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07/11/2013 | FRANCE | N°12LY02467

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 12LY02467


Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2012, présentée pour M. A... D..., domicilié ... ;

M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102353 du 28 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 25 août 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la troisième section du département de l'Yonne a autorisé son licenciement pour motif économique et, d'autre part, à la condamnation de la SARL Willems à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préju

dice subi ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de prononcer la condamna...

Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2012, présentée pour M. A... D..., domicilié ... ;

M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102353 du 28 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 25 août 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la troisième section du département de l'Yonne a autorisé son licenciement pour motif économique et, d'autre part, à la condamnation de la SARL Willems à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de prononcer la condamnation demandée ;

Il soutient que :

- les difficultés économiques qui ont conduit à la liquidation judiciaire et à la cessation d'activité de la SARL Willems sont dues à la mauvaise gestion de l'employeur, tant dans ses choix financiers que dans la mauvaise organisation, et l'inspecteur du travail ne pouvait se limiter à se référer à la liquidation judiciaire pour établir que le motif économique était justifié, sans vérifier les raisons réelles qui ont conduit à cette liquidation, qui n'étaient que le fait de la volonté du gérant de placer la société dans cette situation, sans aucune difficulté financière ;

- le liquidateur n'a pas respecté ses obligations en matière de motivation de la lettre de licenciement, de sorte que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, en l'absence de recherche de reclassement auprès des sociétés existantes dans le bassin d'emploi, et l'inspecteur ne pouvait se fonder sur l'impossibilité d'une recherche de reclassement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2012, présenté pour Me B...C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Willems Hubert, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- M. D..., qui ne conteste pas la réalité des difficultés économiques, se borne à imputer ces difficultés au dirigeant de l'entreprise, sans pour autant rapporter la preuve du comportement irresponsable qu'il lui impute, alors qu'il ressort de la décision en litige que l'inspecteur du travail, qui a bien examiné les conditions qui ont amené à la liquidation judiciaire, a considéré que la responsabilité des difficultés était collective ;

- la lettre de licenciement comporte les raisons pour lesquelles le licenciement pour motif économique a été prononcé, alors qu'au demeurant l'insuffisance de motivation de cette lettre est sans influence sur la légalité de la décision en litige ;

- le liquidateur, qui a contacté individuellement des entreprises du bâtiment dans le bassin d'emploi et Pôle emploi, et a informé les salariés des résultats de ses recherches, a ainsi satisfait à son obligation de recherche de reclassement des salariés ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2013, présenté pour M. D..., qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que la motivation de la décision de l'inspecteur du travail présente un caractère succinct et incohérent, dès lors que l'inspecteur n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en autorisant le licenciement après avoir relevé que ce licenciement serait sans cause réelle et sérieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2013 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Willems Hubert, dont M. D...était salarié et au sein de laquelle il exerçait les fonctions de délégué du personnel suppléant, a été placée, dans un premier temps, en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce d'Auxerre du 2 mai 2011, puis, dans un second temps, après des jugements des 6 juin et 4 juillet autorisant la poursuite d'activité, en liquidation judiciaire, sans poursuite d'activité, par un jugement du même Tribunal du 22 juillet 2011 ; que le liquidateur désigné par ce jugement, Me C..., a sollicité, par des lettres reçues le 3 août 2011 par l'inspecteur du travail de la troisième section du département de l'Yonne, l'autorisation de procéder au licenciement de ce salarié protégé ; que, par une décision du 25 août 2011, ledit inspecteur a autorisé le liquidateur judiciaire à procéder au licenciement pour motif économique de M.D..., après avoir constaté l'arrêt de l'activité de l'entreprise, la réalité du motif économique des licenciements, la suppression du poste du salarié concerné, les démarches de reclassement effectuées par l'employeur et l'absence de possibilité de reclassement, ainsi que l'absence de lien entre le licenciement et le mandat détenu par ce salarié ; que M. D...fait appel du jugement du 28 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de ladite décision du 25 août 2011 de l'inspecteur du travail et, d'autre part, à la condamnation de la SARL Willems à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;

Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 25 août 2011 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 25 août 2011, à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. D..., la SARL Willems, en raison des difficultés économiques qu'elle avait connues, avait cessé son activité, et qu'il n'était pas envisagé une reprise de cette activité, dont la cessation était dès lors totale et définitive ; que si M. D... fait valoir que la cessation d'activité à l'origine de la perte de son emploi a été motivée par la mauvaise gestion de l'employeur et la volonté du gérant de placer la société dans cette situation, ces allégations, à les supposer établies, et alors même qu'elles ont été évoquées par l'inspecteur du travail, sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige par laquelle ledit inspecteur, auquel il n'appartenait pas de rechercher si la cessation d'activité était due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, après avoir fait porter son contrôle sur la situation personnelle du salarié et constaté la cessation d'activité de l'entreprise, a estimé que la réalité du motif économique était établie et a délivré, en conséquence, l'autorisation de licenciement sollicitée qui est suffisamment motivée dès lors qu'elle comporte la mention des dispositions du code du travail applicables à la situation de M. D... et la constatation des éléments de fait qui justifient l'autorisation accordée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le défaut de motivation de la lettre de licenciement adressée au requérant par le liquidateur, qui est postérieure à la décision d'autorisation en litige, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de celle-ci ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, qu'aucune possibilité de reclassement des salariés dans l'entreprise n'était envisageable, celle-ci, qui n'appartenait à aucun groupe, ayant cessé toute activité et la liquidation judiciaire ayant été prononcée faute de toute solution de reprise de l'activité ; qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de vérifier le respect par l'employeur ou le liquidateur de ses obligations relatives au reclassement externe des salariés concernés par un licenciement collectif pour motif économique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'a pas vérifié si le liquidateur avait recherché si des postes existaient dans le bassin d'emploi existant, chez des concurrents ou des fournisseurs, et n'aurait pas présenté aux salariés des offres correspondant à leur profil, doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Considérant que les conclusions présentées par M. D...tendant à la condamnation de la SARL Willems à lui verser des dommages-intérêts sont relatives à un litige opposant des personnes privées ; qu'un tel litige n'est pas au nombre de ceux dont il appartient à la juridiction administrative de connaître ; que dès lors, ces conclusions, au demeurant irrecevables dès lors que le requérant ne critique pas le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges pour les rejeter, et alors qu'il n'appartient pas à la Cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée au requérant par le tribunal administratif, doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de Me C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...une somme quelconque au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par MeC..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Willems Hubert, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Me C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à MeC..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Willems Hubert.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.

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N° 12LY02467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02467
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PIQUEMAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-07;12ly02467 ?
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