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14/02/2013 | FRANCE | N°12LY00952

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 février 2013, 12LY00952


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2012, présentée pour Mme G...I..., épouseH..., M. E...H..., M. F...H..., M. B...H...et Mlle K...H..., domiciliés lotissement Les Collonges, 21, chemin des Quatre Vents à Brignais (69530), Mme C...H..., épouseA..., domiciliée..., Mme L... H...et Mme M...I..., domiciliées chez M.J..., à Tadjerouine (Tunisie, 7150) ;

Mme H... et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007315 du 24 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité les indemnités mises à la charge des Hospices civils de Lyon

à 5 000 euros en réparation du préjudice subi par Mme G...H...et M. E...H.....

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2012, présentée pour Mme G...I..., épouseH..., M. E...H..., M. F...H..., M. B...H...et Mlle K...H..., domiciliés lotissement Les Collonges, 21, chemin des Quatre Vents à Brignais (69530), Mme C...H..., épouseA..., domiciliée..., Mme L... H...et Mme M...I..., domiciliées chez M.J..., à Tadjerouine (Tunisie, 7150) ;

Mme H... et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007315 du 24 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité les indemnités mises à la charge des Hospices civils de Lyon à 5 000 euros en réparation du préjudice subi par Mme G...H...et M. E...H..., à 4 000 euros en réparation du préjudice subi par M. F...H..., M. B...H..., Mlle K... H...et Mme C...A..., et à 1 000 euros en réparation du préjudice subi par Mme L...H...et Mme M...I... ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à verser une somme de 50 000 euros à chacun des deux parents du jeune D...H..., de 25 000 euros à chacun de ses frères et soeurs, et de 12 500 euros à chacune de ses grands-mères, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 1 000 euros pour chacun des requérants, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de les condamner aux dépens ;

4°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

Ils soutiennent que :

- il appartenait au Tribunal, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal, de prendre en compte l'intégralité des fautes administratives commises, tout au long de la prise en charge du jeuneD... ;

- eu égard à l'importance des fautes commises et à leurs conséquences évidentes sur le décès du jeuneD..., l'absence d'intervention rapide sur l'appendicite aigüe ayant conduit à ce décès, c'est à tort que les premiers juges n'ont évalué qu'à 20 % l'ampleur de la perte de chance engendrée par ces fautes ;

- ils ont subi un préjudice moral du fait du décès de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2012, présenté pour les Hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête ;

Ils soutiennent que :

- dès lors qu'une appendicectomie comporte en elle-même des risques susceptibles d'entraîner le décès du patient, et que les chances de survie consécutive à une intervention chirurgicale s'avèrent étroitement liées à l'existence ou non d'antécédents médicaux, et alors que chacune des trois expertises judiciaires conduites dans le cadre de la procédure pénale a conclu à l'absence de signes clairs permettant de poser le diagnostic d'appendicite, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante de la perte de chance de survie du jeuneD..., eu égard à la pathologie d'origine génétique dont il était porteur, qui l'exposait à un risque de décès par arrêt cardiaque ;

- les indemnités demandées par les requérants sont excessives ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Barioz, avocat des consortsH... ;

