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19/06/2014 | FRANCE | N°13LY03120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 19 juin 2014, 13LY03120


Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme B...A..., domiciliée ... ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305352 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 15 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui

délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) de ...

Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour Mme B...A..., domiciliée ... ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305352 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 15 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat au paiement des dépens ;

La requérante soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle est entrée en France le 3 juin 2009 avec ses trois enfants pour rejoindre son mari, titulaire d'une carte de résident, qui vit en France depuis 1998, elle réside ainsi sur le territoire français depuis plus de quatre ans, elle a dû quitter le Kosovo pour sauver sa vie et celle de ses enfants, la menace pesant sur sa vie et celle de ses enfants en cas de retour au Kosovo constitue une circonstance exceptionnelle au sens de l'article L. 313-14 du même code et un retour dans son pays aurait pour effet de séparer ses enfants de leur père ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire française a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant car l'existence de menaces au Kosovo ne lui permet pas de retourner dans ce pays pour y suivre la procédure de regroupement familial, un tel retour la séparerait de ses enfants et ces derniers sont scolarisés et bien intégrés en France ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 10 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 20 février 2014 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2014, présenté par le préfet du Rhône ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B...A...à verser à l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les moyens invoqués par Mme A...ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance en date du 4 mars 2014 reportant la clôture de l'instruction du 20 février 2014 au 20 mars 2014 à 16 heures 30, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2014 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme B...A..., ressortissante kosovare, née le 2 juillet 1976, est, selon ses déclarations, entrée en France le 3 juin 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 11 janvier 2010, laquelle a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 9 mars 2011 ; que, par arrêté du 1er juin 2011, dont la légalité a été confirmée par le Tribunal administratif de Lyon et par la Cour administrative d'appel de Lyon, le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que, par décision du 1er mars 2012, le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A...au motif que MmeA..., résidant irrégulièrement sur le territoire français, ne pouvait bénéficier d'une procédure de regroupement familial à partir de la France ; que, par un arrêté en date du 15 juillet 2013, le préfet du Rhône a de nouveau refusé à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que Mme A...relève appel du jugement n° 1305352 du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 15 juillet 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France avec ses trois enfants le 3 juin 2009 pour y rejoindre son mari qui réside en France depuis 2008 ; que Mme A...et ses enfants résidaient ainsi en France depuis plus de quatre ans à la date de la décision attaquée ; que M.A..., dont la demande de regroupement familial présentée au bénéfice de sa femme et de ses enfants a été rejetée par décision du 1er mars 2012, est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 13 juin 2023 et travaille dans une société dont il est associé ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de Mme A...en France ainsi que de la durée et de la stabilité de sa vie familiale, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vu desquels elle a été prise ; que Mme A...est, dès lors, fondée à soutenir que cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, cette décision doit être annulée ; que son annulation implique celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de son renvoi ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que la présente décision implique la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à Mme A...une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les dépens :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 : " I.- Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative / II. La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

7. Considérant que Mme A...ne justifie d'aucun dépens ; que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des dépens doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme A...d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A...qui n'a, dans la présente instance, ni la qualité de partie perdante ni celle de partie tenue aux dépens, verse à l'Etat la somme demandée sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1305352 du 15 octobre 2013 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône en date du 15 juillet 2013 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme A...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 (mille) euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2014 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2014.

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N° 13LY03120

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03120
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : GRELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-19;13ly03120 ?
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