du 18 février 2014 du Tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de Mme D...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., veuveD..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
Mme Mear, président,
Mme Bourion, premier conseiller,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2014.
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N° 14LY00816
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