Vu, I, sous le n° 11LY00504, la requête enregistrée le 22 février 2011, présentée pour le syndicat Groupement Lyonnais des Artisans Modernes (GLAM) dont le siège est 133 rue Garibaldi à Lyon (69003), le syndicat des magasins de boulangerie pâtisserie dont le siège est 2 rue de Châteaudun à Paris (75009), la fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie française dont le siège est 2 rue de Châteaudun à Paris (75009), la société pain Benoit sarl Zamla dont le siège est 37 avenue Saint Exupéry à Villeurbanne (69100), la société Lauralex dont le siège est 17 rue de la République à Meyzieu (69330), la société boulangerie Claude et compagnie dont le siège est 69 cours Charlemagne à Lyon (69002), la société pâtisserie de la Rose Sarl dont le siège est 7 rue Octavio Mey à Lyon (69005), et la société Pifral Sas dont le siège est 133 rue Garibaldi à Lyon (69003) ;
Le GLAM et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004573 du 7 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 13 juillet 2010 relatif à la fermeture hebdomadaire des établissements ou parties d'établissements vendant du pain dans le département du Rhône, a ordonné un supplément d'instruction ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la mesure d'instruction prescrite était inutile dès lors que le Tribunal a reconnu que les chiffres de représentativité retenus par le préfet étaient erronés et que la majorité des organisations représentatives de la profession n'était pas réunie lors du prétendu accord du 18 juin 2010 ;
- le Tribunal disposait de suffisamment d'éléments pour se prononcer ;
- le supplément d'instruction est contraire à l'article L. 3132-29 du code du travail en ce qu'il prescrit la consultation, non des syndicats représentatifs, mais des professionnels pris individuellement ;
- il est également illégal et contraire aux articles R. 611-1 et suivants du code de justice administrative en ce qu'il est confié au préfet ;
- les organisations favorables à l'ouverture 7 jours sur 7 étant majoritaires, l'arrêté en litige est dépourvu de base légale ;
- la méthodologie utilisée par le préfet pour estimer la représentativité est erronée ;
Vu le courrier en date du 8 juin 2011 par lequel le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a été mis en demeure, en application de l'article R. 612-13 du code de justice administrative, de présenter ses observations ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le Tribunal n'a pas estimé que les chiffres retenus étaient erronés ou imprécis, mais qu'il ne disposait pas de suffisamment d'informations pour apprécier la représentativité des signataires de l'accord ;
- en confiant l'instruction à la préfecture, les juges n'ont fait qu'appliquer la loi ;
- tous les moyens utiles peuvent être utilisés pour apprécier la représentativité des syndicats ;
- le fait que les syndicats requérants n'ont pas signé l'accord en cause ne suffit pas à établir que celui-ci n'exprimerait pas la volonté de la majorité indiscutable des professionnels concernés ;
- l'absence de représentativité des organisations signataires n'est pas démontrée ;
- il n'est pas établi qu'une majorité de commerçants était opposée à l'application de l'arrêté ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2012, présenté pour le GLAM et autres, qui concluent aux mêmes fins que le requête par les mêmes moyens et, en outre, à l'annulation par voie de conséquence du jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1004573 du 29 décembre 2011 et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent en outre que :
- l'accord du 18 juin 2010 n'a été signé que par 6 organisations patronales sur 15 qui représentent respectivement 505 établissements et 1 264 établissements ;
- le Tribunal n'avait aucune raison impartiale d'ordonner un supplément d'instruction ;
- seules les organisations syndicales sont compétentes pour formaliser l'accord préalable à l'édiction d'un arrêté ;
- les modalités de réalisation du supplément d'instruction, qui ordonne une consultation individuelle de chaque professionnel et non des syndicats, violent l'article L. 3132-29 du code du travail ;
- les chiffres utilisés par la préfecture pour établir une majorité sont erronés, des syndicats non concernés ayant été pris en compte, des erreurs dans la comptabilisation de la représentativité d'autres syndicats ayant été commises ;
- les organisations défavorables à l'accord étaient majoritaires ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- le supplément d'instruction était utile ;
- la nouvelle consultation effectuée par le préfet a permis d'apprécier l'opportunité de maintenir l'arrêté en litige ;
- le préfet peut utiliser tous les moyens utiles pour apprécier la majorité des organisations professionnelles et syndicales, y compris procéder à une consultation individuelle des établissements ;
- il n'y a pas eu violation du droit syndical ;
- rien ne permet d'affirmer que l'arrêté ne reposerait pas sur un accord majoritaire ;
