La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2014 | FRANCE | N°13LY00869

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 23 octobre 2014, 13LY00869


Vu le recours, enregistré le 5 avril 2013, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Le ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007389 du 5 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de la clinique Charcot, la décision du 28 octobre 2010 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes lui a infligé une sanction financière de 24 984 euros, en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité socia

le ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de la décision susmentionnée ;

Il...

Vu le recours, enregistré le 5 avril 2013, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Le ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007389 du 5 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de la clinique Charcot, la décision du 28 octobre 2010 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes lui a infligé une sanction financière de 24 984 euros, en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de la décision susmentionnée ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré comme fondé le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, permettant la réalisation d'un contrôle sur la base d'un échantillon tiré au sort, en tant qu'elles n'étaient pas de nature à répondre à l'exigence de proportionnalité de la sanction au regard de l'indu, imposée par la loi, alors que le fait de réaliser le contrôle à partir d'un échantillon tiré au sort n'est pas, en soi, incompatible avec le principe de proportionnalité et qu'en l'espèce, la méthode d'échantillonnage retenue, à l'aide d'un programme appelé " outil de gestion du contrôle ", par tirage aléatoire simple, a été conçue de telle sorte que soient garanties la représentativité de l'échantillon et, par voie de conséquence, la proportionnalité de la sanction à l'indu ;

- les garanties apportées en amont, à l'origine de l'échantillon retenu, sont, en outre, renforcées en aval par les dispositions réglementaires des articles R. 162-62-12 et R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles fixent, notamment, des limites ;

- le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de juger que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines, soulevé au titre d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 46-I de la loi n° 2004-810 relative à l'assurance maladie, dont est issu l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, devait être écarté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2013, présenté pour la clinique médico-chirurgicale Charcot, dont le siège social est 51 rue du commandant Charcot à Sainte-Foy-lès-Lyon (69110), représentée par son représentant légal, qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le recours est irrecevable dès lors que le ministre des affaires sociales, qui n'a jamais eu qualité de partie à l'instance devant le Tribunal, ne pouvait se substituer au directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, ladite agence étant un établissement public de l'Etat à caractère administratif ;

- la requête est également irrecevable dès lors qu'elle a été signée par le directeur de la sécurité sociale et en l'absence de production d'une délégation de signature et d'une mention selon laquelle ledit directeur a agi pour le ministre et par délégation ;

- le Tribunal a fait une juste appréciation des dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de sanction des indus, dès lors que rien ne permet de justifier la pertinence du choix opéré par les médecins-inspecteurs dans les dossiers sélectionnés et de la pertinence de l'échantillon retenu ; les échantillons litigieux ne peuvent valablement servir à une extrapolation des indus et à l'établissement d'une sanction financière ;

- la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors le rapport de contrôle n'a pas été signé par tous les médecins qui ont été chargés d'effectuer ce contrôle, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale ;

- la décision en litige, qui se borne à renvoyer à une délibération de la commission de contrôle de l'agence régionale de santé, sans joindre ladite délibération, est insuffisamment motivée, au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale ;

- faute pour l'agence régionale de santé de justifier de la justesse du calcul de la sanction prononcée au regard des dispositions des articles R. 162-42-11 et R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale, elle ne justifie pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, de l'exactitude du calcul du montant de la sanction prononcée ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la délibération du 25 octobre 2010 de la commission de contrôle de l'agence régionale de santé, en raison d'un défaut de justification du décompte des voix et de motivation, d'une méconnaissance du principe d'impartialité, compte tenu de la participation du directeur général de l'agence et de la présence, en tant qu'expert, d'un praticien conseil responsable de l'unité de coordination régionale qui mène les contrôles sur site des établissements de santé, et en raison de l'absence de publication de l'arrêté de composition de la commission de contrôle ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait en l'absence de démonstration de manquements aux règles de facturation fixées en application es dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée, dès lors qu'aucun des dossiers argumentaires que les médecins contrôleurs se devaient de réaliser lors du contrôle sur site afin de justifier de l'exactitude de leurs allégations n'a pas été produit et que le rapport du contrôle sur site seul est insuffisant pour démontrer l'existence des manquements allégués ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait touchant à la détermination du taux de l'indu, au regard des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, en ce que tant le montant des sommes indument perçues que celui des sommes dues sont erronés, en l'absence de prise en compte des sous-facturations ;

- la décision méconnaît le principe de présomption d'innocence posé à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est également entachée d'une erreur de fait tenant à l'absence de gravité des manquements allégués, au regard des dispositions de l'article R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale ; la sanction financière viole le principe à valeur constitutionnelle de proportionnalité de la sanction par rapport au manquement reproché ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que :

