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15/05/2014 | FRANCE | N°12LY20985

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 12LY20985


Vu l'ordonnance n° 372825 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA00985 ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 mars 2012, sous le n° 12MA00985, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103544 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a

rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse en da...

Vu l'ordonnance n° 372825 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire n° 12MA00985 ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 mars 2012, sous le n° 12MA00985, présentée pour Mme C...B..., domiciliée ... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103544 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse en date du 20 octobre 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de son renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du préfet de Vaucluse en date du 20 octobre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, avec fixation d'une nouvelle astreinte à l'expiration d'un délai de trois mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La requérante soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car elle réside habituellement en France depuis le 27 décembre 2009, qu'elle s'y est mariée, le 18 mars 2010, avec M. A...B..., qui réside régulièrement en France depuis 1999 et est titulaire d'une carte de résident, que la famille de ce dernier réside régulièrement en France et qu'une fille est née de leur union, le 13 septembre 2010 ; elle ne peut rentrer en Turquie le temps de l'instruction d'une demande de regroupement familial, d'une part, parce qu'elle ne peut laisser son enfant seul durant les absences de son mari nécessitées par son travail et, d'autre part, parce qu'elle n'a nulle part où aller, sa famille l'ayant rejetée à la suite de son mariage ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français se fonde sur les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 en ce qu'elles prévoient qu'une telle décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'en outre, cette décision est insuffisamment motivée ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 14 février 2014 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L. 732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme C...B..., ressortissante turque née le 13 novembre 1988, est, selon ses déclarations, entrée en France le 27 décembre 2009 sous couvert d'un visa C, afin d'y rejoindre son " futur époux " ; que, par arrêté du 20 octobre 2011, le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, soit sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de son renvoi ; que Mme B...relève appel du jugement n° 1103544 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet de Vaucluse ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

3. Considérant que Mme B...soutient résider habituellement sur le territoire français depuis le 27 décembre 2009 et s'être mariée le 18 mars 2010 avec un compatriote, titulaire d'une carte de résident en France, dont elle a eu une fille née le 13 septembre 2010 ; que, toutefois, elle ne justifiait pas d'une vie privée et familiale stable et ancienne en France à la date de la décision attaquée ; que, par ailleurs, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et son frère et n'établit pas avoir été rejetée par sa famille à la suite de son mariage ainsi qu'elle le prétend ; que, par suite, la décision refusant à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas, compte tenu notamment de la durée et des conditions de son séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cette décision a méconnu, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (...) " ;

5. Considérant que MmeB..., qui s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 20 octobre 2011, entre ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours " ; qu'aux termes du 7ème alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 portant transposition des dispositions de cette directive qui est entrée en vigueur le 18 juillet 2011 : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 précité ;

7. Considérant, d'une part, que la décision attaquée est intervenue postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 portant transposition des dispositions de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 en droit interne et, par suite, à la modification de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions précitées prévoient désormais que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été prise sur le fondement de dispositions prévoyant que cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation, lesquelles seraient ainsi incompatibles avec les objectifs de cette directive ; que, d'autre part, le préfet de Vaucluse a, dans un même arrêté, refusé à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour et fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français ; que la décision de refus de séjour dont cette mesure d'éloignement découle nécessairement est régulièrement motivée ; que l'arrêté contesté vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

8. Considérant que si la requérante demande l'annulation de la décision fixant le pays de son renvoi, elle n'assortit sa demande d'aucun moyen ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle pas de mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante verse à Mme B...la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

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N° 12LY20985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY20985
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : BISSANE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-15;12ly20985 ?
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