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31/01/2013 | FRANCE | N°12LY01321

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 12LY01321


Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2012, présentée pour M. D... C..., domicilié... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000029 du 6 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2009 par laquelle l'inspectrice du travail de la Haute-Savoie a accordé à la société Meister France l'autorisation de le licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'ar

ticle L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la décision autori...

Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2012, présentée pour M. D... C..., domicilié... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000029 du 6 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2009 par laquelle l'inspectrice du travail de la Haute-Savoie a accordé à la société Meister France l'autorisation de le licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la décision autorisant son licenciement est insuffisamment motivée ;

- que l'inspecteur du travail a méconnu le caractère contradictoire de l'enquête affirmé à l'article R. 2421-4 du code travail dès lors que, comme le fait apparaître la décision en litige, il a reçu communication de pièces économiques complémentaires de la société Meister France le 5 novembre 2009 ;

- que la demande d'autorisation de licenciement a été présentée au-delà du délai de 15 jours prévu à l'article R. 2421-10 du code du travail ;

- que contrairement à ce que prévoit les dispositions de l'article R. 2421-13 du code du travail la société Meister France n'a pas joint à la demande d'autorisation de licenciement la copie de la notification du projet de licenciement adressé à l'autorité administrative ;

- que l'inspectrice du travail n'a pas contrôlé l'application qui a été faite des critères de licenciement ;

- que l'inspectrice du travail a méconnu le délai de 15 jours prévus à l'article R. 2421-4 du code du travail ;

- que l'inspectrice du travail a commis une erreur d'appréciation en considérant que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Meister France répondait à un motif économique ;

- que la société Meister France n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la décision autorisant le licenciement de M. C...est suffisamment motivée ;

- que l'inspectrice du travail a pleinement respecté le caractère contradictoire de l'enquête ;

- que le délai de 15 jours prévu à l'article R. 2421-10 du code du travail n'est pas prescrit à peine de nullité ;

- que l'autorité administrative a eu communication du projet de licenciement qui avait été précédemment adressé à l'unité territoriale de Haute-Savoie le 4 mai 2009 ;

- que la société Meister France a satisfait à son obligation de reclassement ;

- qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de vérifier sa conformité par rapport à l'ordre des licenciements ;

- que le requérant ne justifie pas d'une refacturation de son salaire à la société Meister Belgique et n'est donc pas fondé à contester la réalité du motif économique ayant justifié l'autorisation de le licencier ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté pour M.C..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2012, présenté pour la société Poppe + Potthoff Scionzier, venant aux droits de la société Meister France, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Balestas, avocat de M. C...et de Me Delmotte- Clausse, avocat de la société Poppe + Potthoff Scionzier ;