- c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le seul moyen d'apprécier la majorité était celui d'une consultation établissement par établissement en faveur ou non d'une fermeture hebdomadaire ;
- l'arrêté est fondé sur un accord majoritaire représentant la majorité des établissements visés par la réglementation ;
Vu l'ordonnance du 27 juin 2012 par laquelle le président de la 6ème chambre a, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé au 27 juillet 2012 la date de clôture de l'instruction ;
Vu, II, sous le n°12LY00612, la requête enregistrée le 29 février 2012, présentée pour le GLAM dont le siège est 133 rue Garibaldi à Lyon (69003), le syndicat des magasins de boulangerie pâtisserie dont le siège est 2 rue de Châteaudun à Paris (75009), la fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie française dont le siège est 2 rue de Châteaudun à Paris (75009), la société Lauralex dont le siège est 17 rue de la République à Meyzieu (69330), la société boulangerie Claude et compagnie dont le siège est 69 cours Charlemagne à Lyon (690002), la société pâtisserie de la Rose Sarl dont le siège est 7 rue Octavio Mey à Lyon (69005) et la société Pifral Sas dont le siège est 133 rue Garibaldi à Lyon (69003) ;
Le GLAM et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004573 du 29 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2010 par lequel le préfet du Rhône a prescrit la fermeture hebdomadaire pour une journée des établissements ou parties d'établissement vendant du pain dans le département du Rhône ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le Tribunal a reconnu que les chiffres de représentativité retenus par le préfet étaient erronés et que la majorité des organisations représentatives de la profession n'était pas réunie lors du prétendu accord du 18 juin 2010 ;
- l'accord du 18 juin 2010 n'a été signé que par 6 organisations patronales sur 15 qui représentent respectivement 505 établissements et 1264 établissements ;
- le Tribunal disposait de suffisamment d'éléments pour se prononcer ;
- le Tribunal n'avait aucune raison impartiale d'ordonner un supplément d'instruction ;
- seules les organisations syndicales sont compétentes pour formaliser l'accord préalable à l'édiction d'un arrêté ;
- la méthodologie utilisée dans le cadre de la mesure d'instruction n'est pas fiable, d'autant qu'une grande partie des établissements consultés n'appartenaient pas à une organisation syndicale ;
- le supplément d'instruction est contraire à l'article L. 3132-29 du code du travail en ce qu'il prescrit la consultation, non des syndicats représentatifs mais des professionnels pris individuellement ;
- cette opération viole le droit syndical ;
- il est également illégal et contraire aux articles R. 611-1 et suivants du code de justice administrative en ce qu'il a été confié au préfet, défendeur à l'instance ;
- il est contraire aux principes d'impartialité et du contradictoire ;
- l'expertise réalisée par la préfecture viole les prescriptions mêmes de la mesure d'instruction ;
- il n'y a pas de majorité indiscutable de professionnels favorables à l'arrêté ;
- les organisations favorables à l'ouverture 7 jours sur 7 étant majoritaires, l'arrêté en litige était dépourvu de base légale ;
- la méthodologie utilisée par le préfet pour estimer la représentativité est erronée ;
- les chiffres utilisés par la préfecture pour établir une majorité sont erronés, des syndicats non concernés ayant été pris en compte, des erreurs dans la comptabilisation de la représentativité d'autres syndicats ayant été commises ;
Vu le courrier du 15 mai 2012 par lequel, en application de l'article R. 612-13 du code de justice administrative, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a été mis en demeure de présenter ses observations ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le supplément d'instruction était utile et légal ;
- il s'est déroulé de manière contradictoire ;
- la nouvelle consultation effectuée par le préfet a permis d'apprécier l'opportunité de maintenir l'arrêté en litige ;
- le préfet peut utiliser tous les moyens utiles pour apprécier la majorité des organisations professionnelles et syndicales, y compris procéder à une consultation individuelle des établissements ;
- il n'y a pas eu violation du droit syndical ;
- rien ne permet d'affirmer que l'arrêté ne reposerait pas sur un accord majoritaire ;
- c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le seul moyen d'apprécier la majorité de l'accord était celui d'une consultation établissement par établissement en faveur ou non d'une fermeture hebdomadaire ;
- l'arrêté est fondé sur un accord majoritaire représentant la majorité des établissements visés par la réglementation ;
Vu l'ordonnance du 27 juin 2012 par laquelle le président de la 6ème chambre a, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé au 27 juillet 2012 la date de clôture de l'instruction ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 décembre 2012, présentée pour le préfet de la région Rhône-Alpes ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Antoine, avocat du GLAM et autres ;
