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04/02/2014 | FRANCE | N°13LY01775

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 février 2014, 13LY01775


Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2013, présentée pour la commune de Saint- Nazaire-en-Royans, représentée par son maire ;

La commune de Saint-Nazaire-en-Royans demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100492 du 7 mai 2013 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a d'une part, annulé les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Saint-Nazaire-en-Royans a rejeté la demande de régularisation de la situation administrative de M. B...tendant soit à sa réintégration ou son reclassement, soit à son licenciement pour ina

ptitude physique et d'autre part, enjoint au maire de procéder à la régularis...

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2013, présentée pour la commune de Saint- Nazaire-en-Royans, représentée par son maire ;

La commune de Saint-Nazaire-en-Royans demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100492 du 7 mai 2013 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a d'une part, annulé les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Saint-Nazaire-en-Royans a rejeté la demande de régularisation de la situation administrative de M. B...tendant soit à sa réintégration ou son reclassement, soit à son licenciement pour inaptitude physique et d'autre part, enjoint au maire de procéder à la régularisation effective de la situation administrative de M.B..., après consultation de la commission de réforme compétente, et, selon son état de santé, soit de le réintégrer dans ses anciennes fonctions, soit de lui proposer une mesure de reclassement, soit de prononcer son licenciement pour inaptitude physique, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes formées par M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M.B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'agent n'a pu être recruté en contrat à durée indéterminée en raison d'un avenant en date du 31 juillet 2002 dès lors qu'aucune délibération du conseil municipal n'a autorisé cet engagement, ni créé l'emploi correspondant conformément aux articles 3 et 34 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'agent ne pouvait ignorer qu'il ne se trouvait pas engagé par un contrat à durée indéterminée, dès lors qu'il a signé, chaque année, le renouvellement de son contrat emploi consolidé qui a pris fin le 16 décembre 2006, sa durée maximum étant alors atteinte ;

- son contrat ayant pris fin, il ne peut être fait droit à sa demande tendant à la régularisation de sa situation et au paiement d'une indemnité en raison du défaut de licenciement ;

- la rupture du contrat de travail résulte du comportement de l'agent qui a cessé de venir à son travail ;

- la situation pourrait s'analyser comme un abandon de poste de la part de l'agent ;

- la modification de la date de début de son contrat officiel après signature étant le fait de son épouse, adjoint administratif de la commune, l'agent ne peut s'en prévaloir ;

- l'agent qui ne peut obtenir une rémunération en l'absence de service fait, dès lors qu'il a été en arrêt maladie et n'a jamais justifié ultérieurement sa position, n'apporte aucun justificatif de nature à démontrer qu'il a subi un préjudice moral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 août 2013, présenté pour M. B...qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune de Saint-Nazaire-en-Royans une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en ce qu'elle ne respecte pas les prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle se borne à reproduire le mémoire en défense de première instance sans comporter de moyen de nature à permettre au juge d'appel de se prononcer sur les erreurs éventuelles du Tribunal ;

- à titre subsidiaire, il n'est pas établi que l'avenant qui comporte le cachet et la signature du maire serait un faux ;

- les pièces produites par la commune démontrent qu'il bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée ;

- même en l'absence d'une délibération du conseil municipal, l'avenant ne peut être regardé comme n'ayant aucune valeur juridique ;

- la commune ne peut évoquer la notion d'abandon de poste ;

Vu les pièces desquelles il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le présent litige, qui est relatif à la rupture d'un contrat " emploi consolidé " conclu pour une durée indéterminée selon les dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail alors en vigueur, relève de la compétence du juge judiciaire ;

Vu les observations en réponse au moyen d'ordre public, enregistrées le 16 décembre 2013, présentées pour M. B...qui soutient qu'il était un agent contractuel de droit public de la commune dès lors qu'il a été embauché en contrat à durée indéterminée et qu'à compter du 17 décembre 2005, il ne jouissait plus d'un contrat " emploi consolidé " ; que la juridiction judiciaire s'étant déjà déclarée incompétente pour juger ce litige, si la Cour se déclare incompétente, elle devra, avant-dire droit, saisir le Tribunal des conflits de la question de la compétence ;

Vu la décision du 19 septembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à M.B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;,

