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31/01/2013 | FRANCE | N°12LY01320

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 12LY01320


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour la commune de Clarafond-Arcine (74270) ;

La commune de Clarafond-Arcine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804225 du 15 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser la somme de 62 000 euros à M. et Mme D... en réparation de leurs préjudices ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme D... devant le tribunal administratif, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Autoroutes et Tu

nnel du Mont-Blanc (ATMB) à la garantir des condamnations qui pourraient être pron...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour la commune de Clarafond-Arcine (74270) ;

La commune de Clarafond-Arcine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804225 du 15 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser la somme de 62 000 euros à M. et Mme D... en réparation de leurs préjudices ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme D... devant le tribunal administratif, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB) à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande présentée par M. et Mme D...était irrecevable, comme dépourvue de moyens ; que si le Tribunal a cru pouvoir soulever d'office le moyen tiré de la responsabilité sans faute eu égard à la qualité de tiers des intéressés par rapport au Parnant, il aurait dû en aviser les parties ; que c'est à tort que le Tribunal a considéré que le Parnant pouvait être regardé comme un ouvrage public ; que dans la mesure où le Tribunal a considéré que sa responsabilité pouvait être engagée, il devait faire droit à sa demande tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée afin de pouvoir mettre en évidence le lien entre les conditions de construction de la maison de M. et Mme D...et les désordres dont elle est affectée ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'elle a autorisé l'utilisation de son réseau de collecte pour l'évacuation des eaux de ruissellement provenant de l'autoroute ; que, dès lors que l'expert avait conclu à une part de responsabilité de la société ATMB à hauteur de 54 %, le Tribunal ne pouvait pas rejeter entièrement ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre cette société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2012, présenté pour la société Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB) qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Clarafond-Arcine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande de M. et Mme D...était irrecevable faute de préciser le fondement juridique sur lequel elle repose ; que, par voie de conséquence, l'appel en garantie formé à son encontre devait être rejeté ; que cet appel en garantie, faute de préciser le fondement juridique sur lequel il repose, est lui-même irrecevable ; que l'unique cause du sinistre affectant la maison de M. et Mme D...réside dans le fait que les travaux préconisés entre 2001 et 2003 pour mettre fin aux désordres n'ont pas été effectués ; qu'à la date à laquelle la construction de la maison a été autorisée, l'autoroute A 40 était déjà exploitée et la collecte des eaux provenant de l'autoroute dans le bassin versant du Parnant avait été autorisée conformément à la réglementation ; que le lieu d'implantation de la maison, compte tenu de la forte déclivité du terrain, comportait en lui-même un risque ; que le mauvais entretien du Parnant est à l'origine de la déstabilisation de ses berges ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2012, présenté pour M. et Mme D..., domiciliés..., qui concluent :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a refusé de condamner la commune de Clarafond-Arcine à leur verser une indemnité de 235 000 euros correspondant au coût des travaux de confortement prévus dans le rapport d'expertise et en tant qu'il a limité au montant de 10 000 euros l'indemnité que la commune a été condamnée à leur verser en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence ;

2°) à la condamnation de la commune de Clarafond-Arcine à leur verser une indemnité de 235 000 euros correspondant au coût des travaux de confortement prévus dans le rapport d'expertise, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice correspondant aux troubles dans leurs conditions d'existence ;

3°) à titre subsidiaire, en cas de rejet de leurs conclusions tendant à ce que la commune leur verse la somme de 235 000 euros, à ce que la Cour fasse usage de ses pouvoirs d'injonction à l'égard de la commune ;

4°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Clarafond-Arcine en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que c'est à bon droit que les premiers juges ont interprété leurs écritures comme tendant à la condamnation de la commune sur le fondement des dommages de travaux publics eu égard à leur qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public à l'origine de leurs préjudices ;

- que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif met en évidence le lien de causalité entre le busage du ruisseau en amont de leur propriété et les dommages subis par leur maison d'habitation ;

- que l'indemnité accordée par les premiers juges au titre des troubles qu'ils subissent dans leurs conditions d'existence est insuffisante dès lors qu'ils sont privés de leur maison depuis plusieurs années ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tousset, avocat de la commune de Clarafond-Arcine et de Me B... substituant Me Peters, avocat de la société ATMB ;

1. Considérant qu'en vertu d'un permis de construire qui leur a été accordé par le maire de Clarafond-Arcine (Haute-Savoie) le 28 juillet 1983, M. et Mme D...ont fait édifier une maison d'habitation sur un terrain en pente, en contrebas duquel coule le ruisseau Le Parnant ; qu'en 2003, un glissement de terrain a causé des désordres à leur maison ; que la commune de Clarafond-Arcine fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à M. et Mme D...la somme de 162 000 euros en réparation de leurs préjudices et a rejeté les conclusions de son appel en garantie à l'encontre de la société Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB) ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme D...demandent la réformation du même jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que dans leur demande devant le Tribunal administratif de Grenoble, M. et MmeD..., qui ont décrit leur situation de tiers, victimes des dommages qu'ils ont attribués au fonctionnement de l'ouvrage que constitue le ruisseau Le Parnant, ont nécessairement entendu invoquer la responsabilité sans faute de la commune ; que, dès lors, cette demande comportait l'exposé de moyens, comme l'exige l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que le Tribunal, qui n'a soulevé d'office aucun moyen, n'était donc pas tenu de mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qui imposent d'informer les parties lorsque la décision paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la commune de Clarafond-Arcine, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur le principe de la responsabilité de la commune :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble, que le ruisseau Le Parnant, qui recueille les eaux pluviales de la commune de Clarafond-Arcine, a fait l'objet de la pose de buses en amont de la propriété de M. et MmeD..., qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public que constitue ce ruisseau ainsi aménagé ; que l'expert a relevé que l'écoulement du Parnant, dont le débit a été accru du fait de cet aménagement, est à l'origine des désordres causés à cette propriété ; qu'il a écarté toute autre cause dans la survenance des dommages subis par les intéressés, et notamment la sécheresse de l'année 2003 ; que, dès lors, l'existence d'un lien de causalité entre les désordres subis par cette maison et le fonctionnement du Parnant étant établi, la commune de Clarafond-Arcine doit réparer le dommage ;