- dès lors que le contrôle des établissements de santé est au nombre des compétences exercées pour le compte de l'Etat par les agences régionales de santé, le ministre a qualité pour former appel du jugement attaqué, en application de l'article R. 811-10 du code de justice administrative ;

- il ressort des dispositions combinées du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 et du décret n° 2012-769 du 24 mai 2012 que le directeur de la sécurité sociale, dont le décret de nomination a été publié au Journal officiel de la République française le 27 janvier 2012, a qualité pour signer au nom du ministre l'appel en cause ;

- chacun des médecins qui ont effectué les opérations de contrôle a signé le rapport de contrôle ;

- les dispositions des articles R. 162-42-8 et R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale n'imposent pas de formalités particulières pour justifier du sens de la délibération exprimé par la commission de contrôle, et il se déduit de la formulation de la délibération qu'elle comporte la traduction de l'avis majoritaire des membres de la commission dans la détermination des montants constituant la sanction envisagée, la clinique Charcot mentionnant elle-même dans son mémoire le nombre des membres respectifs des deux collèges ; aucun texte n'impose la publication de la nomination des membres de la commission et l'absence de publication n'affecte pas, en tout état de cause, la légalité de l'avis rendu ;

- aucune pièce du dossier ne démontre en quoi l'expression des autres membres de la commission aurait été altérée du fait de la participation du directeur général de l'agence régionale de santé et la clinique n'a été privée d'aucune garantie, notamment relative aux droits de la défense ;

- le médecin chef de l'unité de coordination régionale n'a pas pris part à la délibération de la commission et aucun élément ne démontre que sa présence aurait affecté l'indépendance de la commission ;

- la décision du 28 octobre 2010 comprend des éléments de motivation suffisants, en citant les articles législatifs et réglementaires relatifs à la procédure de sanction, en énumérant les manquements constatés et en comportant en annexe le détail des anomalies concernées ;

- la procédure en recouvrement d'indus et la procédure de sanction sont distinctes et juridiquement autonomes, et la contestation du montant de l'indu par la clinique, qui soutient que la preuve des manquements aux règles de facturation n'est pas rapportée, est irrecevable comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

- la clinique Charcot ne peut utilement soutenir que l'agence n'a pas justifié de l'exactitude, pour chaque activité litigieuse, du montant retenu de la recette d'assurance maladie pour l'année antérieure, alors que l'obligation de communication de ces recettes n'existe qu'entre la caisse et l'unité de coordination et que les recettes en cause sont nécessairement celles dont la clinique a connaissance puisque générées par sa propre activité et retranscrites dans sa propre comptabilité ;

- les sanctions administratives prévues à l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent pas le principe de présomption d'innocence ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2014, présenté pour la clinique Charcot, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;

Elle soutient, en outre, que la procédure est entachée d'une irrégularité à raison de la présence lors de la séance du 25 octobre 2010 de la commission de contrôle, avec voix délibérative, du directeur du service du contrôle médical de Rhône-Alpes, responsable de l'unité de coordination régionale de Rhône-Alpes ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2014, présenté par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Thuet, avocat de la clinique Charcot ;

1. Considérant que, par une décision du 28 octobre 2010, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes a décidé d'infliger à la clinique Charcot de Sainte-Foy-lès-Lyon une sanction financière de 24 984 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, à la suite d'un contrôle externe de la tarification à l'activité, au titre de l'année 2008, portant sur les groupes homogènes de séjour (GHS) 8014 (résections osseuses localisées et ablations de matériels de fixation), 8017 (affections de la CMD 08 avec autres actes opératoires de cette CMD) et 8047 (interventions sur la peau et les tissus sous-cutanés), dans le cadre du programme régional de contrôle de l'année 2009 de l'agence, qui avait fait apparaître des anomalies de facturation sur des dossiers figurant dans les échantillons tirés au sort ; que le ministre des affaires sociales et de la santé fait appel du jugement du 5 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de la clinique Charcot, ladite décision du 28 octobre 2010 du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes ;

