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06/06/2013 | FRANCE | N°12LY02268

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 06 juin 2013, 12LY02268


Vu la requête, enregistrée le 21 août 2012, présentée pour le préfet du Rhône qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106186 du 6 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé ses décisions des 13 juillet 2011 et 21 octobre 2011 portant, respectivement, refus à M. A...D...d'autoriser le regroupement familial au profit de son épouse et rejet de son recours gracieux contre ce refus et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. D...l'autorisation sollicitée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le

Tribunal administratif ;

Il soutient :

- que Mme D...a fait l'objet, entre 20...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2012, présentée pour le préfet du Rhône qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106186 du 6 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé ses décisions des 13 juillet 2011 et 21 octobre 2011 portant, respectivement, refus à M. A...D...d'autoriser le regroupement familial au profit de son épouse et rejet de son recours gracieux contre ce refus et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. D...l'autorisation sollicitée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif ;

Il soutient :

- que Mme D...a fait l'objet, entre 2004 et 2008, de cinq décisions lui refusant un titre de séjour ou constatant son maintien irrégulier en France, dont deux accompagnées d'une mesure d'éloignement ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les décisions en litige étaient intervenues en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- qu'elles ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, ni les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2012 et régularisé le 21 décembre 2012, présenté pour M. A...D..., domicilié..., qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer l'autorisation de regroupement familial sollicitée au profit de son épouse dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le refus de regroupement familial est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été précédé de l'instruction prévue par les dispositions de l'article L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision, insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Clot, président ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Meziane, avocat de M.D... ;

1. Considérant que M.D..., de nationalité algérienne, né le 31 décembre 1944, est entré en France en 1963 et y séjourne sous couvert d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 31 décembre 2014 ; qu'il a épousé le 2 août 2004 MmeB..., qui possède la même nationalité, alors qu'il n'était pas encore divorcé de sa première épouse demeurée en Algérie ; que pour ce motif, le regroupement familial sur place en faveur de Mme B...lui a été refusé le 26 février 2007, le 9 juillet 2007 et le 19 juillet 2009, son second mariage ayant été, entre temps, déclaré nul pour polygamie par jugement du Tribunal de grande instance de Lyon du 19 mars 2009 ; que, suite à son divorce d'avec son ex-épouse vivant en Algérie, M. D...a de nouveau contracté mariage avec Mme B...le 3 août 2010 et a sollicité, une nouvelle fois, le bénéfice du regroupement familial au profit de celle-ci ; que, par décision du 13 juillet 2011, confirmée le 21 octobre 2011, le préfet du Rhône lui a de nouveau opposé un refus ; que le préfet fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux dernières décisions ;

Sur la légalité des refus de titre de séjour en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que MmeB..., épouseD..., née en 1957, est entrée en France le 15 juin 2003 et s'y maintient en situation irrégulière, un titre de séjour lui ayant été refusé les 2 mars 2004, 15 décembre 2005 et 6 avril 2006 ; que sa reconduite à la frontière a été prescrite par une décision du 2 mai 2006 ; qu'un refus titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français, lui a été de nouveau opposé le 8 avril 2008 ; que toutefois, la réalité de sa vie commune avec M.D..., au moins depuis 2004, n'est pas contestée ; que si le premier mariage de Mme B...et de M.D..., célébré le 2 août 2004, a été annulé, par jugement du Tribunal de grande instance de Lyon du 19 mars 2009, en raison de la situation de bigamie de l'intéressé, le tribunal lui a reconnu le bénéfice de la bonne foi ; que M. D...ayant divorcé d'avec sa première épouse, a pu valablement contracter un nouveau mariage avec Mme B...en 2010 ; qu'il souffre d'une grave insuffisance rénale, traitée par transplantation ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant les conditions dans lesquelles Mme D...s'est maintenue sur le territoire français, le refus d'autoriser son séjour en France au titre du regroupement familial a porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que, par suite, les décisions en litige sont intervenues en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé le refus de regroupement familial de Mme D...et lui a enjoint d'autoriser ce regroupement ;

Sur les conclusions de M. D...à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt. " ;

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet du Rhône, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution, sans préjudice de l'obligation pour ledit préfet d'exécuter l'injonction prononcée par le jugement attaqué ;

Sur les conclusions de M. D...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. D...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. D...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur. Il en sera adressé copie au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président,

M. C...et M.E..., premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 6 juin 2013.

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N° 12LY02268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02268
Date de la décision : 06/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : MEZIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-06;12ly02268 ?
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