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04/07/2013 | FRANCE | N°12LY01120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2013, 12LY01120


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2012, présentée pour la société Banque Rhône-Alpes dont le siège est 20-22 boulevard Edouard Rey BP 77 à Grenoble Cedex 09 (38041) ;

La société Banque Rhône-Alpes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903580 du 20 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 24 mars 2009, en tant qu'elle lui refuse l'autorisation de licencier M. B..., délégué du pe

rsonnel suppléant ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de...

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2012, présentée pour la société Banque Rhône-Alpes dont le siège est 20-22 boulevard Edouard Rey BP 77 à Grenoble Cedex 09 (38041) ;

La société Banque Rhône-Alpes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903580 du 20 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 24 mars 2009, en tant qu'elle lui refuse l'autorisation de licencier M. B..., délégué du personnel suppléant ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision en litige est entachée d'erreur s'agissant de l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de M. B... alors que l'agence bancaire, Lyon Cordeliers, dont il avait la charge depuis 2006 faisait partie de celles ayant obtenu les moins bons résultats ; que l'agence Lyon Cordeliers a obtenu de moins bons résultats que les autres agences, comparables en termes de situation, de clientèle, de taille, situées dans la presqu'île de Lyon ;

- que c'est à tort que le ministre chargé du travail a cru pouvoir tenir compte des bons résultats obtenus par M. B...avant son affectation à la tête de l'agence Lyon Cordeliers ;

- qu'il n'existe aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat de représentant du personnel détenu par M.B... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 décembre 2012, présenté pour M. D...B..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Banque Rhône-Alpes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;

- qu'aucun des griefs qui lui sont reprochés n'est établi ; que la société requérante n'apporte aucun élément démontrant son manque d'implication auprès des collaborateurs de l'agence ; qu'il est à cet égard nullement établi que l'important " turn over " constaté au sein de l'agence ait un lien quelconque avec ses méthodes managériales ;

- qu'il ne peut pas être reproché au ministre d'avoir tenu compte des résultats moyens obtenus par les agences de la banque puisque dans sa demande d'autorisation de licenciement son employeur s'est référé aux moyennes obtenues par les agences de la banque ; que les documents fournis par la requérante tendent à démontrer que l'agence Cordeliers se place au 13ème rang sur un total de 69 agences au regard du critère des objectifs atteints ;

- que l'agence Lyon Cordeliers, s'agissant du taux de travail, a connu une progression positive de 2006 à 2007 et de 2007 à 2008 ; que ces résultats se situent au même niveau que les agences anciennes qui lui sont comparables ;

- que s'agissant de l'objectif relatif au taux de satisfaction de la clientèle, l'agence Lyon Cordeliers a vu ses résultats s'améliorer à la différence des agences Bellecour et Bât d'Argent ; qu'il y a lieu également de tenir compte, pour apprécier les résultats obtenus au regard de ce critère, du fort " turn over " des conseillers clientèle qui peut expliquer l'insatisfaction de la clientèle de l'agence ;

- que s'agissant du critère de l'utilisation de la liste des clients prioritaires l'agence Lyon Cordeliers apparaît certes moins bien classée que l'agence Bellecour mais ses résultats sont meilleurs que ceux enregistrés par les agences Lyon Bât d'Argent et Lyon Lafayette ;

- que l'insuffisance en termes de PNB qui lui est reprochée trouve son explication dans les mesures d'assainissement des engagements risqués qui avaient été souscrits par l'agence avant son arrivée ; qu'il y a lieu de tenir compte également de clients importants qui ont quitté l'agence sans que ces départs puissent lui être imputés ;

- que d'autres agences ont eu des résultats moins bons que l'agence Lyon Cordeliers sans pour autant que la société banque Rhône-Alpes ait décidé d'engager des procédures comparables à celles dont il a fait l'objet ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2013, présenté pour la société Banque Rhône-Alpes qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle fait valoir, en outre, que, contrairement à ce que soutient M.B..., sa requête est recevable car elle ne se borne pas à reprendre ses mémoires présentés devant les premiers juges ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que sa décision n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation quant à l'insuffisance professionnelle de M. B...au regard des performances et des caractéristiques de l'agence qu'il dirige ;

Vu l'ordonnance du 19 mars 2013 fixant au 12 avril 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 ;

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...substituant Me Renaud, avocat de la société Banque Rhône-Alpes, et de Me Crozier, avocat de M. B... ;

