La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2014 | FRANCE | N°13LY00888

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 15 avril 2014, 13LY00888


Vu la décision n° 345045 du 28 mars 2013, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2013, par laquelle la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, sur le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, annulé les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 09LY02455 du 29 octobre 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon a accordé à M. C... la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, réformé le jugement n° 0703665 du

28 juillet 2009 du Tribunal administratif de Lyon en ce qu'il ava...

Vu la décision n° 345045 du 28 mars 2013, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2013, par laquelle la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, sur le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, annulé les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 09LY02455 du 29 octobre 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon a accordé à M. C... la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, réformé le jugement n° 0703665 du 28 juillet 2009 du Tribunal administratif de Lyon en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt, condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, enfin, renvoyé devant la Cour de céans, dans cette mesure, le jugement de la requête présentée par M. C... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 octobre 2009, présentée pour M. C..., domicilié... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703665, en date du 28 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 29 juin 2007 du directeur des services fiscaux du Rhône, en tant qu'elle lui a refusé le dégrèvement d'office des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003, ainsi qu'à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 138 247 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2005, du fait tant de l'action des services fiscaux que d'une carence du pouvoir réglementaire ;

2°) d'ordonner la restitution demandée, pour un montant de 138 247 euros, assorti des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 300 euros, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement méconnaît les pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir en considérant que le juge de l'impôt ne pouvait pas apprécier l'usage fait par l'administration fiscale de son pouvoir de prononcer des dégrèvements d'office, en application des dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales ;

- les activités d'ostéopathie auraient dû être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée dès avant 2000 et il y a eu en ce domaine une carence fautive des pouvoirs législatif et réglementaire et un non-respect des principes et objectifs de la 6ème directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- il justifie, au regard des critères établis par la Cour de justice des Communautés européennes, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ses prestations de soins d'ostéopathie pendant la période en litige une qualité équivalente à celle des prestations fournies par les personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il n'apportait aucun élément relatif à sa pratique au cours des années 2003 à 2005 permettant d'appréhender la nature des actes accomplis ; en effet, il est titulaire du diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute depuis 1973, a suivi une formation spécifique en ostéopathie pendant six ans sanctionnée par un diplôme qui lui a été délivré par l'Ecole européenne d'ostéopathie en 1981 et exerce à titre continu et exclusif en qualité d'ostéopathe ; il a été autorisé à user du titre d'ostéopathe par décisions du préfet de Rhône-Alpes en date des 1er octobre 2007 et 22 mai 2008 et cette autorisation était conditionnée par une expérience d'au moins cinq années consécutives à la date de la demande (soit en juillet 2007) et par une pratique de l'activité d'ostéopathe de façon continue au cours des huit dernières années ;

- il est paradoxal que la charge de la preuve lui incombe, alors qu'une personne, exerçant la même activité qui aurait refusé d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée, bénéficierait d'un régime de preuve objective ;

- s'agissant du recours indemnitaire, l'absence de réclamation préalable ne peut lui être opposée dans la mesure où le contentieux a été lié par le ministre qui s'est défendu au fond ;

- l'exception de recours parallèle lui a été opposée à tort par le tribunal administratif, sa demande de réparation étant distincte de sa demande de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée ;

- les fautes de l'Etat sont liées au non-respect de la 6ème directive CEE et au retard avec lequel sont intervenus les décrets d'application de la loi du 4 mars 2002 ;

- il a subi des préjudices spécifiques du fait de ces fautes, tenant au désavantage concurrentiel dont il a été victime et aux coûts administratifs qu'il a dû assumer du fait des obligations déclaratives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de M. C... pour ce qui concerne son recours en excès de pouvoir ;

Le ministre expose que les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales ne créent aucun droit dont les contribuables puissent se prévaloir, hormis les cas où la loi le prévoit ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de M. C... s'agissant de son recours de plein contentieux fiscal ;

Le ministre expose que la charge de la preuve incombe au contribuable, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ; que le requérant ne peut pas se prévaloir de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002, ni des décrets d'application postérieurs qui ont réglementé la profession d'ostéopathe ; que le requérant ne produit aucun élément relatif à sa pratique pendant les années 2000 à 2005, de nature à permettre d'appréhender la nature des actes accomplis ; qu'il n'établit donc pas qu'il y a eu en l'espèce méconnaissance du principe communautaire de neutralité fiscale ou des objectifs de la 6ème directive CEE ; que l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe qui lui a été délivrée ne permet pas d'établir à postériori que les actes accomplis étaient de qualité équivalente aux prestations fournies par les personnes bénéficiant de l'exonération en vertu de la réglementation alors existante ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de M. C... pour ce qui concerne ses conclusions tendant au versement d'une indemnité en réparation de préjudices ;

