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06/02/2014 | FRANCE | N°13LY00647

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 06 février 2014, 13LY00647


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 mars 2013 au greffe de la Cour et régularisée le 18 du même mois, présentée pour Mme B...D..., domiciliée..., représentée par son administrateur ad hoc, Mme A...C..., de Forum Réfugiés ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207690, du 7 décembre 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, du 3 décembre 2012, rejetant sa demande d'entrée en France au titre de

l'asile et décidant son réacheminement vers le territoire de la Turquie ou, le cas éch...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 mars 2013 au greffe de la Cour et régularisée le 18 du même mois, présentée pour Mme B...D..., domiciliée..., représentée par son administrateur ad hoc, Mme A...C..., de Forum Réfugiés ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207690, du 7 décembre 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, du 3 décembre 2012, rejetant sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et décidant son réacheminement vers le territoire de la Turquie ou, le cas échéant, vers tout pays où elle serait légalement admissible ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de mettre fin aux mesures de surveillance et de lui délivrer un visa de régularisation valable huit jours ou une autorisation provisoire de séjour, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille deux cents euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision ministérielle de rejet de sa demande d'entrée en France au titre de l'asile est entachée d'une insuffisance de motivation en droit, en l'absence de visa des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, lors de son audition par des agents de la police aux frontières, le 29 novembre 2011, ces derniers ne se sont pas bornés à enregistrer sa volonté de demander l'asile et à en informer la division de l'asile aux frontières de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qu'elle a dû, alors qu'elle était mineure et isolée, aborder des faits traumatisants avec des agents en uniforme, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides transmet généralement son avis avec le compte-rendu d'audition à des personnels du ministère de l'intérieur qui ne sont pas habilités et que le ministère de l'intérieur transmet sa décision aux fonctionnaires de police afin que ces derniers, qui ne sont pas habilités, procèdent à sa notification ; qu'il y a donc eu atteinte à la confidentialité attachée aux éléments de sa demande d'asile, à sa dignité et au droit d'asile et violation, du fait des conditions de communication de son récit d'asile à son administrateur ad hoc, des dispositions de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le ministre de l'intérieur a excédé son pouvoir et le cadre de l'examen du caractère manifestement infondé d'une demande d'asile en examinant les motifs de sa demande d'asile et en procédant à des examens gynécologiques et osseux en vue de déterminer son droit à l'entrée en France au titre de l'asile ; que son audition par les services de police, qui a duré plus longtemps que celle auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la durée a été inférieure à celle habituelle, s'est déroulée dans des conditions peu favorables, alors qu'elle se trouvait en zone d'attente, en état de choc et impressionnée par le contexte et que le récit des événements traumatisants qu'elle a vécus dans son pays d'origine était plausible ; que sa demande d'asile n'était donc pas manifestement non fondée et qu'elle aurait dû être examinée selon la procédure de droit commun ; qu'elle est mineure, dispose d'une cousine résidant sur le territoire français susceptible de l'accueillir et que son maintien en zone d'attente était contraire à son intérêt supérieur, protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'alors qu'elle est mineure, vulnérable, que des examens osseux et gynécologiques ont été pratiqués sur elle sans son consentement et des informations la concernant diffusées au mépris de l'obligation de confidentialité, son maintien en zone d'attente a méconnu les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porté atteinte à sa dignité ; qu'en décidant son réacheminement à destination de la Turquie ou de tout pays où elle serait légalement admissible, alors qu'elle encourt des risques dans son pays d'origine, qui connaît un climat de violence généralisée et que la situation des migrants en Turquie est difficile, le ministre de l'intérieur a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 33 de la convention de Genève ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision contestée est régulièrement motivée ; que lorsque la requérante a été auditionnée par les services de police, ces derniers ne l'ont pas interrogée sur le fond de sa demande d'asile ; que la durée de l'audition de la requérante par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a correspondu à la durée moyenne d'une telle audition, en cas de demande d'asile à la frontière, qui a pour objet, non pas de se prononcer au fond sur la demande d'asile mais uniquement de déterminer si celle-ci n'est pas manifestement infondée ; qu'il n'y a pas eu violation du principe de confidentialité par les personnels du ministère de l'intérieur, lesquels sont habilités à recevoir les comptes-rendus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au vu desquels le ministère de l'intérieur est appelé à prendre sa décision autorisant ou refusant l'entrée des étrangers sur le territoire ; que les personnels de police, auxquels il appartenait de notifier la décision ministérielle à l'intéressée, n'ont pas davantage méconnu le principe de confidentialité ; qu'enfin, il n'est pas établi que le compte-rendu de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'aurait pas été transmis à la requérante et à l'administrateur ad hoc désigné du fait de sa minorité, sous pli cacheté ; qu'en tout état de cause, la requérante ne fait pas état d'un éventuel préjudice que lui aurait causé une supposée méconnaissance du principe de confidentialité ; que l'intéressée n'a pas subi d'examen gynécologique approfondi et que l'examen osseux pratiqué l'a été avec son accord et en présence de son administrateur ad hoc ; que la requérante maîtrisant la langue française, son entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'avait pas à être mené en présence d'un interprète ; qu'il a pu estimer, au vu de l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et des déclarations non circonstanciées, peu spontanées et contradictoires de l'intéressée, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, que la demande d'asile présentée était manifestement non fondée ; que la décision contestée, portant refus d'entrée sur le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ; qu'alors que la requérante n'a subi aucun mauvais traitement en Turquie et que ses conditions de vie en République démocratique du Congo, depuis son retour dans ce pays, sont tout à fait normales, la décision contestée, portant désignation du pays de renvoi, n'a pas violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, le maintien de la requérante en zone d'attente n'a pas méconnu les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 novembre 2013, présenté pour Mme D..., tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 12 décembre 2013, présenté pour le ministre de l'intérieur, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 26 février 2013, rendue sur recours, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B... D...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de M. Montsec, président de chambre ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., se disant désormais née le 2 février 1996 et ressortissante de la République démocratique du Congo, a été contrôlée par les services de la police aux frontières le 28 novembre 2012, à son arrivée à l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, en provenance de la Turquie, en possession d'un faux passeport, sous une fausse identité, avec une fausse date de naissance la faisant apparaître comme majeure, et a été maintenue en zone d'attente ; qu'auditionnée par les services de la police aux frontières le 29 novembre 2012, elle a exprimé sa volonté de solliciter l'asile en France ; que, consulté, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a émis un avis de non admission ; qu'un examen osseux pratiqué le 30 novembre 2012 a conclu à ce que Mme D... était probablement âgée de dix-sept ans ; que, par arrêté du 3 décembre 2012, notifié à l'intéressée le même jour, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile formulée par Mme D...et décidé son réacheminement vers la Turquie ou, le cas échéant, tout pays où elle serait légalement admissible ; que, par ordonnance du 5 décembre 2012, le Conseil d'Etat a attribué au Tribunal administratif de Lyon la compétence pour statuer sur la contestation de cet arrêté, du fait de la présence de l'intéressée en zone d'attente à l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry ; que, par jugement du 7 décembre 2012, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par Mme D...aux fins d'annulation de l'arrêté ministériel du 3 décembre 2012 ; que Mme D...interjette appel de ce jugement ;

