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31/01/2013 | FRANCE | N°12LY02318

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 12LY02318


Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, présentée pour la société Henkel Technologies France dont le siège social est 161 rue de Silly à Boulogne-Billancourt (91200) ;

La société Henkel Technologies France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102906 du 28 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 avril 2011 par laquelle l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de licenciement pour motif économique de M. Joël Jeaunet, ensemble la décision confirmative du m

inistre du travail du 3 novembre 2011 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le...

Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, présentée pour la société Henkel Technologies France dont le siège social est 161 rue de Silly à Boulogne-Billancourt (91200) ;

La société Henkel Technologies France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102906 du 28 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 avril 2011 par laquelle l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de licenciement pour motif économique de M. Joël Jeaunet, ensemble la décision confirmative du ministre du travail du 3 novembre 2011 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de M. Jeaunet, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de M. Jeaunet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- que la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique eu égard au contexte de difficultés ayant affecté le marché de l'automobile et à la baisse de production qu'il a entraîné pour l'ensemble du site de Cosne-sur-Loire ; que le motif économique à l'origine de la demande d'autorisation de licenciement de M. Jeaunet a déjà été admis dans le cadre de procédures de licenciement d'autres salariés protégés appartenant au même établissement ;

- qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement en proposant un poste de magasinier qui comportait le même niveau de salaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 13 novembre 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 7 décembre 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2012, présenté pour M. Joël Jeaunet qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Henkel Technologies France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que les décisions en litige sont suffisamment motivées ;

- que la société Henkel Technologies France ne justifie pas que la mesure de fermeture du site de production et des laboratoires situés sur le site de Cosne-sur-Loire répond à la nécessité de sauvegarder la compétitivité dans le secteur d'activité concerné au niveau du groupe Henkel ;

- que les premiers juges ont pu se dispenser de se prononcer sur le moyen ayant trait aux efforts de reclassement dès lors qu'ils ont estimé que la demande d'autorisation de licenciement ne répondait pas à un motif économique ; qu'au demeurant la société Henkel Technologie France ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de reclassement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 ;

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant que par décision du 22 avril 2011, l'inspecteur du travail a refusé à la société Henkel Technologies France l'autorisation de licencier pour motif économique M. Jeaunet représentant syndical au comité d'établissement de Cosne-sur-Loire, représentant syndical au comité central d'établissement, délégué syndical de l'établissement, représentant syndical, membre titulaire au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et délégué du personnel titulaire ; que, sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, par décision du 3 novembre 2011, a confirmé la décision de l'inspecteur du travail ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la société Henkel Technologies France tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, que les décisions en litige, qui visent les dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif économique, procèdent à une analyse des difficultés économiques de la société requérante et du groupe auquel elle appartient et font état des efforts de reclassement dans l'entreprise et au niveau du groupe, sont suffisamment motivées ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe, dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause, sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles qui ont leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Henkel Technologies France, spécialisée dans l'assemblage et le traitement de surface, appartient à la branche " technologies industrielles " du groupe Henkel ; qu'elle comporte un site de production à Villefranche-sur-Saône, un centre de distribution à Verneuil, un bureau commercial à Toulouse, un site administratif et commercial à Serris, ainsi que deux laboratoires à Cosne-sur-Loire auxquels le poste de travail de M. Jeaunet est rattaché ; qu'elle a mis en oeuvre un plan social en 2007 puis a fermé en 2009 le site de production de Cosne-sur-Loire et certains laboratoires de chimie qui y étaient associés ; qu'à l'appui de la demande qu'elle a présentée en vue d'être autorisée à licencier M. Jeaunet la société Henkel Technologies France a produit un document intitulé " Projet de transfert des activités de gestion support technique clients MPT et du laboratoire d'analyse du site de Cosne-sur-Loire " du 3 septembre 2010 ; que ce document, qui expose les raisons ayant présidé à la fermeture de ces laboratoires, précise, d'une part, que les activités pour la branche automobile (AT), dont les marges brutes sont très faibles, doivent être développées en " low cost ", alors que les activités de la branche technologie industrielle générale (AG), dont les marges sont élevées, peuvent être traitées par des services locaux et que les activités du laboratoire analytique, considérées comme non stratégiques, peuvent être sous-traitées, et, d'autre part, que si la branche technologie industrielle pour la France connait une baisse du chiffre d'affaires en 2009 par rapport à l'année 2008, contribuant à une baisse importante de la marge pour l'ensemble des activités de Henkel France, les résultats économiques devraient être positifs en 2010 et se redresser notamment pour la branche AT ; qu'aucun des éléments de nature économique dont fait état ce document, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent d'établir que la mesure de fermeture des laboratoires situés sur le site de Cosne-sur-Loire répond à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la branche d'activité " technologie industrielle " au niveau du groupe Henkel ; que par suite, la société requérante n'établit pas la réalité, à la date des décisions en litige, du motif économique propre à justifier le licenciement de M. Jeaunet ;

5. Considérant, enfin, que la circonstance que l'inspecteur du travail a pu précédemment autoriser la société requérante à licencier pour motif économique d'autres salariés reste, par elle-même, sans incidence sur la légalité des décisions en litige, qui doit s'apprécier en fonction de la situation existant à la date à laquelle elles ont, respectivement, été prises ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Henkel Technologies France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement de M. Jeaunet, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par M. Jeaunet sur le fondement du même article et de mettre à la charge de la société Henkel Technologie France la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Henkel Technologies France est rejetée.

Article 2 : La société Henkel Technologies France versera à M. Jeaunet la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Henkel Technologies France, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. Joël Jeaunet.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2013.

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N° 12LY02318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02318
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACTANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-31;12ly02318 ?
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