Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2012 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Mumu, dont le siège est 34 avenue Pierre de Coubertin à Sens (89100), représentée par son gérant en exercice ;
La SARL Mumu demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101264, en date du 17 juillet 2012, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 7 février 2006 au 31 décembre 2008, ainsi également que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- il n'a pas été justifié des délégations de pouvoirs et de signature des inspecteurs des impôts qui ont procédé à la vérification de comptabilité et signé la proposition de vérification ;
- les annexes 4 et 5 à la proposition de rectification ne sont pas signées ;
- il n'est pas justifié de la délégation de pouvoirs et de signature, ainsi que de la qualité de l'inspecteur principal ; l'inspecteur principal n'a pas signé les procès-verbaux de rapport et d'entretien oral et le procès-verbal d'irrégularité de la comptabilité ;
- un courrier de l'administration en date du 26 février 2010, précisant ce qui sera soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que le calcul des pénalités et majorations, est signé du seul inspecteur, alors que le visa de l'inspecteur principal était nécessaire ;
- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'inspectrice qui a signé le rejet de la réclamation ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve de ce que la comptabilité était entachée de graves irrégularités, justifiant qu'elle soit écartée ;
- les inspecteurs ont notifié des chiffres d'affaires fantaisistes et surévalués, contredits par les bilans de l'exploitant précédent, la moyenne départementale pour des fonds de commerce de même type, la situation particulière du fonds de commerce installé dans la ZUP de Sens et les difficultés économiques générales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, tendant au rejet de la requête de la SARL Mumu ; le ministre soutient que :
- les inspecteurs et inspecteurs principaux des impôts, qui sont des agents de catégorie A, sont compétents pour procéder aux opérations de contrôle et notifier les rectifications, sans avoir à justifier d'une délégation de signature ou de pouvoirs ;
- aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que les annexes à la proposition de rectification soient signées ; les signatures et visa figurant sur le premier feuillet de la proposition de rectification mentionnant que la lettre comporte 109 feuillets, concernent nécessairement les 109 feuillets ;
- le courrier du 26 février 2010 constituait une simple lettre d'information et n'avait donc pas à être visé ; les vices qui entachent la décision rejetant une réclamation sont sans influence sur la régularité de la procédure d'établissement de l'imposition ;
- l'administration ayant rapporté la preuve de graves irrégularités de la comptabilité, la conduisant à écarter celle-ci, et ayant établi les impositions conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, la charge de la preuve de l'exagération de ces bases d'imposition revient à la société requérante ;
- la comptabilité a été considérée comme irrégulière et non probante en raison de nombreuses anomalies ainsi que de la globalisation par moyen de paiement sans justificatifs ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires a été opérée à partir d'informations sur les conditions réelles d'exploitation de l'établissement ; la société ne produit aucun élément permettant de critiquer sérieusement cette reconstitution et n'apporte pas ainsi la preuve de l'exagération des bases d'impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :
- le rapport de M. Montsec, président ;
- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., substituant Me Beauxis-Aussalet, avocat de la SARL Mumu ;
1. Considérant que la SARL Mumu, qui exerce une activité de débit de boissons et de blanchisserie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 7 février 2006 au 31 décembre 2008 ; qu'à l'occasion de cette vérification, l'administration a constaté de graves irrégularités de sa comptabilité, et a, en conséquence, procédé au rejet de celle-ci et à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que la SARL Mumu fait appel du jugement du 17 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui en ont résulté, pour les exercices clos les 31 décembre 2006, 2007 et 2008, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 7 février 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que, dans les deux cas, des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales : " 1. Les agents de l'administration des impôts peuvent assurer le contrôle et l'assiette de l'ensemble des impôts ou taxes dus par le contribuable qu'ils vérifient. (...) " ; que l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts dispose : " I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. (... ) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les inspecteurs et inspecteurs principaux des impôts, qui sont des agents de catégorie A, sont compétents pour procéder aux opérations de contrôle et notifier les rectifications sans avoir à justifier d'une délégation de signature ou de pouvoirs ; que la proposition de rectification du 23 octobre 2009 comporte la signature et précise les noms et qualités des deux inspecteurs des impôts ayant procédé à la vérification de comptabilité et de l'inspecteur principal qui l'a visée ; que les