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11/07/2013 | FRANCE | N°13LY00497

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 13LY00497


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 25 février 2013 et régularisée le 1er mars 2013, présentée pour M. B...A..., domicilié ...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201415, du 18 octobre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Cantal, du 5 juillet 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le

s décisions susmentionnées ainsi que la décision désignant le pays à destination duquel il...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 25 février 2013 et régularisée le 1er mars 2013, présentée pour M. B...A..., domicilié ...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201415, du 18 octobre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Cantal, du 5 juillet 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ainsi que la décision désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet du Cantal, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente un récépissé avec droit au travail dans le délai de huit jours, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que c'est à tort que le préfet du Cantal s'est fondé sur la circonstance qu'il ne justifiait pas d'une résidence habituelle en France pour s'abstenir de consulter le médecin de l'agence régionale de santé préalablement à l'édiction de la décision de refus délivrance d'un titre de séjour litigieuse ; que, par suite, le refus de titre de séjour est entaché de vice de procédure ; qu'il ne peut pas bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à son état de santé ; que, par suite, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le15 mai 2013, présenté par le préfet du Cantal, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A...n'établit pas le caractère habituel de sa présence en France ; qu'il pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

Vu la décision du 24 janvier 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...A...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant russe, né le 22 avril 1971, est entré irrégulièrement en France le 28 avril 2008 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 10 septembre 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2010 ; que, par décision du 24 novembre 2010, le préfet des Alpes-Maritimes a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le Tribunal administratif de Nice par un jugement en date du 6 avril 2011 ; que la demande de M. A...tendant au réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 7 avril 2011 ; que, par décision du 1er juin 2011, le préfet des Alpes-Maritimes a pris à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire français ; que, par courrier du 22 mai 2012, M. A...a sollicité du préfet du Cantal la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par les décisions en litige du 5 juillet 2012, le préfet du Cantal a refusé de faire droit à cette demande, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination ; que M. A...relève appel du jugement du 18 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

2. Considérant que les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Cantal a fixé le pays de destination, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : "Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...)/Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...)" ;

4. Considérant que, par courrier du 22 mai 2012, M. A...a sollicité du préfet du Cantal la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par la décision en litige du 5 juillet 2012, le préfet du Cantal a refusé de faire droit à cette demande au motif que l'intéressé n'apportait pas la preuve de sa résidence habituelle en France, en particulier depuis le 11 novembre 2010, date à laquelle expirait le dernier récépissé qui lui avait été délivré ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M.A..., qui soutient qu'il séjourne de façon continue en France depuis le 28 avril 2008, établit par les pièces qu'il produit, à savoir diverses attestations de tiers corroborées par les certificats de scolarité de ses enfants au titre de l'année 2011-2012, qu'il vivait depuis le mois d'avril 2011 au domicile de son frère, lequel réside régulièrement en France en qualité de réfugié ; que le préfet, qui relève au demeurant que l'intéressé s'est soustrait aux deux mesures d'éloignement précédemment prononcées à son encontre par le préfet des Alpes-Maritimes le 24 novembre 2010 et le 1er juin 2011, ne conteste pas sérieusement le caractère habituel de la présence en France de l'intéressé depuis son entrée sur le territoire national en 2008 en se bornant à émettre des doutes sur celle-ci ; qu'à supposer qu'en invoquant la circonstance que M. A...pourra bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine le préfet puisse être regardé comme sollicitant une substitution de motif, une telle substitution priverait le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué en raison de l'absence de consultation du médecin de l'agence régionale de santé et ne peut ainsi, en tout état de cause, être opérée ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, M. A...doit être regardé comme ayant eu en France, à la date de la décision en litige, sa résidence habituelle au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, M. A...est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait, sans commettre un vice de procédure, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé sans solliciter au préalable l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, la décision de refus litigieuse est illégale et doit être annulée ; que doit également être annulée, par voie de conséquence, la décision du même jour faisant obligation de quitter le territoire français sous trente jours à M. A...;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sous trente jours ;

Sur les conclusions de M. A... à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

7. Considérant que le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, n'implique pas que soit délivrée à M. A...une carte de séjour temporaire ; qu'en revanche, il y a lieu de prescrire au préfet du Cantal de délivrer, dans le délai de quinze jours, à M.A..., une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocate de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Bertin, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201415, du 18 octobre 2012, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet du Cantal, du 5 juillet 2012, refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Cantal de délivrer, dans le délai de quinze jours, à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa demande dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de mille euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à Me Bertin, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2013 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Seillet, président assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2013,

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N° 13LY00497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00497
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-11;13ly00497 ?
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