Il fait valoir que l'éventuelle faute liée à la tardiveté avec laquelle sont intervenus en 2007 les décrets d'application de la loi du 4 mars 2002 relève du ministre de la santé publique ; que l'exception de recours parallèle peut être opposée au requérant en l'absence de préjudice distinct du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée ; que les dispositions de l'article R. 772-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que des conclusions à fin d'indemnité soient présentées dans une requête tendant à la décharge d'une imposition ; que ces conclusions sont également irrecevables pour défaut de demande préalable, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que le contentieux n'a pas pu être lié dès lors que le ministre a soulevé à titre principal l'irrecevabilité de ces conclusions sur le fondement de la distinction des contentieux et de l'exception de recours parallèle ; que la prescription quadriennale a été expressément opposée devant les premiers juges ; que l'administration fiscale n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir l'existence d'un préjudice

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 août 2010, présenté pour M. C... tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens :

Il soutient, en outre, que la demande de dégrèvement d'office a été présentée par lui le 22 décembre 2006, dans le délai prévu à l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne conteste pas que le juge ne peut apprécier l'usage fait par l'administration de son pouvoir d'accorder un dégrèvement d'office, mais la Cour est néanmoins compétente pour annuler un refus de dégrèvement d'office ; qu'il a suffisamment apporté la preuve de la réalité et de la qualité des prestations de soins qu'il a accomplies ; qu'il apporte des attestations supplémentaires relatives à la définition de sa pratique ; que la prescription quadriennale ne peut lui être opposée, la créance indemnitaire en cause ne devant prendre naissance qu'au jour de la décision à intervenir ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 17 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 29 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il expose, en outre, que M. C... n'a pas établi que les actes d'ostéopathie qu'il a accomplis durant la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 doivent être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il n'établit pas notamment qu'au cours de la période litigieuse il s'est abstenu d'accomplir des actes d'ostéopathie interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2013, présenté par le ministre chargé du budget tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Le ministre expose, en outre, que dès lors que le litige se rapporte à une demande de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée et acquittée spontanément, il incombe au contribuable de justifier du caractère exagéré des cotisations de taxe dont il demande la restitution et notamment d'établir les circonstances de fait qu'il invoque au soutien de son argumentation ; que l'intéressé, qui au titre de la période en litige, exerçait son activité en dehors de tout cadre réglementaire, ne peut légalement bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour la période antérieure à la date où lui a été reconnue la qualité d'ostéopathe, soit le 1er octobre 2007 ; que la seule détention du diplôme ou de la formation d'ostéopathe ne peut suffire à faire présumer que chacun des actes accomplis durant la période litigieuse relevait de la catégorie des actes d'ostéopathie entrant dans le champ de l'exonération prévue par l'article 261. 4 1° du code général des impôts ; que l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe que le préfet a délivré ne peut en elle-même être interprétée, ainsi que le contribuable le revendique, comme valant reconnaissance, pour la période antérieure, de conditions de formations équivalentes à celles prévues par les nouveaux textes ou à celles des médecins ; qu'il ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa demande de restitution, des dispositions de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002, ni de ses décrets d'application, ni davantage de ce que le préfet lui a délivré en octobre 2007, postérieurement à la période litigieuse, l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe en application de ces dispositions ; qu'il lui appartient d'établir devant le juge de l'impôt la nature des actes qu'il a accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathies et les conditions dans lesquelles lesdits actes ont été effectués ; que le requérant ne peut se dispenser de justifier que les actes qu'il a pratiqués au cours de la période en litige, et notamment à compter de la publication le 5 mars 2002 de la loi n°2002-303 portant reconnaissance de la profession d'ostéopathe, étaient exclusivement de la nature de ceux que ces praticiens sont autorisés à effectuer à leur initiative, ou le cas échéant, après diagnostic médical ; qu'il s'abstient de produire aucun élément quant à la nature et à la qualité des actes accomplis au cours de la période litigieuse et aux conditions dans lesquelles ont été effectuées les prestations pour lesquelles il revendique la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il n'établit, ni même n'allègue s'être abstenu, au cours de la période litigieuse, d'accomplir des actes d'ostéopathie interdits aux praticiens qui comme lui n'ont pas la qualité de médecin ; qu'il n'apporte pas la preuve qui lui incombe du mal-fondé des impositions dont il sollicite la restitution ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2013, présenté pour M. C... qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en outre, que le législateur n'a pas subordonné la possibilité d'effectuer des actes d'ostéopathie à un diagnostic médical préalable, non plus qu'à une prescription médicale systématique ; qu'ainsi le juge de l'impôt ne saurait mettre à la charge des ostéopathes non médecins d'établir la preuve du contenu de leur pratique des actes d'ostéopathie par la production d'un diagnostic médical ou de prescription médicale systématique ; que le législateur n'a pas défini les modalités de preuve des actes d'ostéopathie effectués par des non-médecins ; que les neuf attestations qu'il produit, émanant de docteurs en médecine agissant en tant que tels, exerçant des spécialités différentes, et non de patients, n'ayant donc pas à être anonymisées, établissent à la fois la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués en tant qu'actes susceptibles de comporter un risque en cas de contre-indication médicale ; que ces attestations définissent la pratique de l'appelant et reconnaissent qu'elle correspond à des actes d'ostéopathie d'une qualité équivalente à ceux qui auraient pu être accomplis par un médecin ou un masseur-kinésithérapeute exonéré de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2013, présenté par le ministre chargé du budget qui persiste dans ses écritures ;

