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13/12/2012 | FRANCE | N°12LY00536

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 12LY00536


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2012, présentée pour Mme Romana A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100694 du 21 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle elle a été admise en hospitalisation sur demande d'un tiers au centre hospitalier Henri-Mondor d'Aurillac le 27 août 2008, ensemble les décisions des 11 septembre, 11 octobre, 11 novembre, 11 décembre 2008 et 11 janvier, 11 février, 11 mars, 11 avril, 11 mai, 11 juin et 11

juillet 2009 par lesquelles elle a été maintenue en hospitalisation sur deman...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2012, présentée pour Mme Romana A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100694 du 21 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle elle a été admise en hospitalisation sur demande d'un tiers au centre hospitalier Henri-Mondor d'Aurillac le 27 août 2008, ensemble les décisions des 11 septembre, 11 octobre, 11 novembre, 11 décembre 2008 et 11 janvier, 11 février, 11 mars, 11 avril, 11 mai, 11 juin et 11 juillet 2009 par lesquelles elle a été maintenue en hospitalisation sur demande d'un tiers jusqu'au 21 juillet 2009 ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Henri-Mondor d'Aurillac le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les décisions en litige sont entachées d'incompétence, car n'émanant pas du directeur de l'établissement, comme l'exige l'article L. 3212-2 du code de la santé publique ;

- elle a été admise et maintenue à l'hôpital sans décision formellement écrite, en violation de l'article 5 paragraphe 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'a pas été informée des droits figurant à l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, notamment d'avoir accès aux services d'un avocat ou d'un médecin de son choix, n'ayant pas été associée à la décision d'admission directement ou par l'intermédiaire d'un représentant ;

- l'annulation de la décision d'admission entraînera celle des décisions de maintien ;

- les certificats des 8 septembre, 8 octobre, 7 novembre et 8 décembre 2008 ainsi que les certificats des 7 janvier, 6 février, 6 mars, 7 avril, 7 mai, 8 juin et 8 juillet 2009 n'indiquant pas avec précision en quoi les conditions d'hospitalisation seraient toujours réunies, les décisions de maintien à quinzaine correspondantes, qui sont contraires à l'article L. 3212-7 du code de la santé publique, seront annulées ;

Vu le courrier en date du 10 juillet 2012 par lequel, en application de l'article R. 612-13 du code de justice administrative, le centre hospitalier Henri Mondor d'Aurillac a été mis en demeure de présenter ses observations ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2012, présenté pour le centre hospitalier Henri-Mondor d'Aurillac, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'intéressée n'établit pas que les décisions en litige émaneraient d'une personne incompétente ;

- la décision d'hospitalisation n'a pas à être formalisée par écrit ni motivée ;

- le moyen tiré de la violation de l'article 5 paragraphe 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

- l'absence de notification de la décision est sans incidence sur sa légalité ;

- les formalités de l'article L. 3211-3 concernent exclusivement l'exécution de la décision d'admission et non l'édiction de cette décision, de telle sorte que le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant ;

- n'étant affectée d'aucune illégalité, la décision du 27 août 2008 ne saurait avoir pour conséquence d'entraîner l'annulation des décisions de maintien en hospitalisation ;

- l'illégalité des certificats de quinzaine et mensuels n'est pas établie ;

- les certificats des 8 octobre, 7 novembre et 8 décembre 2008 ainsi que les certificats des 7 janvier, 6 février, 6 mars, 7 avril, 7 mai et 8 juillet 2009 n'entrent pas dans le champ de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique ;

- les certificats des 8 septembre 2008 et 8 juin 2009 sont motivés de manière circonstanciée ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2012, présenté pour Mme A, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions ;

Elle soutient en outre que :

- les décisions d'admission et de maintien en hospitalisation émanent des seuls médecins et non du directeur de l'établissement ;

- faute d'avoir été avisée de son droit d'avoir accès à un avocat ou un médecin de son choix, elle n'a pu faire valoir ses droits au moment où les médecins ont décidé son maintien à l'hôpital ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2012, présenté pour le centre hospitalier Henri Mondor d'Aurillac qui conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que précédemment ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier Henri Mondor d'Aurillac ;