4. Considérant que l'expert a expressément écarté, comme cause des désordres, les malfaçons ou le sous-dimensionnement des fondations de la maison de M. et MmeD... ; que si cet immeuble a été édifié 72 cm plus près de la berge du Parnant par rapport à l'implantation autorisée par le permis de construire, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance soit, même pour partie, à l'origine des désordres qui l'affectent ; que, dès lors, la commune n'est pas fondée à invoquer, pour s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe, la faute de la victime ; que la commune ne peut utilement se prévaloir du fait du tiers en imputant la cause des désordres à la faute résultant, selon elle, de la carence du préfet de la Haute-Savoie dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 215-7 du code de l'environnement ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, la commune doit être condamnée à réparer l'entier préjudice de M. et Mme D...;

Sur les préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme D...demandent que la commune de Clarafond-Arcine soit condamnée à leur verser une somme de 235 000 euros correspondant au coût des travaux préconisés par l'expert pour conforter les berges du Parnant par la mise en place de gabions ; que, la réalisation de ces travaux ne leur incombant pas, ils ne sauraient bénéficier d'une indemnité à ce titre ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que la maison d'habitation de M. et Mme D...est affectée de nombreuses fissures tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ; que les travaux nécessaires à la reprise des fondations et de la structure de cette maison ont été évalués à la somme non contestée de 152 000 euros ; que, compte tenu de l'usage de ces fondations, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté ;

7. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction qu'en raison des risques auxquels ils se sont trouvés exposés du fait des désordres dont était affectée leur maison, M. et Mme D... ont été contraints de la quitter en vertu d'un arrêté municipal du 29 septembre 2008 ; qu'eu égard à la durée de cette privation totale de jouissance, il sera fait une juste appréciation des troubles dans leurs conditions d'existence en portant de 10 000 euros à 50 000 euros la somme qui leur a été allouée en première instance ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Clarafond-Arcine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à indemniser M. et MmeD... ; que ceux-ci sont seulement fondés à demander que l'indemnité de 162 000 euros que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune à leur verser soit portée à 202 000 euros ;

Sur l'appel en garantie par la commune de Clarafond-Arcine de la société ATMB :

9. Considérant que la commune soutient que la construction de l'autoroute A 40 par la société ATMB a majoré les quantités d'eau se déversant dans Le Parnant et a ainsi participé, du fait de l'augmentation du débit de ce ruisseau, aux dommages subis par M. et Mme D...; qu'il résulte cependant de l'instruction que la mise en service de l'autoroute remonte à 1982, soit antérieurement à la date du permis de construire, autorisant la construction de leur maison, qui leur a été délivré le 28 juillet 1983 ; qu'à l'appui de ses conclusions d'appel en garantie la commune ne démontre, ni même n'allègue que la société ATMB aurait commis une faute ; qu'une telle faute ne saurait résulter du simple fait, mis en évidence par le rapport du sapiteur, que la construction de l'autoroute est à l'origine de l'extension du bassin versant du Parnant, alors qu'il appartenait à la commune d'adapter son réseau d'évacuation des eaux pluviales à cette extension ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Clarafond-Arcine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de son appel en garantie dirigées contre la société ATMB ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

12. Considérant que M. et Mme D...demandent à la Cour d'enjoindre à la commune de Clarafond-Arcine d'exécuter les travaux de confortement des berges du Parnant ; que, toutefois, le présent arrêt n'implique pas une telle mesure d'exécution ; que leurs conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Clarafond-Arcine le paiement à M. et Mme D...d'une somme de 1 500 euros et le paiement de la même somme à la société ATMB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions de la commune de Clarafond-Arcine, partie perdante dans la présente instance, tendant au bénéfice de ces dispositions, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Clarafond-Arcine est rejetée.

Article 2 : La somme de 162 000 euros que la commune de Clarafond-Arcine a été condamnée à verser à M. et Mme D...par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 mars 2012 est portée à 202 000 euros.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 mars 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : La commune de Clarafond-Arcine versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme D... et la même somme à la société ATMB au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme D...et les conclusions de la commune de Clarafond-Arcine sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Clarafond-Arcine, à M. et Mme D... et à la société Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. C...et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2013.

Le rapporteur,

G. PoitreauLe président,

J.-P. Clot

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 12LY01320 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01320
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL TOUSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-31;12ly01320 ?
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