Sur les fins de non recevoir opposées au recours du ministre des affaires sociales et de la santé :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1432-2 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé exerce, au nom de l'Etat, les compétences mentionnées à l'article L. 1431-2, qui ne sont pas attribuées à une autre autorité " ; qu'aux termes de l'article L. 1431-2 du même code : " Les agences régionales de santé sont chargées, en tenant compte des spécificités de chaque région : (...) 2° De réguler, d'orienter et d'organiser, notamment en concertation avec les professionnels de santé, l'offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l'efficacité du système de santé. A ce titre : (...) b) Elles autorisent la création et les activités des établissements de santé et des installations mentionnées aux articles L. 6322-1 à L. 6322-3 ainsi que des établissements et services médico-sociaux au b de l'article L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles ; elles contrôlent leur fonctionnement et leur allouent les ressources qui relèvent de leur compétence ; (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si l'agence régionale de santé est un établissement public disposant d'une personnalité juridique distincte de celle de l'Etat, elle exerce des compétences au nom de l'Etat, telles qu'énumérées à l'article L. 1431-2 du code de la santé publique, au nombre desquelles figure, ainsi qu'il résulte du b) du 2° précité, le contrôle du fonctionnement des établissements de santé et l'allocation de leurs ressources ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1432-2 du code de la santé publique et R. 432-4 et

R. 811-13 du code de justice administrative que, la décision en litige du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes ayant été prise au nom de l'Etat, seul le ministre des affaires sociales et de la santé pouvait faire appel du jugement qui a prononcé l'annulation de cette décision ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 susvisé relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur de la sécurité sociale, nommé à compter du 13 février 2012 par un décret publié au Journal officiel de la République française le 27 janvier 2012, a, du fait de cette nomination, compétence pour signer le recours au nom du ministre chargé de la sécurité sociale, nonobstant la circonstance qu'il n'est pas porté expressément mention dans ledit recours, faisant état de ce qu'il est exercé par le ministre des affaires sociales et de la santé, de ce que le directeur de la sécurité sociale agit pour ledit ministre et par délégation ;

5. Considérant, par suite, que les fins de non recevoir opposées par la clinique Charcot au recours du ministre des affaires sociales et de la santé doivent être écartées ;

Sur la régularité et le bien-fondé de la décision du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes en litige :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'agence régionale de santé ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie en application du programme de contrôle régional établi par l'agence. Le directeur général de l'agence prononce la sanction après avis d'une commission de contrôle composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des organismes d'assurance maladie et du contrôle médical. La motivation de la sanction indique, si tel est le cas, les raisons pour lesquelles le directeur général n'a pas suivi l'avis de la commission de contrôle. La sanction est notifiée à l'établissement. / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement. / (...) / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-10 du même code : " (...) Le contrôle porte sur tout ou partie de l'activité de l'établissement et peut être réalisé sur la base d'un échantillon tiré au sort. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-12 dudit code, dans sa rédaction applicable : " Le montant de la sanction est déterminé par le directeur général de l'agence régionale de santé sur avis de la commission de contrôle en fonction de la gravité des manquements constatés et dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement (...) " ;

7. Considérant que les dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, citées au point 6, prévoient que le contrôle de l'activité de l'établissement peut être réalisé sur la base d'un échantillon tiré au sort ; que si cet échantillon doit être suffisamment représentatif de l'activité contrôlée, au regard notamment du nombre d'actes contrôlés, la possibilité de tirer au sort les actes contrôlés ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette représentativité ; qu'il est loisible à l'établissement faisant l'objet d'une sanction de contester devant le juge la pertinence de l'échantillon retenu ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que la possibilité de tirer au sort l'échantillon des actes contrôlés, posée par les dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, n'était pas de nature à garantir la représentativité de l'échantillon et ne répondait pas à l'exigence, imposée par l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, de proportionnalité de la sanction au regard de l'indu ;

8. Considérant toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués par la clinique Charcot, tant en première instance qu'en appel ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du contrôle en cause : " L'agence régionale de santé informe l'établissement de santé de l'engagement du contrôle réalisé en application de l'article L. 162-22-18 par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. Elle précise les activités, prestations ou ensemble de séjours ainsi que la période sur lesquels porte le contrôle, le nom et la qualité des personnes chargées du contrôle et la date à laquelle il commence. (...) A l'issue du contrôle, les personnes chargées du contrôle communiquent à l'établissement de santé par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, un rapport qu'elles datent et signent mentionnant la période, l'objet, la durée et les résultats du contrôle et, le cas échéant, la méconnaissance par l'établissement de santé des obligations définies à l'alinéa précédent (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le rapport rédigé à l'issue du contrôle des activités de la clinique Charcot ne porte la signature que de quatre des cinq praticiens conseils de l'assurance maladie qui, selon une lettre du 27 octobre 2009 adressée à la clinique afin de l'informer du contrôle de son activité, devaient effectuer ce contrôle ; que la procédure de contrôle a ainsi été entachée d'irrégularité ; que, toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que le respect, par l'autorité administrative compétente, de l'obligation de signature de chacune des personnes chargées du contrôle, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, ne constitue pas une garantie pour l'établissement auquel le directeur général de l'ARS envisage d'infliger une sanction financière, dès lors que, comme en l'espèce, ce rapport a été signé par celles de ces personnes qui ont effectivement réalisé le contrôle ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la clinique Charcot, la décision en litige, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été différente en l'absence de cette irrégularité, n'est pas entachée d'illégalité ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que la décision par laquelle le directeur général de l'ARS désigne les membres de la commission de contrôle relative à la tarification à l'activité est soumise à une formalité de publication ; que, dès lors, la clinique Charcot, qui ne fait au demeurant état d'aucune garantie dont elle aurait été privée de ce fait, ne peut utilement se prévaloir de l'absence de publication de la décision par laquelle le directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes a procédé à la nomination des membres de la commission de contrôle qui a émis un avis préalablement à la décision en litige par laquelle ledit directeur lui a infligé une sanction financière, au soutien de ses conclusions dirigées contre ladite décision ;