1. Considérant que la société Banque Rhône-Alpes a sollicité l'autorisation de licencier pour insuffisance professionnelle M.B..., titulaire du mandat de délégué du personnel suppléant et exerçant les fonctions de directeur d'une agence bancaire ; que, par décision du 22 septembre 2008, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement ; que, sur recours hiérarchique, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a, par décision du 24 mars 2009, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que la société Banque Rhône-Alpes fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision en tant qu'elle refuse l'autorisation de licenciement sollicitée ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant qu'il ressort de la demande d'autorisation de licenciement présentée le 21 juillet 2008 par la société requérante que l'insuffisance professionnelle reprochée à M. B... résulterait de plusieurs indicateurs faisant apparaître des résultats insuffisants de l'agence bancaire Lyon Cordeliers dont ce salarié a pris la direction à partir de la fin de l'année 2005 ;

4. Considérant, en premier lieu, que si l'employeur de M. B...lui a reproché des résultats commerciaux insuffisants par rapport aux objectifs successivement assignés à l'agence bancaire en cause, il ressort des pièces du dossier qu'à la fin du mois de février 2008 cette agence occupait la 15ème place sur les 69 agences que comptait la société banque Rhône-Alpes ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant du taux de travail, qui correspond au pourcentage des produits vendus aux clients de la banque, s'il est reproché à M. B...d'avoir obtenu pour l'agence Cordeliers un taux inférieur à la moyenne de la banque, il ressort toutefois des pièces du dossier que le taux de travail des agences les plus anciennes, comme l'agence Lyon Cordeliers, est généralement inférieur à la moyenne des agences qui intègrent les agences nouvelles, lesquelles peuvent plus facilement vendre des produits bancaires à leurs nouveaux clients, souvent plus jeunes ;

6. Considérant enfin qu'il est reproché à M. B...d'avoir, d'une part, obtenu pour l'agence Cordeliers un taux de satisfaction de la clientèle très inférieur à celui de la banque et, d'autre part, de manquer d'application dans l'accompagnement et le management de ses collaborateurs ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le taux de satisfaction de la clientèle de l'agence en cause est relativement proche de celui obtenu dans deux autres agences du centre de Lyon, les agences Bât d'Argent et Bellecour Sainte-Hélène dont les caractéristiques, en termes de situation, de clientèle, de taille sont présentées comme comparables par la société requérante ; qu'il apparaît à cet égard que l'agence Bellecour Sainte-Hélène a enregistré, en septembre 2008, un taux de satisfaction de la clientèle de 77 %, inférieur d'un point à celui obtenu par l'agence Lyon Cordeliers ; qu'il n'est pas par ailleurs établi que les performances jugées non satisfaisantes de l'agence Lyon Cordeliers soient imputables à un manque d'implication de son directeur ; qu'il est constant, en effet, que lorsque M. B...en a pris la responsabilité, cette agence avait connu cinq directeurs différents en cinq ans ; que lorsqu'il a pris ses fonctions, M. B...a eu, dans un premier temps, pour mission de réduire les risques pris sur certains clients ; que cette phase d'assainissement a également coïncidé avec le départ de deux clients importants ; que ce contexte explique en grande partie les résultats, mesurés en termes de produit net bancaire, obtenus par l'agence Lyon Cordeliers sur la période en cause ; que, par ailleurs, si trois employés ont donné leur démission depuis que M. B... a pris la direction de cette agence bancaire, il ressort cependant des pièces du dossier que ces démissions ont été données pour des raisons personnelles et non pas, comme le soutient la société requérante sans l'établir, en raison des méthodes de management de M. B...; que celui-ci fait d'ailleurs valoir, sans être contredit, qu'il a toujours obtenu de bons résultats dans les fonctions de directeur d'agence, et notamment dans les fonctions de direction de l'agence Villeurbanne gratte-ciel qu'il a exercées avant de prendre la responsabilité de l'agence Lyon Cordeliers ; que, dès lors, il n'apparaît pas, eu égard au contexte de travail qu'a connu M. B...à la tête de l'agence Lyon Cordeliers depuis 2006 et jusqu'à la demande d'autorisation de licenciement intervenue en juillet 2008, que l'évolution des performances de cette agence puisse être imputée à son insuffisance professionnelle ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par M.B..., que la société banque Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société banque Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Banque Rhône-Alpes est rejetée.

Article 2 : La société Banque Rhône-Alpes versera la somme de 1 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Banque Rhône-Alpes, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président-assesseur,

M. C...et M. Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2013.

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N° 12LY01120 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01120
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL RENAUD AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-04;12ly01120 ?
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