1. Considérant que sur demande d'un tiers, Mme A, née en 1927, a été hospitalisée le 27 août 2008 au centre hospitalier Henri Mondor d'Aurillac où elle a bénéficié d'une sortie d'essai à compter du 6 octobre 2008 prolongée jusqu'au 8 juin 2009, date à laquelle elle a été réintégrée dans le cadre de l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) jusqu'à la levée de ce régime le 21 juillet 2009 à l'initiative de sa famille ; que Mme A a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de la décision initiale du 27 août 2008 ainsi que des décisions subséquentes des 11 septembre, 11 octobre, 11 novembre et 11 décembre 2008 et 11 janvier, 11 février, 11 mars, 11 avril, 11 mai, 11 juin et 11 juillet 2009 qui, selon elle, l'ont maintenue à tort sous ce régime d'hospitalisation ; qu'elle fait appel du jugement du 21 décembre 2011 par lequel le Tribunal a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique dans sans rédaction alors applicable : " Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de cette hospitalisation, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée. Elle doit être informée dès l'admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits. En tout état de cause, elle dispose du droit : (...) 3° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix (...) " ; qu'aux termes de L. 3212-1 du même code : " Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d'un tiers que si : / 1° Ses troubles rendent impossible son consentement ; / 2° Son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. / La demande d'admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil. / Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. (...) Elle comporte les noms, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l'hospitalisation que de celle dont l'hospitalisation est demandée et l'indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s'il y a lieu, de leur degré de parenté. / La demande d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies. / Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d'un deuxième médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni des directeurs des établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, ni de la personne ayant demandé l'hospitalisation ou de la personne hospitalisée. " ; qu'aux termes de l'article L. 3212-2 de ce code : " Avant d'admettre une personne en hospitalisation sur demande d'un tiers, le directeur de l'établissement vérifie que la demande a été établie conformément aux dispositions de l'article L. 3212-1 ou de l'article L. 3212-3 et s'assure de l'identité de la personne pour laquelle l'hospitalisation est demandée et de celle de la personne qui demande l'hospitalisation (...) Il est fait mention de toutes les pièces produites dans le bulletin d'entrée. " ; que l'article L. 3212-7 dudit code ajoute que : " Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités. Le certificat médical est adressé aux autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 3212-8 ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 et selon les modalités prévues à ce même alinéa. Faute de production du certificat susvisé, la levée de l'hospitalisation est acquise " ;

Sur la légalité de la décision du 27 août 2008 :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision d'admission visée par l'article L. 3212-2 précité du code de la santé publique, qui n'a pas à être formalisée par écrit ni, par suite, à être motivée, est de la compétence du directeur de l'établissement ; que si, par un certificat dit " immédiat " du 27 août 2008, le médecin psychiatre de l'hôpital a indiqué que l'hospitalisation de Mme A sur demande d'un tiers était justifiée, l'hospitalisation de l'intéressée, faute pour celle-ci de démontrer que le directeur de l'établissement y était opposé, suffit à révéler la décision implicite prise par ce dernier le 27 août 2008 en faveur de son admission ; que, dès lors, la décision en litige n'est pas entachée d'incompétence ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe, et notamment pas de l'article 5 paragraphe 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il ressort que " toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation ", ou des dispositions précitées de l'article L. 3211- 3 du code de la santé publique, qui imposent d'informer le patient " dès l'admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits ", l'obligation d'énoncer par écrit les motifs de la décision d'admission ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de caractère écrit de la décision en litige ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en dernier lieu, que, même en la supposant établie, la circonstance que Mme A n'aurait pas été informée dès son admission de ses droits, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, notamment celui d'avoir accès au service d'un médecin ou d'un avocat, et des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

Sur la légalité des décisions de maintien ou réintégration en HDT :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A n'a été maintenue ou réintégrée en HDT que par des décisions des 11 septembre 2008, 11 juin et 11 juillet 2009 auxquelles correspondent les certificats des 8 septembre 2008, 8 juin et 8 juillet 2009, ayant bénéficié pour la période du 6 octobre 2008 au 8 juin 2009, de sorties d'essai régulièrement renouvelées ; qu'elle doit donc être regardée comme demandant seulement l'annulation des décisions des 11 septembre 2008, 11 juin et 11 juillet 2009 ;

7. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, la décision du directeur du centre hospitalier Henri Mondor d'Aurillac du 27 août 2008 prononçant l'admission de Mme A dans ses services à la demande d'un tiers n'est pas illégale ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les décisions subséquentes par lesquelles, en application de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique, elle a été maintenue en hospitalisation seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du 27 août 2008 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, par les décisions mentionnées ci-dessus des 11 septembre 2008, 11 juin et 11 juillet 2009, qui n'avaient pas à être formalisées par écrit, le directeur de l'hôpital n'aurait pas implicitement entendu maintenir ou réintégrer Mme A en HDT ; que, par suite, contrairement ce qu'elle soutient, ces décisions, qui n'émanent pas de médecins du centre hospitalier, ne sont pas entachées d'incompétence ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que les décisions en litige ne sont pas dans la forme écrite doit être écarté par les mêmes motifs que ceux indiqués au paragraphe 4 ci-dessus ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que si Mme A se plaint d'une violation des dispositions précitées de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté qu'elle a déclaré avoir pris connaissance de ses droits dans un document signé de sa main en date du 5 septembre 2008 ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les certificats des 8 septembre 2008, 8 juin et 11 juillet 2009, qui permettent en particulier de connaître la nature et l'évolution des troubles affectant l'intéressée et de savoir si la poursuite de son hospitalisation est nécessaire, sont suffisamment circonstanciés au sens de l'article L. 3212-7 précité du code de la santé publique ; que, dès lors, les décisions en litige ne sont, pas de ce fait, illégales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Romana A et au centre hospitalier Henri Mondor d'Aurillac.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.

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N° 12LY00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00536
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-01 Police administrative. Polices spéciales. Police des aliénés.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL MAYET ET PERRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-13;12ly00536 ?
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