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10/12/2013 | FRANCE | N°13LY00806

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2013, 13LY00806


Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2013, régularisée par un mémoire enregistré le 16 mai 2013, présentée pour la société Ernst et Young et associés, dont le siège est 1-2 Place des Saisons à Courbevoie (92400) ;

La société Ernst et Young et associés demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1208173 du 28 janvier 2013 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise à lui verser les sommes de

1 093 369 euros et de 10 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux r...

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2013, régularisée par un mémoire enregistré le 16 mai 2013, présentée pour la société Ernst et Young et associés, dont le siège est 1-2 Place des Saisons à Courbevoie (92400) ;

La société Ernst et Young et associés demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1208173 du 28 janvier 2013 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise à lui verser les sommes de 1 093 369 euros et de 10 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux résultant du paiement indu du versement transport depuis 2008 ;

2°) de condamner le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise à l'indemniser du préjudice subi à hauteur de 1 093 369 euros au titre du préjudice matériel et de 10 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la requête préalable ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte des transports pour le Rhône et de l'agglomération lyonnaise une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens qui comprennent les frais de contribution à l'aide juridique ;

elle soutient que :

- la décision attaquée a rejeté ses demandes d'indemnisation au titre du versement transport au motif que l'article 50 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificatives pour 2012 valide rétroactivement la délibération instituant ledit versement alors que cette loi de validation est contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- la loi de validation, prise quatre ans après les premiers contentieux, a un caractère tardif, elle a pour objet de faire obstacle à des jurisprudences qui leur sont majoritairement favorables, ils sont de bonne foi, le recours à la validation n'avait pas de caractère prévisible ; cette loi n'est pas justifiée, la justice étant en mesure d'intervenir sur cette question ;

- le motif financier invoqué est insuffisant pour régulariser la situation, il incombait seulement au syndicat mixte en matière de transport, dont la compétence n'est pas remise en cause, de prendre une nouvelle délibération ; le seul intérêt financier ne permet pas de recourir à la validation législative ; le risque juridique invoqué par la loi de validation ne concerne que certaines situations spécifiques, notamment celle des syndicats mixtes qui n'ont pas pris de nouvelle délibération à compter de l'année 2008 ; les actions à l'encontre des sommes indûment perçues se prescrivent par quatre ans ;

- cette décision porte atteinte au principe du droit à un procès équitable ; son contentieux était pendant devant la juridiction lorsque la loi de validation a été promulguée ;

- le syndicat mixte a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en percevant le versement transport en application d'une délibération illégale ; les syndicats mixtes ouverts n'ont été autorisés à instituer et collecter le versement transport qu'à partir de 2008 par l'article L. 5722-7-1 du code général des collectivités territoriales alors que n'a pas été régularisée sa délibération illégale de 2003 ; l'incompétence en résultant est confirmée par la jurisprudence de la Cour de cassation en date de septembre 2012 ;

- elle est soumise à cette contribution notamment pour son établissement lyonnais ; elle s'est indûment acquittée de ce versement transport depuis 2003, ce qui constitue un préjudice financier important à compter de l'année 2008, les sommes versées de 2003 à 2007 étant couvertes par la prescription quadriennale ;

- elle a également subi un préjudice moral ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2013, présenté pour le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL) qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Ernst et Young et associés une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de ce litige ; la société requérante conteste le principe même de son assujettissement au versement transport qui relève des juridictions judiciaires qui sont compétentes pour apprécier, par voie d'exception, la légalité des délibérations par lesquelles le versement transport est instauré ;

- à titre subsidiaire, la requête est irrecevable ; la délibération sur laquelle se fonde la société requérante n'a pas été produite, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative ; en outre, il n'existe aucune délibération sur le versement transport en 2003 ;

- l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale fixe une prescription de trois ans à compter de l'acquittement des cotisations ;

- le moyen tiré de l'inconventionnalité de la loi de validation n'est pas opérant puisqu'un syndicat mixte est compétent pour instaurer le versement transport au titre de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1973 qui est toujours en vigueur ; le versement transport peut être institué par un syndicat mixte qui n'a pas de fiscalité propre et qui est un syndicat de collectivités locales ; il existe une ambiguïté dans le texte de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales qui ne remet pas en cause sa compétence avant la création de l'article L. 5722-7-1 du code général des collectivités territoriales par la loi de finances pour 2008, nonobstant la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation ;

- le motif impérieux d'intérêt général justifie le recours à une loi de validation ; au vu des nombreux litiges engagés, il pourrait être amené à rembourser une somme importante, le versement transport correspondant à 30 % de ses recettes ; la poursuite du service des transports en commun dans l'agglomération s'en trouverait compromise;

- il n'y a pas d'atteinte au droit au procès équitable, la société requérante maintenant un recours identique tout à la fois devant une juridiction administrative incompétente et devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine ;

- il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 juillet 2013, présenté pour la société Ernst et Young et associés qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;

elle soutient, en outre, que :

