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12/12/2013 | FRANCE | N°13LY00712

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2013, 13LY00712


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2013, présentée pour M. C... A..., domicilié ... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105479 du 15 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat à lui verser une somme de 289 733,87 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, une rente annuelle de 39 952,72 euros au titre des préjudices patrimoniaux futurs, à défaut, une indemnité en capital correspondant à 539 290,83 euros à

valoir sur les quinze prochaines années, et une somme de 135 000 euros au titre...

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2013, présentée pour M. C... A..., domicilié ... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105479 du 15 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat à lui verser une somme de 289 733,87 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, une rente annuelle de 39 952,72 euros au titre des préjudices patrimoniaux futurs, à défaut, une indemnité en capital correspondant à 539 290,83 euros à valoir sur les quinze prochaines années, et une somme de 135 000 euros au titre de son préjudice extrapatrimonial ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat les dépens et une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le trou qui a provoqué sa chute ne révélait pas un défaut d'entretien normal de la route départementale ;

- que compte tenu du danger que présentait le trou dans la chaussée, l'absence de mesure prise par le maire de la commune de Charentay au titre de ses pouvoirs de police pour signaler ce danger est de nature à engager la responsabilité de cette commune eu égard aux conséquences de l'accident dont il a été victime ;

- que la responsabilité de l'Etat est engagée au regard des dispositions du décret n° 55-1366 du 18 octobre 1955 portant réglementation générale des épreuves et compétitions sportives sur la voie publique pour avoir autorisé la compétition sportive à laquelle il a pris part alors que l'état de la chaussée qui est à l'origine de sa chute présentait un danger ;

- que l'accident dont il a été victime est à l'origine de préjudices patrimoniaux correspondant à des frais d'adaptation de son logement pour une somme totale de 85 416,26 euros, des frais d'aménagement de son véhicule pour 4 808,61 euros, des frais d'assistance par tierce personne pour 33 549 euros outre la somme de 6 189 euros déjà versée en 2010, de pertes de revenus de 130 788 euros pour Mme A...qui a dû quitter son travail pour assister son époux jusqu'en 2011, de pertes de revenus de 83 964 euros en raison de ce qu'il a été rémunéré sur la base d'un congé de fin de carrière à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'au 30 novembre 2010 ; qu'il lui a causé des préjudices extrapatrimoniaux correspondant à un déficit fonctionnel permanent de 72 %, à des souffrances évaluées à 5/7, justifiant une indemnité de 70 000 euros, à un préjudice d'agrément devant être évalué à 25 000 euros, à un préjudice esthétique de 4/7 et à un préjudice sexuel devant être évalués à, respectivement, 15 000 euros et 25 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la manifestation sportive, organisée par l'association des cyclotouristes caladois, à laquelle M. A...a pris part, relevait du régime déclaratif et, à supposer que cette manifestation ait fait l'objet d'une telle déclaration, il n'est pas établi que la configuration de la route et l'état de la chaussée à l'endroit où s'est produit l'accident exigeaient l'édiction de mesures particulières pour assurer la sécurité des participants ;

- que le fait qu'aucun autre accident n'a été à déplorer à cet endroit montre que l'accident résulte d'une faute d'inattention de la victime ou de son imprudence ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 juin 2013, présenté pour la commune de Charentay, représentée par son maire, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'il n'est pas établi que l'accident dont a été victime M. A...soit imputable à la présence du trou dans la chaussée ;

- qu'en tout état de cause, l'emplacement et les dimensions de ce trou, dont la profondeur ne dépassait pas 3 centimètres, ne peuvent être regardés comme présentant un danger tel qu'il exigeait une signalisation particulière dont l'absence révèlerait une faute du maire dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2013, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône, qui conclut :

- à l'annulation du jugement n° 1105479 du 15 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat à lui verser la somme de 272 210,17 euros en remboursement de ses débours à la suite de l'accident dont a été victime M.A... ;

- à la condamnation du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat à lui verser ladite somme ;

- à la condamnation du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat à lui verser la somme de 1 015 euros prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à ce que soit mise à la charge de ces trois personnes publiques une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle s'associe à l'argumentation présentée en appel par M.A... ; que l'accident dont ce dernier a été victime engage la responsabilité du département du Rhône, pour défaut d'entretien normal de la route dont il est le gestionnaire, de la commune de Charentay en raison de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, ainsi que de l'Etat au titre de la faute commise dans l'application des dispositions du décret n° 55-1366 du 18 octobre 1955 dès lors que l'enquête menée par les services de l'Etat a été insuffisante puisqu'il existait un danger qui a été à l'origine de l'accident ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2013, présenté pour le département du Rhône qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête de M. A...et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et, à titre subsidiaire, à ce que la commune de Charentay soit condamnée à le garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge en conséquence de l'accident dont M. A...a été victime ;