12. Considérant, en troisième lieu, que les membres de la commission de contrôle sont soumis, comme tout membre d'une commission administrative, au principe d'impartialité, et doivent, ainsi que le rappelle l'article R. 162-42-8 du code de la sécurité sociale, s'abstenir de participer aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel ou direct à l'affaire qui en est l'objet ; que, toutefois, la circonstance que la commission de contrôle qui a émis l'avis au vu duquel le directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes a pris la sanction en litige a été présidée par ledit directeur général, qui, en vertu des dispositions du même article du code de la sécurité sociale, désigne le président de la commission parmi les représentants de l'agence régionale de santé, n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer l'absence d'impartialité de ladite commission, dès lors qu'il n'est pas allégué que ledit directeur avait manifesté une animosité ou fait preuve de partialité envers la clinique Charcot ni qu'il aurait eu un intérêt personnel ou direct à l'affaire ; qu'il en est de même des circonstances, d'une part, que le directeur du service du contrôle médical et responsable de l'unité de coordination régionale de Rhône-Alpes a participé au vote avec voix délibérative et, d'autre part, qu'un praticien conseil, chef de service et responsable de l'unité de coordination régionale, a procédé à une présentation des dossiers à la commission de contrôle, sans siéger avec voix délibérative à ladite commission, dès lors qu'il n'est pas davantage établi que ces praticiens, dont il n'est pas allégué qu'ils auraient eux-mêmes participé au contrôle de l'activité de la clinique Charcot, auraient eu un intérêt personnel ou direct à l'affaire ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale, en vertu duquel la sanction envisagée et les motifs la justifiant sont notifiés à l'établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception et selon lesquelles l'établissement dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations, au terme duquel le directeur général sollicite l'avis de la commission de contrôle, notamment sur le montant de la sanction, ni d'aucune autre disposition, et notamment des dispositions de l'article 14 du décret du 8 juin 2006 susvisé, relatif à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, que le procès-verbal de la réunion de la commission de contrôle, instance exclusivement dotée de compétences à caractère consultatif, ou son avis doit comporter une publicité du décompte des voix, qu'il doit être motivé ni, d'ailleurs, qu'il soit communiqué à l'établissement en cause, auquel doit être, en revanche, communiquée la décision motivée du directeur général de l'ARS ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que l'avis de la commission de contrôle ne comporte pas le décompte des voix ou une motivation doivent être écartés ;

14. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la lettre du 30 août 2010 du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes notifiant à la clinique Charcot le montant de la sanction envisagée mentionne les articles pertinents du code de la sécurité sociale dont il était fait application, le champ et les dates du contrôle effectué, les manquements aux règles de facturation constatés ; qu'elle indique le montant maximum de la sanction encourue et le montant de la sanction envisagée pour chaque activité et leur montant total ; que par lettre du 5 octobre 2010, la clinique Charcot a pu faire valoir ses observations qui ont été soumises lors de sa séance du 25 octobre 2010 à la commission de contrôle de l'ARS qui a proposé de réduire la sanction envisagée ; que la sanction financière litigieuse prise le 28 octobre 2010 par le directeur général de l'ARS cite les articles pertinents du code de la sécurité sociale dont il est fait application, répond aux observations préalables présentées par la clinique et indique le montant de la sanction financière prononcée par type d'activités contrôlées ; que, s'agissant des faits retenus et justifiant le prononcé et la modulation de la sanction, elle renvoie en annexe au détail des anomalies concernant les GHS contrôlés en 2009 et au tableau des données financières ; que, dans ces conditions, la clinique Charcot a pu avoir connaissance de l'ensemble des circonstances de droit et de fait fondant la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 28 octobre 2010 manque en fait et doit être écarté ; qu'il doit en être de même du moyen tiré de ce que le directeur de l'ARS n'aurait pas justifié de la justesse du calcul de la sanction prononcée au regard des modalités prévues par les articles R. 162-42-11 et