1. Considérant que le jeune D...H..., alors âgé de 13 ans, qui souffrait de douleurs abdominales violentes avec irradiations dans les épaules, depuis la nuit du 12 au 13 avril 2001, a été hospitalisé, en urgence, le 13 avril, dans l'après-midi, au centre hospitalier Lyon-Sud, établissement dépendant des Hospices civils de Lyon, à l'initiative de son médecin traitant, qui sollicitait un avis chirurgical compte tenu d'un " tableau atypique " ; que durant son hospitalisation, il a bénéficié d'une échographie abdominale, d'une radiographie de l'abdomen sans préparation (ASP), d'un avis spécialisé chirurgical, et d'un bilan biologique ; qu'il a quitté cet établissement, le 15 avril, avec un diagnostic de gastro-entérite aigüe, sans traitement ; que, toutefois, le 17 avril, à la suite d'une nouvelle crise, avec réapparition d'un état fébrile et une distension abdominale, son médecin traitant a demandé une nouvelle hospitalisation d'urgence et D...a été admis, à 19 h, au service des urgences de l'hôpital Debrousse de Lyon, établissement dépendant également des Hospices civils de Lyon ; qu'après une nouvelle radiographie de l'abdomen sans préparation (ASP), ayant fait apparaître un syndrome occlusif majeur, et compte tenu d'un avis spécialisé chirurgical, il a été décidé de procéder à une nouvelle échographie le lendemain matin, laquelle a fait apparaître un épanchement péritonéal ; qu'une IRM abdominale, pratiquée après que l'enfant a présenté un malaise avec collapsus, a confirmé l'épanchement ; qu'après son transfert dans le service de réanimation, en état de choc, où l'indication opératoire a été posée par un chirurgien pédiatrique viscéral, le jeune D...a subi une intervention chirurgicale, qui a confirmé une péritonite appendiculaire, au cours de laquelle il a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire à l'induction anesthésique ; qu'après la reprise d'une activité cardiaque, il a été de nouveau victime d'un arrêt cardiaque, dans le service de réanimation, et il est décédé, à 17 h 30 ; que l'autopsie a révélé qu'il était porteur d'une dysplasie arythmogène du ventricule droit ; que des poursuites pénales, engagées par sa famille, ont conduit, après l'organisation de trois mesures d'expertises, à un jugement de relaxe des médecins poursuivis, prononcé par le Tribunal correctionnel de Lyon le 7 décembre 2009, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 2 février 2012 ; que les parents du jeuneD..., ses frères et soeurs et ses grands-mères ont demandé également l'indemnisation par les Hospices civils de Lyon du préjudice moral subi du fait du décès du jeuneD... ; qu'ils font appel du jugement du 24 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité les indemnités mises à la charge des Hospices civils de Lyon à 5 000 euros en réparation du préjudice subi par ses parents, Mme G...H...et M. E...H..., à 4 000 euros en réparation du préjudice subi par ses frères et soeurs, M. F...H..., M. B...H..., Mlle K... H...et Mme C...A..., et à 1 000 euros en réparation du préjudice subi par ses deux grands-mères, Mme L...H...et Mme M...I... ;

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

2. Considérant que l'autorité de la chose jugée par une juridiction répressive ne fait pas obstacle a ce que la juridiction administrative, saisie d'une demande de réparation contre un établissement public d'hospitalisation à la suite d'un accident médical, procède à la recherche des responsabilités sans être liée par les appréciations faites par la juridiction répressive en ce qui concerne les responsabilités pénales encourues du fait de cet accident par les personnes poursuivies ; qu'en l'espèce, les constatations du Tribunal correctionnel et de la Cour d'appel de Lyon, concernant le comportement des services dépendant des Hospices civils de Lyon n'emportent aucune considération qui s'impose au juge administratif en ce qui concerne cet établissement public, contre lequel les poursuites n'étaient pas engagées ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'absence de toucher rectal lors de l'hospitalisation du jeune D...à l'hôpital Lyon-Sud, relevé par l'un des collèges d'experts désignés par les magistrats du Tribunal de grande instance de Lyon, ne constitue pas, à lui seul, un comportement fautif du service, dès lors que, ainsi que l'a indiqué un autre de ces collèges, ce geste n'était plus, à la date des faits, un examen de routine pour faire le diagnostic d'une appendicite ; qu'il en est de même de l'absence de coelioscopie à visée diagnostique et éventuellement thérapeutique lors du même séjour ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise déposés, en mars 2004, avril 2005 et novembre 2007, par les trois collèges d'experts désignés par les magistrats du Tribunal de grande instance de Lyon, que si l'échographie et la diarrhée présentée par l'enfantD..., lorsqu'il était hospitalisé dans les services de l'hôpital Lyon-Sud, pouvaient aller à l'encontre du diagnostic d'appendicite, sans cependant l'éliminer, le niveau de la CRP (protéine c-réactive), qui avait doublé en douze heures pour atteindre un niveau très élevé et inhabituel dans les gastro-entérites, et alors que le jeune patient était atteint d'une remontée de fièvre et que l'hyperleucocytose persistait, aurait dû alerter les services et conduire à la réalisation d'examens complémentaires et à la sollicitation d'un avis chirurgical pédiatrique, qui auraient probablement permis que le diagnostic et, donc, l'indication opératoire, soient posés à ce moment ; qu'ainsi, en permettant la sortie de l'enfant sans avoir prescrit l'ensemble des mesures qui auraient permis de poser le bon diagnostic de l'état de santé de l'enfant, les services de l'hôpital Lyon-Sud ont commis une faute qui a été à l'origine d'un retard dans l'établissement du diagnostic et, par suite, dans la mise en place de l'intervention chirurgicale que requérait son état de santé ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte également de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise mentionnés au point 4 ci-dessus, qu'alors que l'état du jeuneD..., hospitalisé, dans la soirée du 17 avril 2001, à l'hôpital Debrousse, était caractérisé par une altération de son état et un tableau clinique associant une fièvre à 39 degrés, une CRP à 293 mg/L, des douleurs abdominales, de multiples niveaux hydro-aériques sur l'ASP, qui était celui d'un syndrome occlusif fébrile avec déshydratation devant faire évoquer, chez un enfant non appendicectomisé, une péritonite appendiculaire, aucun avis chirurgical complémentaire auprès d'un chirurgien plus expérimenté n'a été sollicité par l'interne en chirurgie ni par le réanimateur pédiatrique qui ont examiné l'enfant, et aucune demande de réalisation en urgence d'une nouvelle échographie, qui aurait, selon toute probabilité, permis de poser le diagnostic de péritonite, n'a été présentée, alors qu'une nouvelle dégradation de l'état clinique de l'enfant ne s'est manifestée que douze heures plus tard ; que les services de l'hôpital Debrousse ont également commis une faute, en s'abstenant de prescrire les mesures qu'impliquaient l'état de santé de l'enfant, qui a augmenté le retard d'établissement du diagnostic et, par suite, de l'intervention chirurgicale, pratiquée, au demeurant, plus de quatre heures après le moment auquel une échographie avait été prescrite, le matin du 18 avril, après une IRM dont la nécessité pouvait être discutée, sans toutefois que le délai résultant de ce dernier examen n'ait modifié la situation de santé de l'enfant ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte encore de l'instruction qu'en raison du retard à poser le diagnostic de péritonite, l'intervention chirurgicale que rendait nécessaire la pathologie que présentait le jeune D...a été pratiquée alors que l'enfant se trouvait dans un état d'une telle gravité qu'il l'exposait, en dehors même de sa pathologie cardiaque, à des risques importants de décès ; que s'il n'est pas certain, en l'espèce, compte tenu de la dysplasie arythmogène du ventricule droit que présentait l'enfant, ladite cardiopathie ventriculaire pouvant être la cause de morts subites, notamment sous l'influence d'un facteur infectieux, que le décès du jeune D...aurait pu être évité même en cas d'intervention chirurgicale plus précoce, il n'est pas davantage établi avec certitude que cette cardiopathie aurait nécessairement entraîné le décès de cet enfant si une telle intervention avait été pratiquée plus tôt, avant l'apparition des troubles métaboliques et du choc septique que présentait le patient lors de l'intervention du 18 avril 2001 ; que dans ces conditions, le retard fautif a fait perdre à D...H...une chance de survie ; qu'eu égard, en particulier, au risque important de mortalité que présentait l'enfant, compte tenu de son tableau clinique, lorsqu'il a été soumis à une anesthésie, évalué par les experts désignés par le juge judiciaire à plus de 50 %, en dehors même de toute pathologie cardiaque, il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance à 40 % et de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la réparation de cette fraction du préjudice moral subi par les requérants ; que ces derniers sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a limité à 20 % la perte de chance de survie du jeuneD... ;

