La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2013 | FRANCE | N°12LY01013

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 mars 2013, 12LY01013


Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2012, présentée pour M. A...C..., domicilié...;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901570 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie a autorisé la société Bourgeois à le licencier pour motif économique, ensemble la décision du 31 mars 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a rejeté so

n recours hiérarchique ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de...

Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2012, présentée pour M. A...C..., domicilié...;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901570 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie a autorisé la société Bourgeois à le licencier pour motif économique, ensemble la décision du 31 mars 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a rejeté son recours hiérarchique ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de la société Bourgeois la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les difficultés économiques avancées par la société Bourgeois pour justifier son licenciement ne sont pas fondées, ainsi qu'il résulte de déclarations de ses dirigeants dans la presse, d'autant que l'entreprise dispose d'une avance technologique incontestable ;

- contrairement à ce qui a été allégué dans la lettre de licenciement, les postes des salariés licenciés pour motif économique n'ont pas été supprimés, puisque pour faire face à la charge de travail supplémentaire générée par son départ, l'entreprise recourt désormais à des heures supplémentaires et à des travailleurs intérimaires, en particulier au sein de l'atelier façonnage auquel il était rattaché ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche d'un reclassement, dès lors qu'il ne lui a proposé, après un premier refus d'autorisation pour absence de proposition, que deux postes de reclassement, impliquant tous deux une diminution de sa rémunération, alors même que plusieurs autres postes étaient disponibles et susceptibles de lui être proposés, et alors que l'entreprise a eu recours concomitamment à des très nombreux travailleurs intérimaires et stagiaires et que la société demandait également la réalisation d'un grand nombre d'heures supplémentaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2012, présenté pour la société Bourgeois, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le licenciement de M. C... repose sur une cause économique réelle et sérieuse, dès lors qu'à la suite d'une détérioration du portefeuille de commandes à compter de la fin de l'année 2007, elle a dû faire face à une chute importante de son chiffre d'affaires mensuel et à une position très critique en trésorerie, qui l'ont conduite à des mesures de chômage partiel puis à une réorganisation impliquant la suppression de plusieurs postes, à plusieurs niveaux hiérarchiques, et en particulier du poste de chef d'équipe occupé par M. C... : elle n'a eu recours à des heures supplémentaires qu'en raison de la saisonnalité de la production, et à des contrats à durée déterminée que pour assurer le remplacement de salariés absents pour maladie ou congés ;

- elle a exécuté loyalement son obligation de recherche de reclassement, en proposant à M. C... les deux postes disponibles, en juin 2009, et compatibles avec sa qualification et son expérience, mais M. C... a refusé les propositions de reclassement qui lui avaient été offertes ; le poste de tôlier n'était pas disponible, dès lors que le salarié qui l'occupait bénéficiait d'un congé sabbatique de six mois, et le poste de technicien qualité nécessitait des compétences et une formation initiale que M. C... ne possédait pas ;

- elle n'a pas eu recours à des travailleurs intérimaires à l'été 2008 et il n'existait aucun poste disponible au moment de la première demande d'autorisation de licenciement ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2013, présenté par le ministre de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Mecheri, avocat de M. C...et de Me Thoral, avocat de la société Bourgeois ;

