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19/12/2013 | FRANCE | N°13LY01664

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2013, 13LY01664


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2013 au greffe de la Cour, présentée pour le préfet du Puy-de-Dôme ;

Le préfet du Puy-de-Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300389 du 21 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, a annulé son arrêté du 7 février 2013 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme B...A...et obligeant celle-ci à quitter le territoire français et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois et de lui délivrer sans délai, dans

l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter ...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2013 au greffe de la Cour, présentée pour le préfet du Puy-de-Dôme ;

Le préfet du Puy-de-Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300389 du 21 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, a annulé son arrêté du 7 février 2013 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme B...A...et obligeant celle-ci à quitter le territoire français et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois et de lui délivrer sans délai, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif ;

Il soutient :

- que son arrêté de refus de titre de séjour n'est entaché d'aucune erreur de droit ; qu'en effet, le caractère tardif de la demande de Mme A...tendant au renouvellement de son titre de séjour ne faisait pas obstacle à ce que, usant de son pouvoir de régularisation, il instruise cette demande non pas comme une première demande de délivrance d'un titre de séjour, mais comme une demande de renouvellement ; qu'en l'espèce, la situation de l'intéressée avait été régularisée par la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour ; que l'intéressée n'ayant jamais quitté le territoire français et sa démarche s'inscrivant dans la continuité de ses études, sa demande pouvait être appréciée, indépendamment de son caractère hors délai, au regard du caractère réel et sérieux de ses études ;

- qu'en l'absence de progression et de cohérence dans le parcours de l'intéressée, le caractère réel et sérieux de ses études n'est pas établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 29 octobre 2013 fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction au 13 novembre 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2013, présenté pour Mme B... A...;

Mme A...demande à la Cour :

1°) de " confirmer en toutes ses dispositions " le jugement attaqué ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient :

- que sa demande de renouvellement de son titre de séjour ayant été présentée postérieurement à l'expiration de ce dernier, le préfet du Puy-de-Dôme aurait dû la traiter comme une demande de première délivrance d'un titre de séjour ;

- que, compte tenu de ses problèmes de santé et de son assiduité, le préfet du Puy-de-Dôme a commis une " erreur manifeste d'appréciation " en estimant qu'elle ne justifiait pas de la réalité et du sérieux de ses études ;

Vu la décision du 21 novembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à MmeA... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de M. Meillier, conseiller ;

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...A..., ressortissante tunisienne née le 11 août 1986, est entrée en France le 26 août 2006, munie d'un passeport revêtu d'un visa D valant titre de séjour et portant la mention " étudiant " ; qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", valable du 28 août 2006 au 27 août 2007, renouvelée à trois reprises, jusqu'au 27 août 2010, puis d'une carte de séjour temporaire portant la même mention, valable du 15 septembre 2010 au 14 septembre 2011, renouvelée à deux reprises, jusqu'au 16 juillet 2012, date d'expiration de son passeport ; qu'elle a sollicité le 25 octobre 2012 le renouvellement de sa carte de séjour en application de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté en date du 7 février 2013, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que, par jugement du 21 mai 2013, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi d'une demande de Mme A...a, d'une part, annulé l'arrêté du 7 février 2013, en tant qu'il a refusé à l'intéressée le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français et, d'autre part, enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois et de lui délivrer sans délai, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ; que le préfet du Puy-de-Dôme relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 7 février 2013, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a relevé que Mme A...avait présenté sa demande de renouvellement de son titre de séjour postérieurement à l'expiration du délai prévu par le 4° de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, dès lors, le préfet du Puy-de-Dôme avait commis une erreur de droit en traitant, pour la rejeter, cette demande comme une demande de renouvellement d'un titre de séjour, et non comme une demande de première délivrance d'un titre de séjour ;

