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27/12/2012 | FRANCE | N°12LY01560

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2012, 12LY01560


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 21 juin 2012, présentée pour M. Rafael , domicilié à l'accueil de jour, 7 bis, rue Sainte-Rose à Clermont-Ferrand (63000) ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200389, du 22 mai 2012, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme, du 30 janvier 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel i

l pourrait être reconduit à l'issue de ce délai ;

2°) d'annuler, pour excès de p...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 21 juin 2012, présentée pour M. Rafael , domicilié à l'accueil de jour, 7 bis, rue Sainte-Rose à Clermont-Ferrand (63000) ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200389, du 22 mai 2012, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme, du 30 janvier 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à l'issue de ce délai ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que le jugement attaqué est irrégulier en raison d'une violation du principe du contradictoire commise par les premiers juges qui ne lui ont pas permis de disposer d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense du préfet du Puy-de-Dôme qui lui a été communiqué le 3 avril 2012, alors que l'instruction était close le 10 du même mois ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée est entachée d'une insuffisance de motivation quant aux éléments retenus par le préfet pour écarter l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé et alors que le préfet du Puy-de-Dôme ne lui a pas communiqué lesdits éléments servant de fondement à sa décision ; que l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé au vu duquel le préfet du Puy-de-Dôme s'est prononcé sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade est irrégulier en l'absence de précision quant à sa possibilité de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que si le préfet du Puy-de-Dôme considérait qu'un traitement médical approprié était disponible en Arménie, il lui appartenait de vérifier s'il pouvait voyager sans risque vers ce pays, ce qu'il n'a pas fait ; que le préfet du Puy-de-Dôme ne pouvait pas, par ailleurs, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, s'estimer en situation de compétence liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ; que le syndrome dépressif sévère dont il souffre n'est pas susceptible de bénéficier d'une prise en charge appropriée en Arménie et que le préfet du Puy-de-Dôme ne produit aucun justificatif propre à remettre en cause l'avis émis sur ce point par le médecin de l'Agence régionale de santé ni à justifier qu'il puisse voyager sans risque vers ce pays ; qu'en tout état de cause, les évènements traumatisants qu'il a vécus dans son pays s'opposent à ce qu'il puisse s'y faire soigner ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour méconnaît donc les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que son épouse, son fils et lui sont bien intégrés en France, où son fils est scolarisé ; que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît donc les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français à destination de l'Arménie qui lui est faite contrevient à la décision du juge judiciaire ayant refusé son extradition vers ce pays et méconnaît, en raison des persécutions subies du fait de sa situation d'opposant politique, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 21 août 2012, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée par le requérant ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée est régulièrement motivée ; qu'il n'avait pas à communiquer à M. l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique sur sa demande et que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peuvent pas être utilement invoquées à l'encontre d'une décision rejetant une demande de délivrance de titre de séjour ni d'une obligation de quitter le territoire français ; que dès lors qu'il considérait que le traitement médical requis n'existait pas dans le pays d'origine du demandeur, le médecin inspecteur de santé publique n'avait pas à se prononcer sur la possibilité pour l'intéressé de voyager sans risque vers ce pays et que l'avis rendu n'est donc pas entaché d'irrégularité ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur de droit ; que le requérant peut recevoir, en Arménie, les soins nécessaires à son état de santé et que les documents médicaux présentés comme établis par des structures arméniennes ne présentent aucune garantie d'authenticité ; que sa décision de refus de titre de séjour ne méconnaît donc pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et que la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de cette même convention ;

Vu la décision du 6 juillet 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

1. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , ressortissant arménien né le 7 décembre 1966 et entré irrégulièrement en France le 26 juin 2009, selon ses déclarations, a présenté, le 13 juillet 2011, une demande en vue de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, le conseiller médical interdisciplinaire auprès de l'agence régionale de santé d'Auvergne, consulté, a estimé, le 24 janvier 2012, que l'état de santé de M. nécessitait une prise en charge médicale pour une durée de douze mois, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays de l'intéressé pour sa prise en charge médicale ; que, toutefois, par arrêté du 30 janvier 2012, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de délivrer à M. le titre de séjour qu'il avait sollicité, en se fondant sur les informations en sa possession, émanant du médecin conseil de l'ambassade de France à Erevan, selon lesquelles le traitement nécessaire à M. existait en Arménie ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. est atteint de plusieurs pathologies ; que le lymphome hodgkinien dont il avait souffert par le passé était, à la date de la décision en litige, en rémission, cette maladie n'étant ni active ni évolutive ; que l'hépatite C dont il est porteur n'était pas active à la date de l'arrêté contesté ; qu'il ne soutient pas que l'hormone thyroïdienne de substitution qui doit désormais lui être administrée suite à l'ablation de sa thyroïde, le 3 mars 2010, ne serait pas disponible en Arménie ni que le suivi et le traitement de son hypertension artérielle ne seraient pas possibles dans ce pays ; qu'en revanche, il ressort des pièces médicales produites que M. souffre d'un syndrome dépressif sévère avec risque de passage à l'acte suicidaire, pour lequel il est régulièrement suivi par un psychiatre et prend un traitement psychotrope et qui a justifié son hospitalisation à plusieurs reprises lors d'épisodes de décompensation psychique sévère, et notamment une hospitalisation d'office du 2 au 26 juillet 2010 ; qu'à la date de l'arrêté en cause, son état psychique demeurait très précaire ; que, le préfet du Puy-de-Dôme produit copie d'un courriel du 12 décembre 2011, transmis par l'ambassade de France à Erevan et rédigé au vu des éléments recueillis par le médecin conseil de l'ambassade, qui fait état de l'existence, en Arménie, de structures hospitalières mais aussi de centres et de dispensaires ou de cabinets psychiatriques pour suivre et prendre en charge les malades psychiatriques ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. a fait l'objet d'une demande d'extradition de la part des autorités arméniennes pour l'exécution d'un reliquat d'un peu plus de 5 années d'une peine d'emprisonnement de 6 ans prononcée le 30 septembre 2008, par jugement du Tribunal pénal d'Erevan, pour des faits de trafic illicite de stupéfiants ; qu'incarcéré en Arménie, M. avait, pour raisons médicales, bénéficié d'une dispense d'exécution du reliquat de cette condamnation par décision d'un tribunal de droit commun de première instance qui a été annulée par arrêt de la Cour d'appel pénale de la République, confirmé par arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 2009 ; que, par arrêt rendu le 23 novembre 2010, la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Riom a émis un avis défavorable à la demande d'extradition, considérant en particulier qu'eu égard aux activités politiques exercées par l'intéressé, la motivation politique de sa condamnation n'était pas exclue et que sa remise aux autorités de son pays risquait d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour l'intéressé, compte tenu de son état de santé ; qu'il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances toutes particulières du cas d'espèce, compte tenu de l'incarcération probable et pour plusieurs années de M. en cas de retour dans son pays d'origine, et à supposer même que son état de santé, notamment psychique, soit compatible avec sa détention, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement médical approprié à son état de santé soit disponible en milieu carcéral, en Arménie ; que, par suite, et alors que le préfet du Puy-de-Dôme ne soutient pas que la présence de M. en France constituerait une menace pour l'ordre public, la situation de M. présente une circonstance humanitaire exceptionnelle qui justifie que lui soit délivré une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en conséquence, en lui refusant la délivrance de ce titre de séjour, par décision du 30 janvier 2012, le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu ces dispositions ; que cette décision de refus doit donc être annulée et qu'il en est de même, par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à M. de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

6. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 30 janvier 2012 du préfet du Puy-de-Dôme et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Puy-de-Dôme délivre le titre sollicité au requérant ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans l'attente de la délivrance de ce titre de séjour, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rauzier, avocat de M. , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de sept cents euros au profit de Me Rauzier, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200389 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 22 mai 2012, ensemble les décisions du 30 janvier 2012 du préfet du Puy-de-Dôme refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. , lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à M. une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de sept cents euros à Me, Rauzier, avocat de M. , en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rafael , au préfet du Puy-de-Dôme et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président de chambre,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2012.

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N° 12LY01560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01560
Date de la décision : 27/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : RAUZIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-27;12ly01560 ?
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