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14/02/2013 | FRANCE | N°12LY00954

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 14 février 2013, 12LY00954


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2012, présentée pour Mme H...B..., domiciliée...,;

Mme A...B...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100099 du 9 février 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à 132 000 euros l'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a été condamné à lui verser ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 935 709,14 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charg

e de l'ONIAM une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administ...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2012, présentée pour Mme H...B..., domiciliée...,;

Mme A...B...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100099 du 9 février 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à 132 000 euros l'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a été condamné à lui verser ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 935 709,14 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a estimé que ses préjudices sont la conséquence de trois injections du vaccin Tetracoq qu'elle a reçues en 1986 ;

- que les premiers juges ont insuffisamment évalué ses préjudices ; que ses préjudices personnels doivent être évalués à 118 898 euros, ses préjudices scolaire et professionnel à 716 811,14 euros et son préjudice moral à 100 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 9 juillet 2012 à l'ONIAM, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2012, présenté pour l'ONIAM qui conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de Mme A...B...et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il existe un lien de causalité entre l'histiocytose langerhansienne et la vaccination que Mme A...B...a subie en 1986 ; qu'aucune étude nationale ou internationale de nature à établir ce lien de causalité n'est citée par les experts ;

- qu'il y a lieu de confirmer l'évaluation faite par les premiers juges des préjudices patrimoniaux et personnels de Mme A...B...;

Vu l'ordonnance en date du 6 août 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 28 septembre 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 septembre 2012, présenté pour Mme A...B...qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, sollicitant en outre que l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à lui verser soit fixée, à titre principal, à 619 992,55 euros, à titre subsidiaire à 503 898 euros et, à titre infiniment subsidiaire à ce que la Cour sursoie à statuer sur son préjudice scolaire et professionnel et désigne un expert chargé d'évaluer ses facultés d'intégration professionnelle ;

Elle soutient en outre qu'en retenant le revenu moyen en France et en tenant compte de l'allocation aux adultes handicapés qu'elle perçoit, le préjudice lié aux pertes de revenus qu'elle subit depuis qu'elle a atteint l'âge de 18 ans doit être évalué à 366 094,55 euros ; que, dans l'hypothèse d'une évaluation forfaitaire, ce préjudice devrait être fixé à une somme qui ne saurait être inférieure à 250 000 euros ;

Vu l'ordonnance du 2 octobre 2012 rouvrant l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 8 octobre 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 26 octobre 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2005-1768 du 30 décembre 2005, notamment son article 7 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Jacqueminet, avocat de Mme A...B..., et de Me Fitoussi, avocat de l'ONIAM ;

1. Considérant que Mme A...B..., née le 10 décembre 1985, a reçu en 1986 trois injections du vaccin " Tetracoq " ; que dans les jours suivant la troisième injection, une tuméfaction est apparue ; qu'une biopsie effectuée le 22 octobre 1986 a conduit à poser le diagnostic d'une histiocytose langerhansienne ; que différents traitements ont été tentés sans efficacité contre cette maladie, dont l'évolution a été marquée par de nombreuses rechutes et a entraîné, pour l'intéressée, des séquelles définitives ; que, par une décision du 19 novembre 2010, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a rejeté la réclamation indemnitaire présentée par Mme A...B...; que l'ONIAM fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à l'intéressée une indemnité de 132 000 euros ; que, par la voie de l'appel incident, celle-ci demande une augmentation de l'indemnité allouée ;

Sur le principe de l'indemnisation par l'ONIAM des préjudices de Mme A... B... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...B..., née le 10 décembre 1985, a reçu, les 11 avril, 10 mai et 7 juin 1986, trois injections du vaccin " Tetracoq " contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche ; que dans les quinze jours qui ont suivi la dernière injection sous-cutanée est apparue, sur le même site, une tuméfaction douloureuse inflammatoire, d'augmentation progressive, assez volumineuse et que, parallèlement ont été constatées des lésions cutanées vésiculo-éruptives au niveau des plis inguinaux, axillaires, rétro-auriculaires et du cuir chevelu ; qu'elle a été admise le 9 octobre 1986 au centre hospitalier de Sens puis dans un hôpital dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, où des biopsies cutanées pratiquées les 22 octobre et 4 novembre 1986 ont montré l'existence d'une atteinte pulmonaire, avec une forte proportion de cellules langerhansiennes ; que le diagnostic d'une forme systémique d'histiocytose langerhansienne, maladie réactionnelle du système immunitaire, a par la suite été posé ;

4. Considérant que selon le rapport du 21 septembre 2009 des deux experts désignés par l'ONIAM, dont ils ont confirmé les conclusions dans un rapport complémentaire du 8 avril 2010, " en raison de l'absence de toute pathologie avant la vaccination et [de] l'apparition des lésions après la troisième injection " du vaccin, l'histiocytose langerhansienne dont est atteinte Mme A... B..." est totalement imputable " à cette vaccination ; que si les experts se sont fondés notamment sur un certificat médical établi par l'un des médecins du service d'hématologie et d'oncologie pédiatrique de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, spécialistes des histiocytoses, ayant suivi Mme A...B..., cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause le bien-fondé de leurs conclusions ;

5. Considérant que, même si, en l'état des connaissances scientifiques, il n'existe pas de certitude quant à l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la vaccination obligatoire subie par Mme A... B...et l'histiocytose langerhansienne dont elle est atteinte, l'intéressée était en bonne santé et ne présentait aucune pathologie avant sa vaccination et qu'un bref délai s'est écoulé entre la dernière injection du vaccin et les premières manifestations de la maladie ; que, dès lors, l'imputabilité à cette vaccination obligatoire de l'histiocytose langerhansienne dont souffre Mme A... B...doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme établie ; que, par suite, la réparation des préjudices qui en résultent incombe à l'ONIAM, en application des dispositions précitées de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne l'incidence scolaire et professionnelle :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de la pathologie dont elle est atteinte depuis sa prime enfance, la scolarité de Mme A... B...a été fortement perturbée, qu'elle n'a pu obtenir le brevet des collèges et que, si elle n'est pas inapte à toute activité professionnelle, sa capacité d'intégration dans le monde du travail reste définitivement limitée ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de l'incidence scolaire et professionnelle qu'elle subit en fixant à 50 000 euros l'indemnité qui lui est due ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

7. Considérant que le tribunal administratif a évalué à 102 000 euros les préjudices personnels de Mme A...B... ; que, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, cette évaluation doit être confirmée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... B...est seulement fondée à demander que l'indemnité que, par le jugement attaqué, l'ONIAM a été condamné à lui verser, soit portée à 152 000 euros ; que l'ONIAM n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, à être mis hors de cause ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le paiement à Mme A... B...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 132 000 euros que, par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 9 février 2012, l'ONIAM a été condamné à payer à Mme A...B..., est portée à 152 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 9 février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme A... B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. D...etF..., présidents-assesseurs,

MM. E...et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 février 2013.

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N° 12LY00954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 12LY00954
Date de la décision : 14/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SAINT YVES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-14;12ly00954 ?
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