1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre deux jugements se prononçant sur la même demande ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que par un arrêté du 13 juillet 2010 pris sur le fondement de l'article L. 3132-29 du code du travail et de l'accord intervenu le 18 juin 2010 entre les organisations syndicales d'employeurs et de salariés relatif à la fermeture hebdomadaire des établissements vendant du pain dans le département du Rhône, le préfet du Rhône a prescrit la fermeture au public un jour par semaine de tous les établissements, parties d'établissements, dépôts de pain, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail de pain emballé ou non ; que le syndicat GLAM et d'autres organisations d'employeurs ont demandé au Tribunal administratif de Lyon l'annulation de cet arrêté ; que par un jugement avant-dire droit du 7 décembre 2010 le Tribunal, n'ayant pas trouvé " au dossier d'éléments suffisamment précis et cohérents pour lui permettre d'apprécier la représentativité des signataires de l'accord ", a ordonné un supplément d'instruction à l'effet, pour le préfet, de consulter directement les professionnels et de vérifier qu'une majorité indiscutable d'entre eux était favorable à la mesure de fermeture envisagée ; que sur la base de la consultation effectuée par le préfet, au vu de laquelle il a estimé que l'arrêté préfectoral correspondait à la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés, le Tribunal, par un jugement du 29 décembre 2011, a rejeté la demande d'annulation dont il était saisi ; que le syndicat GLAM et autres font appel de ces jugements ;
3. Considérant que contrairement à ce que soutenait le préfet du Rhône en première instance, l'absence de publication de l'arrêté en litige à la date de saisine du Tribunal par le syndicat GLAM et autres est restée sans incidence sur la recevabilité de leur demande tendant à l'annulation de cet acte ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par le préfet à cette demande devant le tribunal administratif ne peut être accueillie ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées " ; qu'il résulte de ces dispositions que la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée sur la base d'un accord syndical que dans la mesure où cet accord correspond pour la profession à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou partie de celui-ci est susceptible d'être fermé ; qu'au cas où l'accord en question n'indique pas d'une façon certaine l'opinion de la majorité des membres de la profession, le préfet ne peut se prononcer sans consultation préalable des intéressés, syndiqués ou non, pour dégager cette opinion, organisée par lui ou à l'initiative des organisations professionnelles ;
5. Considérant que, pour apprécier la représentativité des organisations professionnelles, le préfet du Rhône s'est fondé sur des critères différents selon ces organisations et, s'agissant des organisations interprofessionnelles, n'a pas pris systématiquement en compte la part de leurs adhérents relevant des seules professions de la boulangerie, artisanale ou non, les résultats étant faussés dans des conditions telles que la détermination d'une majorité certaine s'est avérée impossible ; que le préfet ne pouvait donc se prononcer sans consultation préalable des intéressés eux-mêmes ; que, dès lors, même si la consultation organisée postérieurement à l'intervention de l'arrêté contesté du 13 juillet 2010 a révélé l'existence d'une majorité favorable à la fermeture hebdomadaire, il ressort des pièces du dossier que, pour prendre cet arrêté, le préfet du Rhône ne s'est pas préalablement assuré qu'il disposait d'une majorité indiscutable de la profession en faveur d'un jour de fermeture hebdomadaire ; que par suite, en édictant cette mesure, le préfet a commis une erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, notamment ceux relatifs à la régularité des jugements attaqués, le syndicat GLAM et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que par ces jugements, le Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a prescrit une mesure d'instruction, qui était dépourvue d'utilité et, d'autre part, a rejeté leur demande ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement au syndicat GLAM et autres d'une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Lyon des 7 décembre 2010 et 29 décembre 2011 sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône du 13 juillet 2010 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera au syndicat GLAM et autres la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Groupement Lyonnais des Artisans Modernes (GLAM), au syndicat des magasins de boulangerie pâtisserie, à la fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie française, à la société pain Benoit sarl Zamla, à la société Lauralex, à la société boulangerie Claude et compagnie, à la société pâtisserie de la Rose Sarl, à la société Pifral Sas et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.
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