Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2012, présentée, pour la société ED dont le siège est 120 rue du Général Malleret Joinville à Vitry Sur Seine ;
La société ED demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000484 du 23 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 décembre 2009 en tant que, par cette décision, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville l'a autorisée à licencier Mme A...C...;
2°) de rejeter la demande présentée par MmeC... devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de MmeC... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les témoignages des salariés ayant dénoncé les faits reprochés à Mme C...sont dignes de foi quand bien même ils auraient été rédigés dans les mêmes termes ;
- qu'en faisant preuve d'un manque d'application dans l'exercice de la mission de responsable de magasin et en adoptant un comportement irrespectueux voire injurieux à l'égard du personnel placé sous ses ordres Mme C...a commis des fautes d'une gravité suffisante pour justifier qu'une mesure de licenciement soit prise à son encontre ;
- qu'il n'est pas établi que la mesure de licenciement envisagée soit en rapport avec le mandat détenu par MmeC... ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 juillet 2012, présenté pour Mme A...C..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société ED au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que les retards qui lui sont reprochés entre le 15 janvier et le 10 février 2009, dont il n'est pas établi qu'ils auraient des conséquences défavorables sur le fonctionnement du magasin, ne constituent pas un motif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- que les faits relatifs à son manque d'application dans son travail et à son comportement irrespectueux à l'égard du personnel ne sont pas établis dès lors qu'ils reposent sur des attestations qui sont rédigées dans les mêmes termes et qui font douter de leur valeur probante ;
- que son licenciement est en lien avec le mandat de délégué du personnel qu'elle a exercé en s'opposant notamment à l'ouverture des magasins le dimanche ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2012, présenté pour la société ED, devenue société DIA France, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 octobre 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut à l'annulation du jugement et au rejet de la demande présentée par MmeC... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
1. Considérant que, par décision du 20 juillet 2009, l'inspecteur du travail a accordé à la société ED, devenue société DIA France, l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de MmeC..., titulaire du mandat de délégué du personnel ; que, par décision du 21 décembre 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, accordé l'autorisation sollicitée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 décembre 2009 en tant que, par cette décision, le ministre a autorisé le licenciement de Mme C...;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
3. Considérant, en premier lieu, que pour autoriser le licenciement de MmeC..., exerçant les fonctions de gérante d'un magasin, le ministre du travail s'est fondé, d'une part, sur les insultes qu'elle a adressées aux caissières devant les clients et d'autres salariés du magasin, sur le fait qu'elle se montrait désagréable avec les clients, sur ses absences répétées et son manque d'implication dans certaines tâches matérielles et, d'autre part, sur la circonstance que les performances du magasin pâtissaient de son comportement ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à Mme C... ont été dénoncés dans une lettre du 14 février 2009, signée par cinq salariés et adressée au responsable de secteur, et, par la suite, confirmés au cours de l'enquête conduite par l'inspecteur du travail auprès des salariés et d'anciens salariés du magasin ; que la circonstance que le contenu de ladite lettre du 14 février 2009 ait été repris dans des termes identiques par des témoignages établis individuellement en juin 2009 par les mêmes salariés n'est pas, en elle-même, de nature à remettre en cause la valeur probante de ces documents ; qu'en outre, s'il n'est pas établi que le comportement de MmeC..., et notamment les retards qui lui sont reprochés, a eu une incidence sur les résultats économiques du magasin, il ressort cependant des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision s'il n'avait tenu compte que des autres faits mentionnés dans ladite décision ; que, dans ces conditions, et alors même que les membres du comité d'établissement se sont prononcés à l'unanimité contre la mesure de licenciement envisagée, les faits reprochés à MmeC..., compte tenu des fonctions exercées, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif qu'elle reposait sur des faits partiellement entachés d'inexactitude matérielle et qui ne présentaient pas un caractère de gravité suffisante ;
5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif ;
6. Considérant que la circonstance que Mme C...a marqué son hostilité à la mise en place du travail le dimanche matin quelques mois avant l'engagement de la procédure de licenciement dont elle a fait l'objet n'établit pas, en elle-même, l'existence d'un lien entre son mandat et la demande d'autorisation de licenciement à l'origine de la décision en litige ; que la circonstance que la requérante, titulaire du mandat de délégué du personnel, aurait déployé à ce titre une activité de défense des intérêts des salariés de la société, ne constituait pas un motif d'intérêt général justifiant un refus d'autorisation de son licenciement, dont il n'est pas allégué qu'il aurait pour conséquence l'absence de toute représentation des salariés au sein de l'entreprise ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société DIA France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du travail du 21 décembre 2009 en tant qu'elle l'autorise à licencier Mme C...; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société DIA France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de ladite société une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A...C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société DIA France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme A...C....
Délibéré après l'audience du 27 juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. B...et M. Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 juillet 2013.
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N° 12LY01180 3