1. Considérant que le 5 novembre 2009, l'inspectrice du travail de la Haute-Savoie a accordé à la société Meister France l'autorisation de licencier M. C..., membre suppléant de la délégation unique du personnel ; que celui-ci fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant que, lorsque le licenciement d'un salarié protégé est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions qu'il exerce normalement, ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif à caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise, y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou en cas de liquidation judiciaire, au regard des perspectives de reprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant, en premier lieu, que selon l'article R. 2421-12 du code du travail, la décision par laquelle l'inspecteur du travail se prononce sur la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit être motivée ; qu'en l'espèce, la décision en litige vise les dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif économique, procède à une analyse des difficultés économiques de la société Meister France et du groupe auquel elle appartient, fait état des efforts de reclassement dans l'entreprise et au niveau du groupe et précise que la demande d'autorisation est sans lien avec le mandat détenu par M. C... ; qu'ainsi, elle est suffisamment motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des articles R. 2421-10 et R. 2421-11 du code du travail, la demande d'autorisation de licenciement doit, dans un délai de quinze jours suivant l'avis émis par le comité d'entreprise au sujet du licenciement envisagé, être présentée à l'inspecteur du travail qui dispose, à compter de sa réception, du même délai pour statuer sur cette demande ; que ces délais ne sont toutefois pas prescrits à peine de nullité ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, le comité d'entreprise a donné son avis sur la mesure de licenciement envisagée à l'encontre de M. C... le 29 septembre 2009 et que la demande d'autorisation de licenciement concernant ce salarié a été reçue le 20 octobre 2009 par l'inspectrice du travail qui a accordé l'autorisation sollicitée le 5 novembre suivant ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le léger dépassement des délais prévus par les dispositions susrappelées des articles R. 2421-10 et R. 2421-11 du code du travail n'a pas entaché d'irrégularité la décision autorisant son licenciement ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. C...soutient que contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 2421-13 du code du travail, la société Meister France n'avait pas joint à sa demande d'autorisation de licenciement la copie de la notification du projet de licenciement adressée à l'autorité administrative en application de l'article L. 1233-46 de ce code ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que cette société avait procédé à cette notification par lettre recommandée reçue par le service de l'unité territoriale de l'administration du travail de Haute-Savoie le 4 mai 2009 et que l'inspectrice du travail a reçu, à la date de la décision en litige, ce document dans le cadre d'une communication interne au service ; que, par suite, la circonstance que, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 2421-13 du code du travail, la notification du projet de licenciement n'était pas jointe à la demande d'autorisation de licenciement, n'a pas en l'espèce été de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'édiction de la décision autorisant le licenciement de M.C... ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire (...) " ; que M. C... soutient que l'inspectrice du travail a méconnu le caractère contradictoire de l'enquête à laquelle elle a procédé, dès lors qu'elle s'est prononcée au vu de pièces qui ont été transmises par la société Meister France le 5 novembre 2009 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir reçu le 20 octobre 2009 la demande d'autorisation de licenciement, l'inspectrice du travail a recueilli les observations de M.C... et de son employeur au cours d'un entretien tenu le 3 novembre 2009 ; qu'il n'est pas contesté qu'au cours de cet entretien M. C... a pu faire connaître ses observations concernant en particulier les éléments relatifs à la réalité de la situation économique de la société Meister France ainsi que du groupe auquel elle appartient ; que, postérieurement à cet entretien, l'inspectrice du travail a reçu communication, à sa demande, d'éléments économiques présentant une simple actualisation des données dont elle disposait ; que cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir que l'enquête n'aurait pas revêtu, en l'espèce, un caractère contradictoire ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que M. C...soutient que l'inspectrice du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant que la demande présentée par la société Meister France en vue d'être autorisée à le licencier ne répondait pas à un motif économique ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la situation de la société Meister France, sous-traitante de l'industrie automobile a été, comme celle des autres entreprises du groupe auquel elle appartient, affectée par la crise de ce secteur à compter du mois de septembre 2008, qui s'est poursuivie et approfondie au cours de l'année 2009 ; qu'ainsi, la réalité du motif économique du licenciement est établie ; que si le requérant fait valoir que sa rémunération était refacturée par la société Meister France à une autre société du groupe installée en Belgique, alors que tel ne sera pas le cas de la rémunération du salarié appelé à reprendre les tâches qu'il effectuait, ces allégations ne sont assorties d'aucune justification ;

9. Considérant, en sixième lieu que M. C...soutient que la société Meister France n'a pas satisfait à son égard à son obligation de reclassement en raison, d'une part, de ce que les tâches qu'il effectuait dans le cadre de son poste de travail ont été reprises par un autre salarié qu'il avait formé pour le remplacer en cas d'absence et, d'autre part, de ce que son employeur n'aurait pas justifié avoir effectué des recherches de postes disponibles au niveau du groupe ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, la société Meister France affirme, sans être contredite, qu'elle a sollicité les autres entreprises du groupe en août 2009 et qu'elles ont toutes répondu qu'elles n'avaient pas de postes disponibles compte tenu des difficultés économiques auxquelles elles étaient elles-mêmes confrontées ; que, d'autre part, la circonstance que les tâches effectuées jusqu'alors par M. C...ont été reprises par un autre salarié de l'entreprise, qui a conservé en outre les tâches qu'il effectuaient auparavant, s'inscrit dans le cadre des mesures de réorganisation décidées par la société Meister France pour faire face aux difficultés économiques auxquelles elle était confrontée ; que cette circonstance est donc sans incidence quant à l'obligation de reclassement qui lui incombait ; qu'enfin, M. C...s'est vu proposer trois postes au sein de l'entreprise, constituant des offres sérieuses et individualisées, même si elles ne comportaient pas le même niveau de salaire, dès lors qu'il n'existait pas d'autre poste disponible au sein de l'entreprise ou dans les autres sociétés du groupe appartenant au même secteur d'activité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la société Meister France n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement doit être écarté ;

10. Considérant, enfin, qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code du travail définissant les critères relatifs à l'ordre des licenciements ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, au titre des mêmes dispositions, par la société Poppe + Potthoff Scionzier, venant aux droits de la société Meister France ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Poppe + Potthoff Scionzier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Poppe + Potthoff Scionzier.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. B...et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2013.

Le rapporteur,

G. PoitreauLe président,

J.-P. Clot

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 12LY01321

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01321
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BALESTAS et DETROYAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-31;12ly01321 ?
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