Il expose que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité est inopérant dès lors qu'en ce qui concerne une demande de restitution de taxe acquittée spontanément, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que tous les actes à raison desquels il demande la restitution de la taxe déclarée étaient d'une qualité équivalente à ceux qui s'ils avaient été accomplis par un médecin auraient été exonérés, l'administration n'étant pas dans la situation de pouvoir, comme dans le cadre d'un contrôle fiscal, examiner sur place tous les documents anonymisés en vue de prouver que le contribuable aurait accompli des actes qui n'étaient pas au nombre de ceux qu'il était réglementairement habilité à dispenser ; qu'au cas particulier, et au vu des éléments présentés par M.C..., la preuve n'est toujours pas apportée ; que cette preuve ne saurait résulter comme il le soutient de simples attestations de caractère général délivrées à postériori par des tiers, en l'absence d'éléments précis permettant d'appréhender la nature de chaque acte et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2013, présenté pour M. C... qui persiste dans ses écritures et, à titre subsidiaire, demande à la Cour d'ordonner une expertise pour déterminer que les actes d'ostéopathie réalisés durant la période litigieuse lui ouvrent droit à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée perçue ;

Il soutient que les six nouvelles attestations qu'il produit au soutien de sa requête sont établies par des docteurs en médecine, intervenant en tant que tels, aptes à décrire et à juger le contenu et la nature des actes d'ostéopathes pratiqués par le requérant, qui exercent à titre personnel chacun une spécialité différente et intervenant également, dans le cadre de la présente instance, en tant que patient du requérant au titre de sa pratique des actes d'ostéopathie et en tant que prescripteurs à son profit au titre de cette même pratique ; qu'il semble paradoxal d'envisager une preuve apportée par des fiches patient produites par l'ostéopathe lui-même ; que les attestations produites doivent être examinées, non comme des expertises réalisées à l'initiative du contribuable, mais comme des éléments de preuve de sa pratique pour la période litigieuse, de l'accomplissement d'actes d'ostéopathie exonérés de taxe sur la valeur ajoutée corroborés par la circonstance qu'il a obtenu l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe en 2008 sur la base de la pratique des années antérieures conformément aux dispositions législatives et réglementaires et à tout le moins comme des éléments de nature à permettre d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire, qu'il sollicite ;

Vu l'ordonnance en date du 9 décembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 31 décembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision rejetant la réclamation préalable de M. C... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 14, et l'article 1er du protocole n° 1 additionnel à cette convention ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n° 96-879 du 8 octobre 1996 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;

Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2014 :

- le rapport de Mme Terrade,

- les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public,

- et les observations de Me Gilles Vidal, avocat de M. C... ;

1. Considérant que M. C..., qui exerce une activité d'ostéopathe à Lyon (Rhône), a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée à raison des recettes afférentes à son activité pour la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2005 ; que, par une réclamation du 18 décembre 2006, il a sollicité la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a ainsi spontanément acquittés au titre des actes d'ostéopathie réalisés au cours de cette période ; que, par jugement en date du 28 juillet 2009, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 29 juin 2007 du directeur des services fiscaux du Rhône, en tant qu'elle lui a refusé le dégrèvement d'office des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003, ainsi qu'à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 138 247 euros en réparation du préjudice subi du fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2005, résultant tant de l'action des services fiscaux que d'une carence du pouvoir réglementaire ; que, par arrêt du 29 octobre 2010, la Cour de céans a fait droit aux conclusions de M. C... tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, et rejeté le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation du jugement du Tribunal ; que, par décision du 28 mars 2013, la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 29 octobre 2010, en tant qu'il avait fait partiellement droit aux conclusions de M. C..., et renvoyé, dans cette mesure, cette affaire à la Cour ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. " ; qu'en vertu des stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. " ;

4. Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts des dispositions établissant cette distinction ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 261 du code général des impôts qu'un praticien ayant été assujetti à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée est fondé à soutenir qu'il doit en être déchargé dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait accompli des actes qui n'étaient pas au nombre de ceux qu'il était réglementairement habilité à dispenser ; qu'à l'inverse, il résulte des dispositions précitées du second alinéa de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales, combinées avec celles de l'article 261 du code général des impôts, qu'un praticien ayant déclaré et spontanément acquitté des droits de taxe sur la valeur ajoutée n'est fondé à soutenir que ces droits doivent lui être restitués qu'à la condition de démontrer qu'ils correspondent à des actes qu'il était réglementairement habilité à dispenser ; que M. C... soutient que la différence de traitement ainsi instituée par les dispositions de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales entre les praticiens ayant spontanément déclaré être redevables de la taxe sur la valeur ajoutée et ceux ne l'ayant pas fait, serait discriminatoire ;

6. Considérant que les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées pour contester les discriminations résultant d'une interprétation de la loi fiscale ; qu'ainsi M. C... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations pour soutenir qu'ayant appliqué la doctrine administrative contenue dans l'instruction du 22 décembre 1993, selon laquelle les actes d'ostéopathie accomplis par les masseurs-kinésithérapeutes étaient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, il aurait été placé dans une situation moins favorable que les contribuables qui, alors qu'ils entraient dans les prévisions de cette instruction, se sont abstenus de s'y conformer ;

7. Considérant que les dispositions du second alinéa de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales ont pour objet d'assurer la sincérité et l'exactitude des déclarations des contribuables ; que la différence de situation existant entre les contribuables ayant spontanément déclaré être redevables de la taxe sur la valeur ajoutée et ceux ne l'ayant pas fait, justifie, eu égard à cet objet, la différence de traitement susmentionnée ; qu'il suit de là que M. C... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du second alinéa de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales, fondant le refus qui lui a été opposé de lui restituer les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés au titre de la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, seraient incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;

9. Considérant, toutefois, que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui de celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;

11. Considérant que le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; que, durant la période en litige, les actes d'ostéopathie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les masseurs-kinésithérapeutes, en vertu de la réglementation de leur profession, notamment les dispositions des articles 5 et 7 du décret du 8 octobre 1996 susvisé repris aux articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, pour obtenir la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. C... sur ses prestations d'ostéopathie, celui-ci doit démontrer qu'il disposait, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalent à celui de celles fournies par un médecin ; que l'appréciation de la qualité des actes accomplis par M. C... ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance que l'intéressé ait pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret susvisé du 25 mars 2007 en vue d'autoriser l'usage du titre professionnel d'ostéopathe par les praticiens en exercice à la date de publication de ce décret ; qu'il appartient, dès lors, à M. C... pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

13. Considérant qu'à l'appui de sa demande de restitution, M. C... se prévaut de l'obtention d'un diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute en 1973 et d'un diplôme d'ostéopathie qui lui a été délivré en 1981 suite à une formation à l'école européenne d'ostéopathie de Maidstone en Grande-Bretagne, ainsi que de la délivrance d'une autorisation d'user du titre d'ostéopathe par décision du préfet de la région Rhône-Alpes ainsi que cela ressort d'une attestation du 22 mai 2008 produite au dossier ; qu'il produit, ainsi, des éléments suffisants concernant ses qualifications professionnelles pour accomplir des actes d'ostéopathie durant la période d'imposition litigieuse ;

14. Considérant, en revanche, que, concernant la nature des actes accomplis au cours des années 2004 et 2005, M. C... n'a produit que des attestations sur l'honneur émanant de neuf médecins décrivant, de manière générale, la nature des actes pratiqués par M. C... et certifiant que ces actes étaient d'une qualité équivalente à ceux qui auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée s'ils avaient été effectués par un médecin ou un masseur-kinésithérapeute ; que nonobstant la circonstance que ces attestations, dans leur dernière version, pour six d'entre elles, émanent de docteurs en médecine qui précisent avoir également été clients et prescripteurs de M. C..., la valeur probante des pièces produites par le requérant n'est pas suffisante pour permettre au juge de l'impôt d'appréhender concrètement la nature et la qualité des actes d'ostéopathie effectivement accomplis au cours de la période litigieuse, ni pour établir que les actes alors effectivement pratiqués étaient exclusivement de la nature de ceux que ces praticiens sont autorisés à effectuer à leur initiative, ou le cas échéant, après diagnostic médical ; que, dans ces conditions, M. C..., qui persiste à ne produire aucune fiche-client, ni aucun échantillon de documents, suffisamment représentatif au regard du chiffre d'affaires réalisé au cours de la période litigieuse, décrivant la nature des actes qu'il a effectivement pratiqués et les conditions dans lesquelles ils l'ont concrètement été, n'établit pas que les actes d'ostéopathie qu'il avait accomplis auraient pu être considérés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin pratiquant l'ostéopathie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de restitution ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'économie et des finances. Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Samson, présidente,

M. A... et Mme Terrade, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 15 avril 2014.

''

''

''

''

2

N° 13LY00888

jb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00888
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : COLBERT et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-15;13ly00888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award