Sur la décision de refus d'entrée en France au titre de l'asile :

2. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne constituent pas le fondement légal d'une décision de refus d'entrée en France au titre de l'asile ou d'une décision de réacheminement à destination d'un pays étranger ; que, par suite, la circonstance que l'arrêté ministériel du 3 décembre 2012 contesté, portant rejet de la demande d'entrée en France au titre de l'asile de Mme D...et décidant son réacheminement vers le territoire de la Turquie ou, le cas échéant, vers tout pays où elle serait légalement admissible, ne vise pas la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est sans incidence sur la régularité de la motivation en droit de ces décisions ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. / La décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui procède à l'audition de l'étranger. (...) Cette audition fait l'objet d'un rapport écrit qui comprend les informations relatives à l'identité de l'étranger et celle de sa famille, les lieux et pays traversés ou dans lesquels il a séjourné, sa ou ses nationalités, le cas échéant ses pays de résidence et ses demandes d'asile antérieures, ses documents d'identité et titres de voyage ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale. " et qu'aux termes de l'article R*. 213-3 dudit code : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article R. 213-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration. / L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Lorsqu'il s'agit d'une décision de refus d'entrée en France, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides transmet sous pli fermé à l'étranger une copie du rapport prévu au quatrième alinéa de l'article R. 213-2. Cette transmission est faite en même temps que la remise de la décision du ministre chargé de l'immigration ou, à défaut, dans des délais compatibles avec l'exercice effectif par l'étranger de son droit au recours. " ;

4. Considérant que Mme D...soutient que les personnels de la police aux frontières, le ministre de l'intérieur et les agents de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ont porté atteinte au principe de confidentialité de sa demande d'asile ; que, toutefois, son audition par les services de police, réalisée le 29 novembre 2012 à 11 heures 50, est antérieure à celle effectuée le même jour à partir de 14 heures 13 par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et n'a donc pu méconnaître la confidentialité des éléments d'information contenus dans le rapport établi par l'office en application de l'article R*. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort également de la procédure prévue par l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision de refus d'entrée doit être prise par le ministre chargé de l'immigration, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et donc nécessairement au vu des éléments recueillis par l'Office lors de l'audition de l'intéressé et de l'avis de cet organisme ; que le ministre de l'intérieur, à qui il appartient de se prononcer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile de l'étranger, ne saurait donc être regardé comme enfreignant le principe de confidentialité attaché à celle-ci ; qu'enfin, lorsque le ministre de l'intérieur notifie sa décision à l'intéressé par l'intermédiaire d'agents de police, il ne méconnaît pas non plus ce principe, ni ne porte atteinte au droit d'asile, alors, au demeurant, qu'il ressort de la page de garde de la télécopie adressée le 29 novembre 2012 par la division de l'asile aux frontières de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, accompagnant le rapport prévu à l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a alors notamment été expressément rappelé aux services de la police aux frontières de Lyon que le compte-rendu d'audition destiné à Mme D... devait être transmis sous pli fermé à cette dernière et qu'il n'est pas établi que ces conditions n'auraient pas été respectées ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation du principe de confidentialité de la demande d'asile doit être écarté ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier ni des mentions du procès-verbal d'audition de Mme D...par les services de la police aux frontières, et notamment de l'exposé succinct des motifs de sa demande d'asile y figurant, que les personnels de police ont outrepassé leur pouvoir ni que les conditions de l'audition de l'intéressée ont été de nature à porter atteinte à sa dignité ou à son droit d'asile ; que la circonstance qu'un examen osseux, rendu nécessaire pour déterminer si l'intéressée pouvait être regardée comme mineure, qu'un examen médical, réalisé en présence de l'administrateur ad hoc de MmeD..., et qu'un examen gynécologique, tous deux effectués en vue de confirmer d'éventuelles violences subies par l'intéressée dans son pays d'origine, ont été diligentés, n'est, en tout état de cause, pas davantage de nature à établir l'existence d'une atteinte à la dignité de l'intéressée ou d'un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors au demeurant qu'il n'est pas établi que Mme D...ou son administrateur se soit opposé à quelque examen médical que ce soit ;

