La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2014 | FRANCE | N°13LY02560

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 14 octobre 2014, 13LY02560


Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL Pizzéria des Moulins, dont le siège est 23 faubourg des Moulins à Crémieu (38460), représentée par son gérant ;

La SARL Pizzéria des Moulins demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902528 du 25 juillet 2013 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 20

04 à 2006, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour...

Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la SARL Pizzéria des Moulins, dont le siège est 23 faubourg des Moulins à Crémieu (38460), représentée par son gérant ;

La SARL Pizzéria des Moulins demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902528 du 25 juillet 2013 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2004 à 2006, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ;

2°) de la décharger desdites impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;

Elle soutient que la caisse enregistreuse qu'elle utilise, à des fins de gestion commerciale, ne constitue pas un élément d'une comptabilité informatisée ; que l'administration ne pouvait fonder son argumentation pour écarter sa comptabilité comme non probante que sur des documents comptables ; qu'en tout état de cause, le fait que les notes réglées peuvent être rappelées pendant un délai de trente jours n'est pas contraire aux règles comptables ; que la remise à zéro journalière des numéros de tickets n'empêche pas l'ordre chronologique d'être contrôlé et ne peut aboutir au rejet de la comptabilité ; que le caractère irréversible et intangible des écritures ne s'applique qu'aux seules écritures comptables mentionnées à l'article 420-5 du plan comptable général ; qu'il n'est pas établi que des lignes de commandes auraient été volontairement supprimées ; que l'administration ne peut tirer aucune conclusion de la part d'espèces dans différents types de tickets ; que les anomalies concernant les ventes de pizzas à emporter ne peuvent à elles seules justifier que la comptabilité ait été écartée comme non probante ; que l'administration a omis de prendre en compte la préparation des sauces et la consommation du personnel avant d'estimer que la comptabilité matière comprenait des anomalies, s'agissant du vin ; qu'en prenant en compte ces éléments, les écarts subsistant ne suffisent pas à justifier que la comptabilité ait été écartée comme non probante ; qu'il y a lieu de tenir compte de ces consommations de vin pour procéder à la reconstitution de recettes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la requête d'appel est irrecevable, en l'absence de critique du jugement, dès lors qu'elle se borne à reprendre purement et simplement les écritures de première instance ; que les recettes de la société devaient être justifiées par des inscriptions détaillées sur les livres ou documents comptables ; qu'en l'absence d'inscriptions détaillées, les bandes de caisse enregistreuse et les tickets récapitulatifs journaliers constituaient des documents justificatifs de nature à conférer une force probante aux documents comptables ; que ces justificatifs doivent eux-mêmes présenter un caractère régulier et probant ; que les diverses anomalies relevées par le vérificateur quant au fonctionnement de la caisse enregistreuse étaient de nature à priver de valeur probante les bandes de caisse et tickets produits ; que la comptabilité a également été écartée comme non probante en raison des anomalies constatées sur le nombre de cartons de pizzas achetés, de la progression anormale du chiffre d'affaires taxé au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, de l'absence de fourniture de l'inventaire du stock à l'ouverture de l'année 2004, de l'existence de discordances importantes dans la comptabilité matière des vins ; que les explications avancées par la société pour expliquer cette divergence ne sont pas cohérentes et sont contraires aux éléments avancés en cours de contrôle par son gérant ; que la société n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré de la reconstitution du chiffre d'affaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2014 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Pizzéria des Moulins, qui exploite un restaurant à Crémieu (Isère), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, période étendue jusqu'au 31 décembre 2007 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le vérificateur a écarté la comptabilité de la société comme non probante et procédé à une reconstitution de recettes ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; que, par jugement en date du 25 juillet 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SARL Pizzéria des Moulins des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 et rejeté le surplus de sa demande ; que la SARL Pizzéria des Moulins doit être regardée comme demandant l'annulation dudit jugement en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur, ayant constaté la présence dans l'établissement d'une caisse enregistreuse informatique utilisée pour la gestion de la facturation des notes clients et des articles, a procédé au traitement des données contenues dans cette caisse, en application de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'il a alors constaté différentes " anomalies " tenant notamment à la possibilité pour le gérant de modifier des données de caisse ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la SARL Pizzéria des Moulins n'était pas dotée d'un progiciel de comptabilité, que cette caisse enregistreuse n'était pas reliée à un système centralisé et qu'aucune donnée n'était directement générée dans un système comptable ; que, dans ces conditions, les données contenues dans les caisses enregistreuses n'étant pas des éléments d'une comptabilité informatisée, l'administration ne peut se fonder sur une prétendue absence de compatibilité entre les manipulations pouvant être effectuées sur cette caisse et les règles comptables pour justifier le caractère non probant de la comptabilité de la SARL Pizzéria des Moulins ;

3. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables [...] sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration [...] " ; qu'aux termes du I. de l'article 286 du même code : " Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. / Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat (...). Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues au I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales; les pièces justificatives relatives à des opérations ouvrant droit à une déduction doivent être d'origine ; / 4° Fournir aux agents des impôts (...) toutes justifications nécessaires à la fixation des opérations imposables (...) " ; que le vérificateur avait également relevé, pour écarter la comptabilité de la SARL Pizzéria des Moulins, que celle-ci n'enregistrait ses recettes, de manière globale, qu'une fois par mois, et qu'elle ne conservait que des tickets édités quotidiennement par les caisses enregistreuses, qui ne permettaient pas de justifier du détail des recettes ; que cette circonstance justifiait à elle seule que la comptabilité de la société fût regardée comme non probante ; que, par voie de conséquence, le vérificateur a pu procéder à une reconstitution extracomptable des résultats de la société ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...). " ; que la comptabilité de la SARL Pizzéria des Moulins ayant à bon droit été écartée comme non probante et les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à la société requérante ;

5. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Pizzéria des Moulins, l'administration s'est fondée sur la méthode dite des vins, dont le principe n'est pas contesté par la société, en appréciant les quantités de boissons revendues à partir du dépouillement des factures d'achats, en tenant compte de la variation des stocks et des tarifs pratiqués, du dépouillement des factures de vente, des informations délivrées par la société elle-même et de la part des vins constatée dans le chiffre d'affaires de la société ; que celle-ci se borne à soutenir que le taux de 7 % retenu pour les consommations du personnel et la quantité de vin utilisée en cuisine étaient insuffisants, compte tenu notamment de ce qu'elle utilisait deux litres de vin rouge par semaine pour la confection de la sauce bolognaise ; que, toutefois, la SARL Pizzéria des Moulins n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations alors que, interrogée sur ce point en cours de contrôle, elle n'avait fait état, pour la cuisine, que d'une consommation d'un litre et demi par semaine de vin blanc, quantité prise en compte par le vérificateur ; que, dans ces conditions, la SARL Pizzéria des Moulins n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère excessif du chiffre d'affaires reconstitué sur la période litigieuse ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, que la SARL Pizzéria des Moulins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a partiellement rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la charge des dépens à la SARL Pizzéria des Moulins, partie perdante ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise une quelconque somme à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SARL Pizzéria des Moulins ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Pizzéria des Moulins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pizzéria des Moulins et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Bouissac, présidente,

M. Besse, premier conseiller,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 14 octobre 2014.

''

''

''

''

2

N° 13LY02560

ld


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02560
Date de la décision : 14/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Redressement.


Composition du Tribunal
Président : Mme BOUISSAC
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : BREMANT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-14;13ly02560 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award