Sur le préjudice des requérants :

7. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents, les frères et soeurs et les grands-mères de D...H...à raison du décès de ce dernier en les évaluant à 20 000 euros pour ses parents, 10 000 euros pour ses frères et soeurs, et 3 000 euros pour ses grands-mères, résidant en Tunisie ; qu'il y a ainsi lieu, compte tenu de la fraction de 40 % définie au point 6, de condamner les Hospices civils de Lyon à verser, respectivement, 8 000 euros chacun à Mme G...H...et M. E...H..., 4 000 euros chacun à M. F...H..., M. B...H..., Mlle K... H...et Mme C...A..., et 1 200 euros chacune à Mme L...H...et Mme M...I...; qu'ainsi que le demandent les requérants, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a limité les indemnités mises à la charge des Hospices civils de Lyon à 5 000 euros en réparation du préjudice subi par Mme G...H...et M. E...H...et à 1 000 euros en réparation du préjudice subi par Mme L...H...et Mme M...I... ;

Sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

Sur les dépens :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la contribution pour l'aide juridique acquittée par les requérants doit être mise à la charge des Hospices civils de Lyon ;

11. Considérant que, selon l'article L. 11 du code de justice administrative, les décisions des juridictions administratives sont exécutoires ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire du présent arrêt ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser, respectivement, 8 000 euros chacun à Mme G...H...et M. E...H..., 4 000 euros chacun à M. F...H..., M. B...H..., Mlle K... H...et Mme C...A..., et 1 200 euros chacune à Mme L... H...et Mme M...I..., avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement n° 1007315 du 24 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront la somme globale de 1 500 euros aux consorts H...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par les consorts H...est mise à la charge des Hospices civils de Lyon.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts H...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...H..., M. E...H..., M. F...H..., M. B...H..., Mlle K...H..., Mme C...A..., Mme L...H..., Mme M...I..., aux Hospices civils de Lyon et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2013.

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N° 12LY00952

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00952
Date de la décision : 14/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : GIUDICELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-14;12ly00952 ?
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