1. Considérant que la société Bourgeois a demandé, une première fois, le 30 avril 2008, l'autorisation de procéder au licenciement, pour motif économique, de M. C..., salarié exerçant des fonctions de " chef d'équipe ", au sein de l'atelier façonnage, et salarié protégé en sa qualité de conseiller du salarié, dans le département de la Haute-Savoie, à la suite de son inscription sur la liste des conseillers du salarié par un arrêté préfectoral du 27 avril 2007 ; que, par une première décision du 12 juin 2008, l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie a rejeté cette demande, au motif d'une absence de recherche de reclassement de l'intéressé et d'une absence de consultation du comité d'entreprise sur ce point ; qu'après des propositions de postes de reclassement, refusés par M. C..., la société Bourgeois a présenté, le 5 août 2008, une nouvelle demande d'autorisation de licenciement ; que, par une décision du 9 octobre 2008, l'inspecteur a autorisé le licenciement de M. C..., qui a été licencié, par une lettre du 14 octobre 2008 ; que M. C... fait appel du jugement du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 9 octobre 2008 de l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie, ensemble la décision du 31 mars 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a rejeté son recours hiérarchique ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions en litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-14 du code du travail : " L'exercice de la mission de conseiller du salarié ne peut être une cause de rupture du contrat de travail. Le licenciement du conseiller du salarié est soumis à la procédure d'autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie." ; qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de représentation du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ; qu'est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, malgré un retour à l'équilibre d'exploitation au cours de l'exercice 2007, la société Bourgeois, alors fortement endettée, à la suite de pertes importantes enregistrées au cours de l'exercice 2006, a connu un recul important du nombre de ses commandes, à compter du dernier trimestre de l'année 2007, qui s'est traduit par un recul de 23 % de son chiffre d'affaires du 1er trimestre 2008 par rapport au 1er trimestre de l'année précédente puis, après une relance ponctuelle de l'activité, en juillet 2008, avant la fermeture estivale du mois d'août, qu'elle a dû faire face à des prévisions d'activité et de commandes très limitées pour l'automne 2008 ; qu'elle a subi une baisse de 15 % du chiffre d'affaires au cours de l'année 2008, par rapport à l'année précédente ; qu'elle a été amenée à procéder à des modulations horaires, à une modification du calendrier de production, à recourir à des mesures de chômage partiel, entre février et avril 2008, puis de mai à décembre 2008, avant de procéder à une réorganisation de l'entreprise comportant la suppression de plusieurs niveaux hiérarchiques et de neuf postes, dont celui du requérant ; qu'ainsi, nonobstant l'amélioration des résultats de l'année 2007, relevée dans des articles de presse produits par M. C..., la réalité des difficultés économiques ayant justifié son licenciement ressort des pièces du dossier ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces produites par la société Bourgeois que les salariés de l'entreprise ont effectué des heures supplémentaires, en raison de la saisonnalité de la production, dans le cadre d'un accord de réduction du temps de travail et de modulation horaire mis en place au sein de l'entreprise en 1997, au cours du mois de juillet 2008, et que l'entreprise a embauché des salariés, dans le cadre de contrats à durée déterminée, pour assurer ponctuellement le remplacement de salariés absents pour maladie ou congés ; qu'il n'en ressort pas, contrairement à ce qu'affirme M. C..., qui se borne à produire des pièces relatives au seul mois de juillet 2008, que les heures supplémentaires effectuées par les salariés et les embauches dans le cadre de contrats à durée indéterminée auraient eu pour objet et pour effet de compenser le départ des salariés licenciés ni, par suite, que les postes de travail de ces derniers n'auraient pas été supprimés ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le poste de " tôlier ", occupé par un salarié bénéficiant d'un congé sabbatique d'une durée de six mois, jusqu'à la fin du mois de février 2009, ne pouvait être, pour ce motif, proposé à M. C... en vue de son reclassement ; que le poste de " technicien qualité ", impliquant des compétences et une formation initiale, de niveau bac + 2 minimum, que M. C... ne possédait pas, ne pouvait davantage lui être proposé à ce titre ; qu'il ressort des pièces produites par la société Bourgeois que les postes proposés à M. C..., de soudeur industriel et de préparateur monteur, devenus disponibles après la première demande d'autorisation de licenciement de ce dernier, en raison de la mise en invalidité d'un salarié et du placement d'un autre en position de congé maladie prolongé, correspondaient à la qualification et à l'expérience de M. C..., alors même qu'ils relevaient d'une catégorie inférieure à celle du poste qu'il occupait jusqu'alors, et que leur rémunération était inférieure à celle qu'il percevait ; qu'il n'est pas démontré que d'autres postes présentant ces caractéristiques auraient été disponibles ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les salariés de l'entreprise n'ont effectué des heures supplémentaires qu'en raison de la saisonnalité de la production, au cours du seul mois de juillet 2008, et il n'est pas établi que l'entreprise aurait employé des salariés intérimaires pour occuper des postes disponibles ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un autre emploi correspondant aux qualifications et aptitudes de M. C... et permettant son reclassement ait été vacant dans la société ; que le moyen tiré par le requérant de l'absence de proposition de reclassement doit, par suite, être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de la société Bourgeois tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés par la société Bourgeois dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Bourgeois tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la société Bourgeois et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 21 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. B...etD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 mars 2013.

''

''

''

''

1

4

N° 12LY01013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01013
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP VUILLAUME-COLAS et MECHERI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-14;12ly01013 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award