moyens tirés de l'absence de justification des délégations de pouvoirs et de signature de ces agents sont, dès lors, inopérants ; qu'il en est de même du moyen tiré de l'absence de justification de la délégation de pouvoirs et de signature de l'inspecteur principal qui a visé la réponse du 15 janvier 2010 aux observations de la contribuable ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " La décision d'appliquer les majorations prévues aux articles 1729 et 1732 du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités " ; qu'aux termes de l'article R. 80 E-1 du même livre : " La décision d'appliquer les majorations mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur départemental " ; que ces dispositions n'ont pas été méconnues, dès lors que la proposition de rectification satisfait à ces exigences ; qu'aucune disposition légale ni réglementaire n'impose que les annexes à la proposition de rectification, en particulier les différents procès-verbaux établis lors de la vérification de comptabilité, relatifs notamment aux entretiens et à l'irrégularité de la comptabilité, soient signées ou visées par un agent de catégorie supérieure ; qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification notifiée à la SARL Mumu est signée par deux inspecteurs des impôts et visée par un inspecteur principal, sur sa première page, laquelle précise que le document comporte 109 feuillets ; que ces signatures et visa concernent nécessairement l'ensemble des 109 feuillets, qui comprennent les développements relatifs aux majorations et les annexes détaillant les conséquences financières du contrôle ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité pour défaut de visa et de signature des actes annexés à ladite proposition de rectification doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'en tout état de cause, le courrier du 26 février 2010 constitue une simple lettre d'information dont l'irrégularité ne serait pas de nature à vicier la procédure d'imposition ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que les vices qui peuvent entacher la décision rejetant une réclamation sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions en litige ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de qualité du signataire de la décision du 4 avril 2011 rejetant la réclamation préalable de la requérante est inopérant ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'administration de justifier des graves irrégularités qui l'ont conduite à écarter la comptabilité de la SARL Mumu ; que, si cette preuve est apportée, les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition revient à la société requérante qui doit alors soit démontrer soit que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration ;
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
7. Considérant que, lors de la vérification de comptabilité, l'administration a pu constater de nombreuses irrégularités de la comptabilité, notamment la globalisation journalière des recettes par moyen de paiement sans aucune ventilation par produits vendus, l'absence de pièces justificatives et de tickets de caisse permettant l'individualisation des recettes et l'absence de plusieurs factures ; que le modèle de tableau journalier des recettes fourni par la société n'est pas de nature à prouver que les recettes n'ont pas été ainsi globalisées ; que l'administration était, dès lors, fondée à écarter comme non-probante la comptabilité de la SARL Mumu ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
8. Considérant que les vérificateurs ont reconstitué le chiffre d'affaires de la société en se fondant sur les achats réels pour chaque exercice, déterminés à partir des factures présentées et de celles obtenues par l'administration par exercice de son droit de communication, pour chaque catégorie de produits, auxquels elle a appliqué les tarifs de vente communiqués par l'exploitant ; qu'ils ont apporté aux résultats obtenus des corrections afin de tenir compte des offerts et des pertes ; que, pour critiquer le chiffre d'affaires reconstitué, la société requérante se borne à lui opposer les bilans du précédent exploitant, la moyenne départementale de fonds de commerce de même type, la situation de son fonds de commerce en ZUP de Sens et les difficultés économiques générales, sans critiquer en elle-même la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ainsi mise en oeuvre par l'administration ; que, si la SARL Mumu propose une autre méthode de reconstitution élaborée par son expert-comptable selon la moyenne départementale des fonds du même type, cette méthode ne repose pas sur les conditions réelles d'exploitation de l'établissement et ne peut être retenue en ce qu'elle n'est pas suffisamment précise ; qu'ainsi, la société requérante ne démontre pas que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires utilisée par l'administration est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe et n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Mumu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les frais exposés non compris dans les dépens :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Mumu la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Mumu est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mumu et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2013 à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2013.
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N° 12LY02570