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18/02/2014 | FRANCE | N°13LY02127

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 18 février 2014, 13LY02127


Vu le recours, enregistré le 2 août 2013, présenté par le Premier ministre (Mission interministérielle aux rapatriés) ;

Le Premier ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101697 du 25 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon, à la demande de M. A...B..., a, d'une part, annulé l'arrêté n° DDACVG 2011 0011 du 27 mai 2011 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de versement de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés anciens membres des formations supplétives en Algérie et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Yo

nne d'accorder à M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notificatio...

Vu le recours, enregistré le 2 août 2013, présenté par le Premier ministre (Mission interministérielle aux rapatriés) ;

Le Premier ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101697 du 25 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon, à la demande de M. A...B..., a, d'une part, annulé l'arrêté n° DDACVG 2011 0011 du 27 mai 2011 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de versement de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés anciens membres des formations supplétives en Algérie et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Yonne d'accorder à M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, le bénéfice de l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 et prévue par l'article 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M.B... ;

il soutient que :

- pour justifier l'annulation de la décision attaquée, le juge invoque la décision QPC du 4 février 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a abrogé certaines dispositions de la loi du 23 février 2005, alors que concernant M.B..., aucune instance contentieuse n'était en cours au jour de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ;

- celui-ci s'était vu refuser l'allocation de reconnaissance par une décision du 22 septembre 2005 du directeur du service départemental de l'Yonne de l'office national des anciens combattants, rejet confirmé par un arrêt du 3 mars 2009 de la cour administrative d'appel de Lyon et par un arrêt du 17 février 2010 du Conseil d'Etat, ce qui a conféré à cette décision l'autorité de chose jugée, toute décision ultérieure ne pouvant qu'être confirmative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2013, présenté pour M. B... qui conclut au rejet de la requête et à ce, en outre, que l'Etat lui verse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- sa requête introductive d'instance est recevable en ce que la décision litigieuse du 27 mai 2011 ne peut être regardée comme étant confirmative de celle du 22 septembre 2005 pour laquelle est intervenue une décision de justice devenue définitive, dans la mesure où il a présenté une nouvelle demande suite à la décision du Conseil constitutionnel, ce qui a modifié l'état du droit ;

- la décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011 est applicable à sa situation en ce qu'elle a pris effet antérieurement à sa nouvelle demande ;

- il a le droit de bénéficier de cette allocation de reconnaissance comme ancien membre des formations supplétives et assimilées, membre d'une section administrative spécialisée ; l'administration ne peut plus lui refuser l'attribution de cette allocation au motif qu'il avait un statut civil de droit commun ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et, notamment, ses articles 61-1 et 62 ;

Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 modifiée, relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;

Vu la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 modifiée, relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;

Vu la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

Vu le décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

1. Considérant que le Premier ministre relève appel du jugement du 25 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon, à la demande de M. A...B...a, d'une part, annulé l'arrêté n° DDACVG 2011 0011 du 27 mai 2011 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de versement de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés, anciens membres des formations supplétives en Algérie et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Yonne d'accorder à M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, le bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-93 QPC en date du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que " la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles. " ;

4. Considérant que, par sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui, dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999, les sixième et septième alinéas de l'article 6 et l'article 9 de la loi du 23 février 2005, mentionnaient l'acquisition ou la possession de la nationalité française, dont celles qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de sa date de publication au Journal officiel, le 5 février 2011 ; qu'ainsi, si elle peut être invoquée dans les instances en cours à la date du 5 février 2011 et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, elle s'applique essentiellement aux nouvelles instances postérieures à cette date ; que, par suite, le Premier ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ladite décision du Conseil constitutionnelle ;

5. Considérant, en second lieu, que par une décision du 22 septembre 2005, le directeur du service départemental de l'Yonne de l'office national des anciens combattants et victimes de la guerre avait refusé à M. B...l'attribution de l'allocation de reconnaissance destinée aux rapatriés, anciens membres des formations supplétives et assimilées prévue par l'article 9 de la loi du 23 février 2005 susvisée au motif que celle-ci était réservée aux anciens supplétifs de statut civil de droit local ; que cette décision, annulée par un jugement du 20 mars 2007 du tribunal administratif de Dijon, a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 mars 2009, dont le pourvoi en cassation a été rejeté par le Conseil d'Etat le 17 février 2010 ; que M. B...a adressé le 14 février 2011 une nouvelle demande au service départemental de l'Office national des anciens combattants afin de percevoir la même allocation, qui a été rejetée par l'arrêté du préfet de l'Yonne du 27 mai 2011 ; que cette demande était fondée sur la nouvelle rédaction de l'article 9 de la loi du 23 février 2005, qui a supprimé le critère lié à la nationalité, ce qui constitue une circonstance de droit nouvelle qui fait obstacle à ce que l'autorité définitive de chose jugée soit opposée à l'arrêt attaqué du 27 mai 2011 ; que, par suite, l'arrêté litigieux n'a pas le caractère de décision confirmative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Premier ministre n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 27 mai 2011 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté la demande de versement de l'allocation de reconnaissance aux rapatriés, anciens membres des formations supplétives en Algérie à M. B...et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Yonne de lui accorder ladite allocation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du Premier ministre est rejeté.

Article 2 : L'Etat (services du Premier ministre) versera à M.B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Premier ministre (Mission interministérielle aux rapatriés) et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2014, où siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2014.

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N° 13LY02127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02127
Date de la décision : 18/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-07-04 Outre-mer. Aides aux rapatriés d'outre-mer. Diverses formes d`aide.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP EVRARD ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-18;13ly02127 ?
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