Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. A... B...C..., domicilié... ;
M. B...C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900184 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avignon à lui verser une somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal en réparation de ses préjudices qu'il impute à l'infection qu'il a contractée consécutivement à l'opération qu'il a subie dans cet établissement le 9 octobre 2007 ;
2°) de prononcer la condamnation demandée et, à titre subsidiaire, de fixer son montant à la somme de 16 500 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Avignon une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- sa requête est recevable dès lors que le jugement dont il fait appel n'a pas été notifié à la nouvelle adresse dont il avait pourtant informé le tribunal administratif dans son mémoire enregistré le 5 mars 2011 ;
- il a contracté une infection au centre hospitalier Henri Dufaut d'Avignon qui présente un caractère nosocomial en dépit des conclusions contraires auxquelles est parvenu l'expert en se fondant à tort sur son manque de coopération lors de la réunion d'expertise ;
- eu égard au caractère nosocomial de cette infection, la responsabilité du centre hospitalier est engagée en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
- à supposer que, comme l'affirme l'expert, son état antérieur soit à l'origine de l'infection dont il a été victime, le centre hospitalier aurait dû retarder l'intervention chirurgicale afin de lui éviter de contracter cette infection ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes agissant pour le compte de la CPAM de Vaucluse, qui conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2011 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avignon à lui verser une somme de 33 817,12 euros en remboursement de ses débours et une somme de 997 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Elle soutient que le centre hospitalier est tenu de rembourser les sommes correspondant aux prestations versées à M. B...C...en conséquence de l'infection dont il a été victime lors de sa prise en charge par cet établissement ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2013, présenté pour le centre hospitalier d'Avignon qui conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM des Hautes-Alpes ;
Il soutient que :
- eu égard à la date d'enregistrement de la requête, il appartiendra à la Cour de vérifier que le requérant avait déclaré son changement d'adresse au Tribunal ;
- il résulte du rapport de l'expert, dont l'impartialité ne peut être mise en cause, que l'infection par staphylocoque doré dont M. B...C...a été victime à la suite de l'intervention qu'il a subie le 10 octobre 2007 était préexistante à cette intervention qui n'a fait que la mobiliser avec passage de la zone abcédée au sang lors de l'ablation du scrotum et qu'en conséquence, cette infection ne peut être qualifiée de nosocomiale ;
- s'agissant de cette infection, l'expert a exclu tout manquement imputable au centre hospitalier, de sorte que le requérant ne peut pas soutenir que l'intervention du 10 octobre 2007 aurait dû être différée en raison de son état antérieur ;
- les demandes indemnitaires du requérant ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant, l'expert ayant estimé que le traitement qu'il a dû subir en lien avec l'infection par staphylocoque doré n'a pas dépassé 15 jours ;
- les conclusions présentées par la CPAM des Hautes-Alpes qui intervient pour la première fois en cause d'appel, alors que devant le tribunal administratif, seule est intervenue la CPAM de Vaucluse, sont irrecevables ; elle était en outre à même de connaître le montant de ses débours avant le prononcé du jugement ;
Vu l'ordonnance du 17 décembre 2013 fixant au 17 janvier 2014 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2014, présenté pour M. B...C... ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Marseille (section administrative d'appel) du 10 mai 2012, accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...C... ;
Vu l'ordonnance n° 372825 du 18 novembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la Cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu la lettre du 27 janvier 2014, par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que le Tribunal n'a pas statué sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes en date du 5 août 2009 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...C..., atteint du virus de l'immunodéficience humaine, a séjourné du 2 au 6 août 2007 dans le service d'urologie du centre hospitalier d'Avignon pour le traitement d'une augmentation significative du volume de la bourse droite ; qu'à l'occasion de cette première hospitalisation a été constatée la présence d'une lésion en voie d'abcédation nécessitant une antibiothérapie ; qu'au cours de cette hospitalisation est apparue une fistulisation cutanée spontanée avec évacuation de liquide purulent dont l'analyse a mis en évidence quelques colonies de staphylocoque et de corynebacterium ; qu'à l'issue de l'hospitalisation, un traitement antibiotique a été prescrit pour une durée de quinze jours ; qu'après l'arrêt du traitement a été constatée une reprise de l'augmentation du volume de la bourse droite ; qu'après réalisation d'une échographie, le 21 septembre 2007, il a été décidé d'effectuer une exploration scrotale par voie inguinale le 10 octobre 2007, le patient étant prévenu à cette occasion qu'une orchidectomie risquait d'être pratiquée ; que le 10 octobre 2007, après constat de lésions abcédées vieillies du testicule, a été effectuée une orchidectomie droite ; que le 16 octobre suivant a été constaté un écoulement sanguin au niveau de la cicatrice du site opératoire ainsi qu'une augmentation de la température du patient ; que l'analyse des prélèvements effectués sur le site opératoire a mis en évidence, notamment, une infection par staphylococcus aureus qui a été traitée et guérie par un traitement antibiotique ; que M. B...C...et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes, agissant pour le compte de la CPAM de Vaucluse, font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Avignon à réparer leurs préjudices, qu'ils imputent à l'infection contractée par l'intéressé à la suite de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 10 octobre 2007 dans cet établissement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif, qui ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés, a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la charge des frais d'expertise, et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur la requête de M. B... C...et les conclusions la CPAM des Hautes-Alpes ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Avignon :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes qu'avant l'opération d'orchidectomie droite qu'il a subie le 10 octobre 2007, M. B...C...souffrait, depuis le début du mois d'août 2007, d'une infection testiculaire ; que s'agissant de l'infection par staphylocoque doré qui s'est produite à la suite de l'opération chirurgicale du 10 octobre 2007, l'expert relève qu'il y a bien eu constat d'une infection dans la période post-opératoire, mais que l'intéressé, qui présentait au préalable une infection chronique, avait bénéficié de la prescription d'un traitement ciblé sur cette même bactérie dans les mois précédents ; que l'expert ajoute que l'infection était préexistante et que l'intervention n'a fait que " la mobiliser avec passage du germe de la zone abcédée au sang lors de l'ablation du scrotum " ; qu'il résulte de ces constations que l'infection par staphylocoque doré qui a suivi l'intervention du 10 octobre 2007, qui était déjà présente dès le début de la prise en charge du patient dans le service d'urologie du centre hospitalier d'Avignon, ne peut, dès lors, être qualifiée de nosocomiale ;
5. Considérant par ailleurs que l'expert ne retient aucune faute quant au choix de l'opération qui a été pratiquée, à son déroulement et au suivi post-opératoire ; que, dès lors, en se bornant à soutenir que le centre hospitalier d'Avignon aurait dû retarder l'intervention chirurgicale afin de lui éviter les complications infectieuses qui sont survenues à la suite de cette intervention, le requérant n'établit pas qu'une faute serait à l'origine de ces complications ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...C...et la CPAM des Hautes-Alpes agissant au nom de la CPAM de Vaucluse ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs conclusions, sans qu'il soit besoin pour la Cour de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier d'Avignon aux conclusions de la CPAM ;
Sur les dépens :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article 40 de la même loi : " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée (...) " ; que M. B... C...bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, les frais de l'expertise prescrite par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes du 5 août 2009 doivent être mis à la charge définitive de l'Etat ;
Sur les conclusions de M. B... C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Avignon qui n'est ni la partie tenue aux dépens, ni la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. B... C...au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion du litige ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...C...et les conclusions de la CPAM des Hautes-Alpes sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2011 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la charge des frais d'expertise.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...C..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et au centre hospitalier d'Avignon.
Délibéré après l'audience du 13 février 2014 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mars 2014.
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N° 12LY20595