Il soutient :

- que la chute de M. A...n'est pas imputable à un défaut d'entretien normal de la chaussée dès lors que le trou que l'intéressé désigne comme étant la cause de sa chute ne dépasse pas trois centimètres de profondeur ;

- que la chute est imputable à une faute de la victime qui pouvait, compte tenu de la largeur de la chaussée, éviter le trou en cause ;

- que l'indemnité sollicitée par M. A...est excessive ;

- que le département est fondé à opposer à la CPAM du Rhône la prescription quadriennale à hauteur de la somme de 51 610,12 euros, cette somme se rattachant à des dépenses liées à l'année de l'accident ;

- que l'accident s'étant produit à l'intérieur de l'agglomération de Charentay, il appartenait au maire de signaler les dangers que pouvaient présenter la chaussée, notamment pour les cyclistes ;

Vu les mémoires, enregistrés les 11 septembre 2013 et 26 septembre 2013, présentés pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre :

- que dans la mesure où il établit que c'est le trou présent sur la chaussée qui a provoqué sa chute, le défaut d'entretien normal de la chaussée doit être regardé comme établi ;

- que contrairement à ce qu'affirme le département du Rhône, il n'était pas en train de dépasser un autre cycliste lors de l'accident ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2013, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 9 juillet 2013 fixant au 13 septembre 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2013 reportant la date de clôture de l'instruction au 4 octobre 2013 ;

Vu l'ordonnance du 20 septembre 2013 prononçant la réouverture d'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 55-1366 du 18 octobre 1955 portant réglementation générale des épreuves et compétitions sportives sur la voie publique et l'arrêté ministériel du 1er décembre 1959 qui en fixe les modalités d'application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Doyez, avocat de M.A..., de Me B...substituant Me Teboul, avocat du département du Rhône et de Me Joly, avocat de la commune de Charentay ;

1. Considérant que le 3 octobre 2004, M.A..., qui participait à un rallye de cyclotourisme organisé par l'association des cyclotouristes caladois, a fait une chute sur la route départementale 62 alors qu'il traversait la commune de Charentay ; qu'il fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Rhône, de la commune de Charentay et de l'Etat à l'indemniser des conséquences dommageables de cet accident ;

2. Considérant, en premier lieu, que, pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer, d'une part, la réalité de leur préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage et les dommages dont ils demandent réparation ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître de l'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ;

3. Considérant que M. A...impute sa chute à la présence d'une excavation sur la chaussée ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et en particulier du procès-verbal de la brigade de la gendarmerie nationale de Belleville du 3 octobre 2004 que l'accident s'est produit en agglomération, dans une descente, en plein jour, sur une chaussée bitumée de 5,7 m de largeur ; qu'il ressort du même document ainsi que des photographies qui y sont annexées que l'irrégularité du revêtement de la voie, à laquelle le requérant impute sa chute, située au centre de la chaussée, est d'une superficie très limitée et d'une profondeur qui ne dépasse pas trois centimètres ; que, compte tenu de ses dimensions, cette défectuosité est au nombre de celles que les usagers de la voie publique doivent normalement s'attendre à rencontrer, y compris lorsque, comme en l'espèce, participant à une manifestation sportive, la voie publique leur est exclusivement réservée ; que, par suite, l'accident n'est pas imputable à un défaut d'entretien normal de la voie publique de nature à engager la responsabilité du département du Rhône, auquel incombe cet entretien ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) " ;

5. Considérant qu'eu égard à ses caractéristiques, la défectuosité du revêtement de la route départementale 62 dans la traversée de la commune de Charentay ne présentait pas un danger tel qu'elle aurait exigé que des mesures particulières, notamment de signalisation, fussent prises par le maire dans le cadre des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, la responsabilité de la commune de Charentay dans l'accident dont a été victime M. A...ne saurait être engagée à raison d'une faute du maire ;

6. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'épreuve sportive à laquelle M. A...a pris part le 3 octobre 2004 relevait du régime d'autorisation ou de simple déclaration prévus par la réglementation, alors applicable, résultant du décret du 18 octobre 1955 susvisé et de l'arrêté ministériel du 1er décembre 1959 pris pour son application ; que, dès lors, l'intéressé n'établit pas que les services de l'Etat ont commis une faute dans l'application de ces textes ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni M. A... ni la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions indemnitaires ; que les dépens, comprenant les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif et la contribution pour l'aide juridique qu'il a acquittée par M.A..., doivent être laissés à sa charge ; que les conclusions de M. A...et de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Charentay ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Charentay tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au département du Rhône, à la commune de Charentay, au ministre de l'intérieur et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2013.

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N° 13LY00712 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00712
Date de la décision : 12/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL ASEA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-12;13ly00712 ?
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