R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles le montant de la sanction est fixé par rapport aux recettes annuelles d'assurance maladie de l'année antérieure au contrôle, alors que la clinique Charcot, qui a nécessairement connaissance du montant desdites recettes, ne conteste pas les sommes prises en compte au titre de ces recettes et figurant sur les tableaux joints à la notification de la décision du 28 octobre 2010 ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision :

15. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'administration n'a pas joint à la décision en litige les dossiers argumentaires que les médecins contrôleurs ont dû réaliser lors du contrôle sur site, conformément à la méthodologie des contrôles externes de tarification à l'activité décrite dans le " guide du contrôle externe régional " et qui doivent, selon la charte des engagements de l'assurance maladie, être mises à la disposition des deux parties à l'issue de la concertation, ne suffit pas à établir une erreur dans la matérialité des manquements reprochés à la clinique Charcot au terme de la procédure de contrôle ; qu'il en est de même de la circonstance que l'absence de prise en compte d'éventuelles sous-facturations pourrait conduire à un calcul erroné du montant des sommes indument perçues comme des sommes dues ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que le directeur général de l'agence régionale de santé, après avoir constaté un cas de manquement prévu à l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, prenne à l'encontre de l'établissement concerné une sanction immédiatement exécutoire, qui ne présente pas de caractère prématuré, nonobstant la circonstance que le litige opposant l'établissement à l'assurance maladie n'avait pas donné lieu à une décision judiciaire définitive à la date de la décision de sanction ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale, relatives aux modalités de calcul du montant de la sanction, que le prononcé d'une telle sanction serait soumis à une condition tenant à la gravité particulière des manquements constatés ; que, dès lors, la clinique Charcot ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que les manquements en cause ne présenteraient pas un tel caractère de gravité ;

18. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Le montant de la sanction est déterminé par le directeur général de l'agence régionale de santé sur avis de la commission de contrôle en fonction de la gravité des manquements constatés et dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ; (...) " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1209 du 29 septembre 2011 : " Le montant de la sanction résultant du contrôle est déterminé par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis de la commission de contrôle. / Le directeur général de l'agence régionale de santé calcule le taux d'anomalies défini comme le quotient, d'une part, des sommes indûment perçues par l'établissement, déduction faite des sommes dues par les caisses au titre des sous-facturations constatées sur l'échantillon, et, d'autre part, des sommes dues par l'assurance maladie au titre de la totalité des facturations de l'échantillon. / La sanction est fixée en fonction de la gravité des manquements constatés et de leur caractère réitéré, à un montant au maximum égal au montant des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes aux activités, prestations ou ensembles de séjours ayant fait l'objet du contrôle multiplié par le taux d'anomalies. / Le montant de la sanction ne peut excéder dix fois le montant des sommes indûment perçues par l'établissement, déduction faite des sommes dues par les caisses au titre des sous-facturations constatées sur l'échantillon. Le montant de la sanction est inférieur à la limite de 5 % de la totalité des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement au titre de l'année civile antérieure au contrôle. (...) " ;

19. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le montant de la sanction est proportionné à la gravité des manquements constatés et ne peut dépasser la limite de 5 % de la totalité des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement au titre de l'année civile antérieure au contrôle, quel que soit le périmètre des activités contrôlées ; qu'il ne résulte de ces plafonds aucune disproportion manifeste entre la gravité des infractions poursuivies et les sanctions dont elles sont assorties ; que la clinique Charcot n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les modalités de calcul de la sanction méconnaissent le principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

20. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'application du décret du 29 septembre 2011 aurait eu pour effet de conduire au prononcé d'une sanction d'un montant inférieur à celui retenu par le directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 28 octobre 2010 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a infligé une sanction financière de 24 984 euros à la clinique Charcot ; qu'en conséquence, les conclusions de cette dernière aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1007389 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de la clinique Charcot devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à la clinique Charcot. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet et M.A..., présidents-assesseurs,

M. B...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2014.

''

''

''

''

1

3

N° 13LY00869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 13LY00869
Date de la décision : 23/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-02-02 Sécurité sociale. Relations avec les professions et les établissements sanitaires. Relations avec les établissements de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MUSSET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-23;13ly00869 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award