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20/03/2014 | FRANCE | N°11LY21555

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 20 mars 2014, 11LY21555


Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la commune de Pertuis, représentée par son maire en exercice, domicilié ...;

La commune de Pertuis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902455 du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 1 831 536,76 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;

2°) de prononcer la condamnation

demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des di...

Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la commune de Pertuis, représentée par son maire en exercice, domicilié ...;

La commune de Pertuis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902455 du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 1 831 536,76 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a soutenu le préfet de Vaucluse en première instance, sa demande était recevable alors même qu'à la date d'enregistrement de cette demande au greffe du Tribunal administratif de Nîmes il ne s'était pas écoulé un délai de deux mois depuis le dépôt de sa demande indemnitaire préalable ;

- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à l'exception d'autorité de la chose jugée opposée par l'Etat, en raison de la décision du Conseil d'Etat du 14 mai 2008 qui a mis hors de cause l'Etat, alors qu'il n'existe pas d'identité de cause entre les deux actions, le régime de responsabilité de l'Etat invoqué reposant sur le moyen tiré de l'absence d'exercice par le préfet de son pouvoir de contrôle, non sur l'état général de la digue, mais sur les activités de l'association syndicale " syndicat de la Durance Pertuis ", alors que les juridictions n'ont pas statué sur la question de la négligence prolongée des services de l'Etat tirée de l'absence de réaction et de solution au délitement de ce syndicat ;

- l'exception de prescription quadriennale a été opposée de manière irrégulière, par une personne incompétente pour ce faire ; elle n'est pas fondée, le point de départ du délai devant être fixé à la suite des jugements du Tribunal administratif de Marseille, et non à la date des inondations, et la décision du Conseil d'Etat ayant eu un effet interruptif de prescription ;

- la responsabilité de l'Etat doit être engagée à raison de l'exercice par le préfet de son pouvoir de contrôle de l'association syndicale " syndicat de la Durance Pertuis ", ainsi qu'à raison de l'exercice par le préfet de son pouvoir de police ;

- elle a subi un préjudice à raison de sa condamnation à indemniser les victimes des inondations, alors qu'elle n'avait commis aucune faute ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 août 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, si la responsabilité de l'Etat devait être engagée, à la condamnation de l'association syndicale de la Durance-Pertuis à garantir l'Etat de toute condamnation mise à sa charge ;

Il soutient que :

- dès lors que la requérante fonde sa requête sur une prétendue faute du préfet dans son pouvoir de contrôle de l'association syndicale et dans son pouvoir de police, la cause juridique invoquée étant donc la responsabilité pour faute de l'Etat, et la juridiction administrative ayant déjà été saisie d'une requête ayant le même objet, entre les mêmes parties et fondée sur cette même cause juridique, l'autorité de la chose jugée fait obstacle à ce qu'il soit statué sur cette requête, le moyen juridique différent que la requérante présente ne suffisant pas à caractériser la nouveauté de la cause, alors au demeurant qu'elle invoque les mêmes arguments que ceux jugés par le Conseil d'Etat le 14 mai 2008 ;

- à titre subsidiaire, la prescription quadriennale doit être opposée à la demande, dès lors que les faits générateurs du dommage ont eu lieu en 1994 et que la commune n'a demandé à être indemnisée par l'Etat qu'à l'occasion d'un mémoire enregistré le 30 mai 2005 ;

- aucune faute lourde ne peut être reprochée au préfet dans l'exercice de son pouvoir de contrôle de l'association syndicale, aucune information relative à l'existence d'une brèche dans la digue n'ayant été portée à sa connaissance ;

- l'Etat n'a commis aucune faute de nature à exonérer la commune de sa propre responsabilité dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, le préfet ne disposant d'aucun pouvoir de police spéciale par l'effet de l'article 42 du décret du 5 septembre 1851 ;

- les fautes commises par la commune sont de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ;

Vu la lettre, en date du 2 juillet 2013, par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, dirigées contre le syndicat Durance-Pertuis, dissous par arrêté du sous-préfet d'Apt du 27 mai 2011 ;

Vu l'ordonnance n° 372825 du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 21 juin 1865 modifiée relative aux associations syndicales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bado, avocat de la commune de Pertuis ;

1. Considérant que la commune de Pertuis a été déclarée responsable, conjointement et solidairement avec le Syndicat de la Durance-Pertuis, association syndicale autorisée, des dommages occasionnés par la crue consécutive à la rupture de la digue dite du " Père-Grand ", sur la rivière la Durance, survenue le 7 janvier 1994, par des jugements du 4 février 2002 du Tribunal administratif de Marseille, confirmés par des arrêts de la Cour administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2005, qui ont mis hors de cause l'Etat ; que les pourvois formés par ladite commune contre ces arrêts ont été rejetés par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 14 mai 2008, aux motifs, notamment, que le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de faire usage d'un pouvoir de police spéciale à la conservation des ouvrages appartenant à cette association syndicale, l'Etat aurait commis une faute de nature à exonérer la commune de sa propre responsabilité dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale, devait être écarté, et que les manquements de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle n'étaient pas constitutifs d'une faute lourde ; que la commune de Pertuis, condamnée en conséquence, solidairement avec l'association syndicale de la Durance-Pertuis, à réparer les préjudices subis par les victimes des inondations et leurs assureurs, pour un montant total de 1 831 536,76 euros, a présenté au préfet de Vaucluse, une réclamation indemnitaire, reçue le 21 juillet 2009, tendant au versement par l'Etat d'une indemnité de ce même montant, en réparation de son propre préjudice, résultant de la mise à sa charge de l'indemnisation des victimes ; que la commune de Pertuis fait appel du jugement du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser ladite indemnité de 1 831 536,76 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;

2. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, le Conseil d'Etat, par une décision du 14 mai 2008, a rejeté les pourvois formés par la commune de Pertuis contre les arrêts du 19 décembre 2005 par lesquels la Cour administrative d'appel de Marseille avait rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable des préjudices subis par les victimes de la crue du 7 janvier 1994, du fait des fautes commises en raison de sa carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police, d'une part, et de ses pouvoirs de tutelle, d'autre part, dont elle soutenait qu'elles étaient de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité ; que des demandes tendant à ce que soit reconnue la responsabilité d'une personne publique à raison des préjudices causés par un même événement relèvent d'une même cause juridique si elles sont fondées sur une faute que l'administration aurait commise ; qu'ainsi, l'autorité relative de la chose jugée s'oppose à ce que la commune de Pertuis introduise une nouvelle action en responsabilité à l'encontre de l'Etat en vue d'obtenir la réparation des préjudices résultant de sa propre condamnation, même en invoquant des moyens nouveaux, dès lors que ceux-ci se rattachent à une faute de l'établissement et relèvent ainsi de la même cause juridique ; que la commune de Pertuis n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Pertuis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pertuis et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 27 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mars 2014.

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N° 11LY21555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY21555
Date de la décision : 20/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Omissions.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL ABEILLE et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-20;11ly21555 ?
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