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27/06/2013 | FRANCE | N°13LY00233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 13LY00233


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 janvier 2013, présentée pour M. C... B...A..., domicilié ...;

M. B... A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206825, du 31 décembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 octobre 2012, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

2°) d'annuler, pour excè

s de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 janvier 2013, présentée pour M. C... B...A..., domicilié ...;

M. B... A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206825, du 31 décembre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 octobre 2012, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Rhône s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ; que cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ; qu'eu égard à sa vie privée et familiale, cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la mesure d'éloignement a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour le 5 juin 2013, présenté par le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge du requérant de la somme de 1 196 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il ne s'est pas estimé lié par l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique pour refuser le renouvellement du titre de séjour étranger malade et qu'il n'a donc pas commis d'erreur de droit ; que, dès lors qu'un défaut de soins n'entraînerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement médical approprié est disponible au Tchad et qu'il n'existe pas de lien avéré entre les troubles de l'intéressé et d'éventuels évènements traumatisants vécus au Tchad, cette décision n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision de refus de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur un refus de séjour légal, n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, la décision désignant le pays de renvoi se fonde sur une mesure d'éloignement légale et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du 12 février 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de l'arrêté attaqué, que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... A... et ne s'est pas estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé avant de refuser la renouvellement du titre de séjour à M. B... A... ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

3. Considérant que M. B... A..., ressortissant tchadien, fait valoir qu'il souffre notamment d'un syndrome post-traumatique, depuis les violences et actes de maltraitance dont il a été victime au Tchad ; que, toutefois, par un avis du 18 juin 2012, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans le pays dont M. B... A... est originaire et vers lequel il peut voyager sans risque ; que les différents certificats médicaux, produits au dossier par M. B... A..., et notamment celui établi le 5 juin 2012 par le docteur Moussa ainsi que celui du docteur Balais, psychiatre, lesquels reprennent le récit de M. B... A... et rappellent le traitement médicamenteux prescrit à l'intéressé, ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge de son état de santé aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et de remettre ainsi en cause l'appréciation portée le 18 juin 2012 par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'à supposer même que le défaut de cette prise en charge médicale entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les pièces produites par M. B... A... ne permettent pas d'établir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine alors que le préfet du Rhône produit un courriel du service des visas de l'ambassade de France à Ndjamena attestant de la disponibilité du Clomipramine, du Seresta et du Zoplicone à la pharmacie Béguinage ; qu'au surplus, s'il affirme que le lien existant entre la pathologie dont il souffre et les événements traumatisants qu'il a vécus au Tchad ne permet pas d'envisager un traitement approprié dans ce pays, M. B... A... ne démontre pas, par des documents probants, que les événements dont il prétend avoir été la victime soient intervenus en 2008 au Tchad, qu'il indique n'avoir quitté qu'en février 2010, ni, par suite, le lien entre le lieu de ces événements et les troubles dont il se plaint ; que, par ailleurs, la circonstance que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 juin 2012 soit différent de celui rendu antérieurement n'est pas, par elle-même, de nature à remettre en cause la dernière appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur son état de santé ; que, par suite, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., de nationalité tchadienne, est entré irrégulièrement en France, à la date déclarée du 3 février 2010 ; que sa demande d'asile, alors présentée, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 12 août 2010 puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 avril 2011 ; que M. B... A... a sollicité et obtenu un titre de séjour pour raisons de santé, valable du 29 juin 2011 au 28 juin 2012 ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, M. B... A... résidait en France sur le territoire français depuis trente-deux mois seulement ; que le certificat médical établi par le docteur Balais en juin 2012 indique que le requérant dont " le sentiment d'isolement est très marqué " est " fragilisé par sa situation de précarité " et " qu'il n'a aucune famille en France " ; que la circonstance que M. B... A... ait été titulaire d'un contrat de travail contrat unique d'embauche, à temps partiel, valable jusqu'au 26 mars 2013, ne saurait, par elle-même, démontrer une intégration d'une particulière intensité en France ; que, né le 16 janvier 1987, M. B... A... a donc passé l'essentiel de son existence au Tchad où il n'est pas dépourvu d'attaches et où, selon ses propres écritures, il a travaillé notamment dans le commerce de voitures auprès de son oncle ; que s'il affirme que son père et son épouse sont décédés, il n'apporte toutefois aucun commencement de preuve pour étayer ses allégations ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., de nationalité tchadienne, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 15 octobre 2012 ; qu'ainsi, à cette date, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas illégale, M. B... A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

9. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance du titre de séjour au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français en litige ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, le préfet du Rhône n'a pas entaché la mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

11. Considérant, d'une part, que, compte tenu de ce qui précède, la décision refusant à M. B... A... un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, dès lors, M. B... A... n'est pas fondé à soulever, par voie d'exception, l'illégalité desdites décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

12. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que si M. B... A... soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Tchad, du fait de l'engagement de son frère au sein de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) et du soutien financier qu'il a apporté à ce mouvement, les pièces produites sont insuffisamment probantes pour établir le caractère réel, direct et personnel du risque allégué alors, au demeurant, que les autorités en charge de l'asile ont jugé le récit de M. B... A..., vague, insuffisant et convenu ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...A...quelque somme que ce soit au profit de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet du Rhône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Rabaté, président assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2013,

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N° 13LY00233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00233
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-27;13ly00233 ?
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