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 311-7 du même code, l'octroi de la carte de séjour temporaire est, en principe, subordonné à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'aux termes de l'article R. 311-2 dudit code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : / (...) 4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire (...) / A l'échéance de ce délai et en l'absence de présentation de demande de renouvellement de sa carte de séjour, il justifie à nouveau des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance de la carte de séjour (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une demande de renouvellement d'un titre de séjour doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, au cours des deux derniers mois précédant l'expiration de ce titre ; que lorsque le préfet est saisi d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour qui a déjà expiré, il peut légalement regarder cette demande de renouvellement comme étant tardive et, par suite, irrecevable ; qu'il lui appartient alors d'examiner si l'étranger remplit les conditions de première délivrance d'un titre de séjour de même nature ; qu'il peut en particulier exiger de l'étranger qu'il justifie à nouveau de la possession d'un visa de long séjour, lorsque cette condition est requise pour la première délivrance du titre de séjour sollicité ; que, toutefois, n'étant pas tenu d'opposer à l'étranger le caractère tardif de sa demande de renouvellement, le préfet peut également, au titre de son pouvoir de régularisation, instruire cette demande comme une demande de renouvellement d'un titre de séjour régulièrement présentée dans le délai mentionné au 4° de l'article R. 311-2 du code précité ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté litigieux, que, si Mme A...n'a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, expirant le 16 juillet 2012, que le 25 octobre 2012, le préfet du Puy-de-Dôme a néanmoins instruit cette demande comme une demande de renouvellement régulièrement présentée dans le délai mentionné au 4° de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a rejetée au motif que l'intéressée ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études ; que, ce faisant, il n'a commis aucune erreur de droit ; qu'ainsi, c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que le préfet du Puy-de-Dôme était tenu de traiter la demande de Mme A...comme tendant à la première délivrance d'un titre de séjour ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante devant le Tribunal administratif ;

7. Considérant, en premier lieu, que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'administration saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours des années universitaires 2006/2007 et 2007/2008, Mme A...a suivi, à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Clermont-Ferrand, les enseignements des première et deuxième années du diplôme de licence en architecture et a validé toutes les unités d'enseignement de ces deux années ; qu'au titre des années universitaires 2008/2009 et 2009/2010, elle s'est inscrite en troisième année du diplôme de licence en architecture et n'est pas parvenue à valider cette troisième année ; qu'elle s'est alors inscrite, au titre de l'année universitaire 2010/2011, en deuxième et en troisième années du diplôme de licence en histoire de l'art à l'Université Blaise Pascal - Clermont II, mais a été ajournée avec des notes de 0 sur 20 à toutes les épreuves ; qu'au titre de l'année universitaire 2011/2012, elle s'est inscrite, au sein de la même université, en deuxième et en troisième années du diplôme de licence en géographie, mais a été ajournée pour chacune de ces deux années avec des moyennes respectives de 0,5 sur 20 et de 1,2 sur 20 ; qu'elle s'est à nouveau inscrite, au titre de l'année universitaire 2012/2013, en deuxième et en troisième années du diplôme de licence en géographie ; que, si Mme A...soutient que le bon déroulement de ses études a été perturbé à partir de l'année 2008 par des problèmes de santé, il ne ressort toutefois pas des certificats médicaux qu'elle produit que ses échecs répétés, au cours de quatre années universitaires consécutives, soient la conséquence de son état de santé ; que, dans ces conditions, et alors même que Mme A...suivrait avec assiduité les cours de l'année universitaire 2012/2013, elle ne peut, en l'absence de toute progression depuis la fin de l'année universitaire 2007/2008 malgré deux changements d'orientation, être raisonnablement regardée comme poursuivant effectivement des études ; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour ;

9. Considérant, en second lieu, que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de Mme A...en France ainsi que du déroulement, rappelé ci-dessus, de ses études, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en refusant de procéder au renouvellement de son titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant que, pour l'annuler l'arrêté du 7 février 2013, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, les premiers juges ont relevé que cette mesure d'éloignement, fondée sur le 3° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était, du fait de l'illégalité et de l'annulation de la mesure de refus de renouvellement d'un titre de séjour, dépourvue de base légale ; que, toutefois, compte tenu de ce qui précède, c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que l'obligation de quitter le territoire français était fondée sur un refus de renouvellement d'un titre de séjour lui-même illégal ;

11. Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la requérante devant le Tribunal administratif ;

12. Considérant que si l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A...a pour conséquence d'interrompre, en cours d'année universitaire, les études de l'intéressée, il a déjà été dit ci-dessus que l'intéressée ne peut être raisonnablement regardée comme poursuivant effectivement des études ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé son arrêté du 7 février 2013 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A... et obligeant celle-ci à quitter le territoire français et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois et de lui délivrer sans délai, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées devant la Cour par Mme A... doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A...doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300389 du 21 mai 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, et ses conclusions présentées devant la Cour tendant au prononcé d'une injonction, assortie d'une astreinte, ainsi qu'à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A.... Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2013.

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N° 13LY01664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01664
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : CHAUTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-19;13ly01664 ?
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