1. Considérant que la commune de Saint-Nazaire-en-Royans fait appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, saisi par M.B..., a, d'une part, annulé les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Saint-Nazaire-en-Royans a rejeté la demande de régularisation de la situation administrative de M. B...tendant soit à sa réintégration ou son reclassement, soit à son licenciement pour inaptitude physique et d'autre part, enjoint au maire de procéder à la régularisation effective de la situation administrative de M.B..., après consultation de la commission de réforme compétente, et, selon son état de santé, soit de le réintégrer dans ses anciennes fonctions, soit de lui proposer une mesure de reclassement, soit de prononcer son licenciement pour inaptitude physique dans un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par M.B... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête(...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que contrairement à ce que soutient M.B..., la requête susvisée, qui est accompagnée d'une copie du jugement attaqué, ne se borne pas à reproduire l'argumentation développée devant les premiers juges et présente des moyens d'appel, mettant la Cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le Tribunal en rejetant sa demande ; qu'ainsi, elle satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article R. 411 1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. B... ne peut être accueillie ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 : " I- L'Etat peut passer des conventions avec les employeurs, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 322-4-7, pour favoriser l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée ou âgés de plus de cinquante ans, des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, ou de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10, ou de l'allocation de parent isolé prévue à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, ou de l'allocation de veuvage prévue à l'article L. 356-1 dudit code, ou de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-1 du présent code, des personnes qui ne peuvent trouver un emploi ou une formation à l'issue d'un contrat emploi-solidarité, d'un contrat mentionné à l'article 42-8 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion ou d'un contrat de travail conclu avec les employeurs mentionnés aux articles L. 322-4-16-1 et L. 322-4-16-2, de jeunes de plus de dix huit ans et de moins de vingt six ans connaissant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, ainsi que des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi / (...) / La durée de ces conventions est de douze mois. Ces conventions sont renouvelables par voie d'avenant dans la limite d'une durée maximale de soixante mois, sous réserve des dispositions du II. / Le contrat de travail conclu en vertu de ces conventions est un contrat de droit privé dénommé contrat emploi consolidé, soit à durée indéterminée, soit à durée déterminée, passé en application de l'article L. 122-2. Lorsque ces contrats sont conclus pour une durée déterminée, leur durée initiale est de douze mois. Ils sont renouvelables chaque année par avenant dans la limite d'une durée totale de soixante mois. Les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 122 2 relatives au nombre maximum des renouvellements ne sont pas applicables (...). " ;

5. Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail précité, alors en vigueur, les contrats " emploi consolidé " sont des contrats de travail de droit privé, à durée déterminée ou indéterminée ; qu'en conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public administratif ;

6. Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci, en réalité, n'entre pas dans le champ des catégories d'emploi, d'employeurs ou de salariés visés à l'article L. 322-4-7 du code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence, non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat, mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;

7. Considérant que la commune de Saint-Nazaire-en-Royans a recruté M.B..., en qualité d'agent d'entretien, dans le cadre d'un contrat " emploi-solidarité " du 18 juin 2001 au 17 septembre 2001, renouvelé jusqu'au 16 décembre 2001, puis dans le cadre d'un contrat " emploi consolidé " à compter du 17 décembre 2001 pour une durée d'un an ; que, par un avenant du 31 juillet 2002, signé par M. B...et par le maire de la commune et revêtu du tampon de la collectivité, il a été prononcé la caducité du précédent contrat de travail à durée déterminée, établi le 17 décembre 2001, pour le transformer, à la même date, en un contrat à durée indéterminée ; qu'à compter de cet avenant, les formulaires administratifs relatifs à la convention passée entre l'employeur et l'Etat, ont concerné des contrats " emploi consolidé " d'une durée indéterminée ; qu'ainsi, M. B...doit être regardé comme ayant bénéficié d'un contrat " emploi-consolidé " à durée indéterminée ; que, si M. B...avait saisi la juridiction judiciaire du litige relatif à la rupture de son contrat de travail, cette dernière, qui ne s'est pas prononcée sur sa compétence, a tiré les conséquences du désistement de sa demande ; que, par suite, le présent litige est relatif à la rupture d'un contrat " emploi consolidé " conclu pour une durée indéterminée entre un agent, M. B...et la commune de Saint-Nazaire-en-Royans ; que le litige relève en conséquence de la compétence du juge judiciaire ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il incombait au tribunal administratif de Grenoble de décliner, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative ; que le jugement attaqué doit, par suite, être annulé ;

9. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer, de statuer immédiatement sur les conclusions de la commune de Saint-Nazaire-en-Royans et, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Nazaire-en-Royans qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.B..., la somme demandée par la commune de Saint-Nazaire-en-Royans, au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100492 du 7 mai 2013 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Nazaire-en-Royans sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Nazaire-en-Royans et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2014, où siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2014.

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N° 13LY01775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01775
Date de la décision : 04/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Contrats - Contrats de droit privé.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP BARTHOMEUF - DARNOUX - POIZAT - AMIRIAN - RIBEYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-04;13ly01775 ?
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