- la juridiction administrative est compétente ; le présent litige a trait à une demande indemnitaire qui relève du régime de la responsabilité pour illégalité fautive due à une absence d'acte adopté depuis 2008, et donc à un acte illégal antérieur à 2008, pris par l'administration ;

- sa requête est recevable, elle a respecté les prescriptions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative en produisant la décision afférente au litige qui ne peut qu'être celle du rejet de sa demande indemnitaire du 7 décembre 2012 ; elle n'avait pas à produire la délibération instituant le versement transport ;

- sa requête relevant du régime juridique de la responsabilité pour faute de l'administration, les délais de prescription ne sont pas ceux invoqués concernant l'article L. 243-6 du code de sécurité sociale ;

- le syndicat mixte ne peut tirer sa compétence de la loi du 11 juillet 1973 dont l'article 1er a été abrogé par la loi n° 96-142 du 4 février 1996 ;

- le motif impérieux d'intérêt général n'est pas démontré, la circonstance que la perception du versement transport représente 30 % des recettes du syndicat mixte n'ayant aucune conséquence sur le présent litige ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2013, présenté pour le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL) qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société d'avocats Ernst etYoung et associés et de MeB..., représentant le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise ;

1. Considérant que la société Ernst et Young et associés fait appel de l'ordonnance du 28 janvier 2013 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise à lui verser les sommes de 1 093 369 euros et de 10 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux résultant d'un paiement indu du versement transport depuis 2008 ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales : " En dehors de la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés (...) " ; que l'article L. 2333-66 de ce code dispose : " Le versement est institué par délibération du conseil municipal ou de l'organisme compétent de l'établissement public ... " ; que l'article L. 2333-67 du même code prévoit : " Le taux de versement est fixé ou modifié par délibération du conseil municipal ou de l'organisme compétent de l'établissement public... " ; qu'aux termes de l'article L. 2333-69 dudit code : " Les employeurs mentionnés à l'article L. 2333-64 sont tenus de procéder au versement prévu audit article auprès des organismes ou services chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales suivant les règles de recouvrement, de contentieux et les pénalités applicables aux divers régimes de sécurité sociale " ; qu'aux termes de l'article L. 2333-70 de ce code : " Le produit de la taxe est versé au budget de la commune ou de l'établissement public qui rembourse les versements effectués :1º Aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail ou effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tous leurs salariés, ou de certains d'entre eux au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l'effectif total ; 2º Aux employeurs, pour les salariés employés à l'intérieur des périmètres d'urbanisation des villes nouvelles ou de certaines zones d'activité industrielle ou commerciale, prévues aux documents d'urbanisation, lorsque ces périmètres ou ces zones sont désignés par la délibération mentionnée à l'article L. 2333-66 " ; qu'enfin l'article L. 2333-72 du code prévoit : " Les contestations en matière de remboursement sont portées devant la juridiction administrative. " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que ne relèvent de la compétence de la juridiction administrative que les contestations relatives au remboursement du versement prévu à l'article L. 2333-64 de ce code ainsi que celles présentées par voie d'action à l'encontre de la légalité de la délibération par laquelle une collectivité ou un établissement public institue ledit versement ou en fixe le taux ; qu'en revanche, les juridictions judiciaires connaissent des litiges individuels relatifs à l'assujettissement d'un employeur au versement ainsi qu'à l'assiette et au recouvrement de ce prélèvement et sont également compétentes pour apprécier, par voie d'exception, la légalité de la délibération par laquelle une collectivité institue le versement ou en fixe le taux ;

4. Considérant que dans le présent litige, la société Ernst et Young et associés demande la condamnation du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise à lui verser une indemnisation pour le préjudice financier qu'elle estime avoir subi au motif que cette collectivité a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en percevant depuis l'année 2003 le versement transport en application d'une délibération illégale ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, que l'indemnisation demandée correspond à la restitution des sommes que la société requérante estime avoir indûment versées au titre du versement transport en soulevant l'illégalité de la délibération qui l'a instauré au motif que ce syndicat mixte n'était pas un établissement de coopération communale au sens des dispositions de l'article L. 2333-66 du code général des collectivités territoriales ; qu'ainsi, ce litige a trait à l'assujettissement de la société requérante au versement transport ; que si la société Ernst et Young et associés demande également la condamnation du syndicat mixte à l'indemniser au titre du préjudice moral, ce dernier est également fondé sur l'assujettissement illégal du versement transport ; que, par suite, ce litige relève aussi de la compétence du juge judicaire ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il incombait à la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon de décliner, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative ; que l'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer, de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'indemnisation et, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Ernst et Young et associés à ce titre ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ernst et Young et associés la somme demandée par le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise, au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1208173 du 28 janvier 2013 de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Ernst et Young et associés sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ernst et Young et associés et au syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL).

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2013, où siégeaient :

- Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2013.

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N° 13LY00806

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00806
Date de la décision : 10/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-03-045 Juridictions administratives et judiciaires. Règles générales de procédure. Règles de compétence des juridictions.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : CABINET ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-10;13ly00806 ?
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