La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2012 | FRANCE | N°12LY01281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2012, 12LY01281


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2012, présentée pour la société AREA, dont le siège est au 260 avenue Jean Monnet BP 48 à Bron Cedex (69671) ; la société AREA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805220 du 27 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 14 470 euros outre intérêts, en réparation de ses préjudices causés par une manifestation du 11 avril 2008 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme de 14 470 eur

os ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2008 ;

3°) de mettre à...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2012, présentée pour la société AREA, dont le siège est au 260 avenue Jean Monnet BP 48 à Bron Cedex (69671) ; la société AREA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805220 du 27 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 14 470 euros outre intérêts, en réparation de ses préjudices causés par une manifestation du 11 avril 2008 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme de 14 470 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que comme l'a considéré le Tribunal, l'Etat est responsable sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales des dommages qu'elle a subis du fait de la manifestation organisée par le Centre national des jeunes agriculteurs qui a eu lieu à la barrière de péage de Saint-Quentin-Fallavier le 11 avril 2008 ; qu'en effet les manifestants ont commis des délits d'entrave à la circulation, de dégradation d'objets d'intérêt public, d'entrave à la liberté du travail, et de mise en danger d'autrui ; qu'il en est résulté pour elle une perte d'exploitation de 13 621,34 euros, consécutive à 1 506 franchissements de péage non acquittés à la barrière de péage de Saint-Quentin-Fallavier et 43 au péage de la bretelle de l'Isle-d'Abeau, ainsi qu'à des dégâts matériels d'un montant de 850 euros ; que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur la facture pourtant produite de 750,50 euros correspondant à des feux de transit ; que si la facture de remplacement d'une lisse n'a été émise que plusieurs mois après les incidents, ce dommage avait été signalé à la gendarmerie dès le 16 avril 2008 ; que s'agissant des pertes de péage, elle complète en appel sa justification par la production de ses éléments de calcul basés sur les prix moyens des péages ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2012, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'aucun des délits allégués n'a été relevé par la gendarmerie et que c'est donc à tort que le Tribunal a retenu la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que le préjudice commercial de la requérante résultant de la manifestation n'est pas constitué, dès lors d'une part que le péage de la bretelle de l'Isle d'Abeau n'est évoqué dans aucun des procès-verbaux de gendarmerie, d'autre part que c'est la société AREA elle-même qui a ordonné la levée des barrières du péage de Saint-Quentin-Fallavier et non les manifestants ; que les pièces présentées en appel ne prouvent pas davantage ce préjudice commercial ; que le préjudice matériel allégué n'est pas davantage justifié ;

Vu l'ordonnance en date du 13 septembre 2012 fixant la clôture d'instruction au 28 septembre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2012 :

- le rapport de M. Dursapt,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- et les observations de Me Mondan, représentant la société AREA ;

1. Considérant que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société AREA tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de différents préjudices qu'elle aurait subis au cours d'une manifestation d'agriculteurs, organisée le 11 avril 2008 à la barrière de péage de Saint-Quentin-Fallavier et résultant de ce que de nombreux usagers n'auraient pas acquitté le péage et de ce que différents biens auraient été détériorés ;

Sur la responsabilité de l'Etat et les préjudices invoqués par la société AREA :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales alors applicable, repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. / Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée. " ; que la manifestation d'environ 700 agriculteurs organisée à la barrière de péage de Saint-Quentin-Fallavier le 11 avril 2008 constituait un rassemblement au sens de ces dispositions ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du procès-verbal de synthèse établi le 19 mai 2008 par un officier de police judicaire que les militaires de la gendarmerie nationale présents sur les lieux ont constaté comme dommage imputable aux manifestants la détérioration d'une lisse ; que s'agissant d'un délit réprimé par l'article 322-1 du code pénal et commis à l'occasion d'un attroupement au sens des dispositions précitées, la responsabilité de l'Etat est engagée pour ce dommage ; que la facture produite par la société requérante, alors même qu'elle est postérieure aux faits de plusieurs mois, suffit à justifier le montant du préjudice qui s'établit ainsi à 248,11 euros ; que, dès lors, la société AREA a droit à en être indemnisée par l'Etat ;

4. Considérant, en second lieu, que ce procès-verbal précise qu'il se pourrait que les autres dégâts déclarés par le représentant de la société AREA existaient avant l'arrivée des agriculteurs et que le chef de centre de péage avait indiqué par téléphone aux gendarmes qu'une autorisation lui avait été délivrée par ses responsables pour pouvoir laisser passer les usagers mécontents et qu'une information mal comprise entre les forces de gendarmerie et la société d'autoroute pourrait être à l'origine de l'ouverture des barrières ; que la société requérante n'apporte aucun élément permettant d'estimer que de tels dommages seraient survenus dans le cadre de ce rassemblement, sans que les gendarmes ne les constatent ; qu'il n'est ainsi pas établi que le passage d'usagers sans paiement du péage et la destruction de biens autres que la lisse précitée seraient le fait des manifestants ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AREA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 248,11 euros assortie des intérêts auxquels elle a droit à compter du 5 juin 2008, date de sa demande au préfet de l'Isère ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société AREA ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 27 mars 2012 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société AREA une somme de 248,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2008.

Article 3 : L'Etat versera à la société AREA la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société AREA est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société AREA, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 29 novembre 2012.

''

''

''

''

2

N° 12LY01281

nv


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01281
Date de la décision : 29/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité régie par des textes spéciaux. Attroupements et rassemblements (art. 92 de la loi du 7 janvier 1983).


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Marc DURSAPT
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : BCF et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-29;12ly01281 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award