6. Considérant que la circonstance alléguée par Mme D...que le rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prévu à l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été transmis à son administrateur ad hoc le 29 novembre 2013, soit trois jours avant la décision du ministre chargé de l'immigration statuant sur sa demande d'entrée au titre de l'asile, n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R.* 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni à avoir empêché l'intéressée d'exercer utilement un recours contentieux contre l'arrêté ministériel du 3 décembre 2012, dans le respect de la procédure prévue à l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il appartenait au ministre de l'intérieur de se prononcer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile de Mme D... ; qu'il ne saurait donc être regardé comme ayant excédé ses pouvoirs en examinant, dans ce cadre, les motifs de la demande d'asile présentée par l'intéressée et en faisant procéder aux examens médicaux susmentionnés ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport prévu à l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que Mme D..., qui a été auditionnée par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides durant dix neuf minutes, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'être regardées comme ayant porté atteinte à son droit d'asile, a fait alors des déclarations peu circonstanciées sur les faits de violence allégués, dont elle et sa mère auraient été victimes à Goma le 19 novembre 2012 et sur les conditions dans lesquelles une dame inconnue rencontrée à la sortie de la ville au moment de sa fuite l'aurait aidée à quitter le territoire en lui fournissant de l'argent et des faux papiers ; que ses déclarations se sont avérées en outre contradictoires ou hésitantes sur plusieurs points importants, notamment sur le métier exercé par son père, tantôt présenté comme fonctionnaire, tantôt comme fabriquant de lits en bois ou sans profession, sur le lieu de résidence de la famille, à Kinshasa ou à Goma, et sur les raisons pour lesquelles la famille, résidant auparavant à Kinshasa, se serait installée dans la région instable de Goma ; qu'elle n'a pas fait état de l'existence de risques actuels et personnels précis encourus par elle en République démocratique du Congo et n'a pas exprimé de craintes envers les autorités de son pays ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur a légalement pu estimer que la demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile, présentée par MmeD..., était manifestement infondée au sens de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et qu'aux termes de l'article 8 de ladite convention : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

10. Considérant que MmeD..., arrivée mineure en France, neuf jours seulement avant l'arrêté ministériel contesté, n'établit pas disposer d'attaches familiales sur le territoire français en la personne d'une compatriote qu'elle présente comme sa cousine sans démontrer le lien de parenté qui les unit ; qu'elle n'établit pas davantage ne pas avoir conservé d'attaches en République démocratique du Congo, pays quitté quelques jours auparavant, ni ne pas être en mesure de mener dans ce pays une vie privée et familiale normale ; que, par suite, le rejet de sa demande d'entrée en France n'a méconnu ni les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce refus d'entrée et le maintien en zone d'attente en découlant ne sauraient être regardés, eu égard aux conditions du cas d'espèce, exposées ci-avant, comme un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni comme susceptibles de porter atteinte à sa vie au sens de l'article 2 de cette même convention ;

Sur la décision de réacheminement :

11. Considérant, d'une part, qu'en se bornant à faire état de la vulnérabilité des populations migrantes en République de Turquie, MmeD..., qui est entrée en France depuis ce pays, ne démontre pas y être personnellement exposée à des menaces contraires aux stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, d'autre part, si Mme D...soutient qu'après que des militaires congolais auraient tué sa mère et l'auraient elle-même violée, le 19 novembre 2012, elle a pu fuir son pays grâce à l'aide d'une femme inconnue, et déclare craindre pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu du contexte de violence généralisée qui y règne, elle n'établit pas la réalité des faits allégués, ne fait pas état d'un engagement, notamment politique, de sa part ou de celle de sa famille et indique ne pas avoir rencontré de difficulté avec les autorités de son pays ; qu'elle n'établit ainsi pas l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en République démocratique du Congo au sens des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant, enfin, que Mme D...ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 applicable aux étrangers auxquels la qualité de réfugié a été reconnue ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 6 février 2014.

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N° 13LY00647

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00647
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : AMAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-06;13ly00647 ?
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