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29/11/2012 | FRANCE | N°12LY00357

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2012, 12LY00357


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 9 février 2012 et régularisée le 13 du même mois, présentée par le préfet de la Savoie ;

Le préfet de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200188, du 16 janvier 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 13 janvier 2012 ayant refusé d'accorder à M. Luis Adolfo A un délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, le même jour, et ayant décidé

de son placement en rétention administrative et a mis à sa charge la somme de mille euros ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 9 février 2012 et régularisée le 13 du même mois, présentée par le préfet de la Savoie ;

Le préfet de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200188, du 16 janvier 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 13 janvier 2012 ayant refusé d'accorder à M. Luis Adolfo A un délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, le même jour, et ayant décidé de son placement en rétention administrative et a mis à sa charge la somme de mille euros à verser au conseil de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Luis Adolfo A devant le premier juge ;

Il soutient que M. Luis Adolfo A est entré irrégulièrement sur le territoire français, où il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et que, ne disposant d'aucun domicile stable, ni en France, ni en Espagne, ni encore en Italie, il ne présentait pas de garantie de représentation ; qu'il avait fait l'objet d'un signalement de non admission de la part des autorités italiennes dans le système d'information Schengen et ne disposait pas d'un droit au séjour en Italie ; que la circonstance qu'il a été interpellé en France alors qu'il s'apprêtait à se rendre en Italie ne saurait être regardé comme une circonstance particulière au sens du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que c'est donc à tort que le premier juge a annulé sa décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé ; que, pour les mêmes motifs, il a pu légalement placer l'intéressé en rétention administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 22 mars 2012, présenté pour M. Luis Adolfo A, élisant domicile au cabinet de son conseil, Me B, sis 1, place des Terreaux à Lyon (69001) ;

M. Luis Adolfo A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Savoie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille cinq cents euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient qu'il n'a jamais souhaité demeurer en France mais s'apprêtait à rejoindre l'Italie, pays où il réside depuis neuf ans et a effectué des démarches aux fins de régularisation de sa situation administrative qui sont toujours pendantes ; que, titulaire d'un passeport en cours de validité, il présentait des garanties de représentation suffisantes ; que compte tenu du caractère particulier de sa situation, il n'existait pas de risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ; qu'en lui refusant un délai de départ volontaire et en décidant son placement en rétention administrative, le préfet de la Savoie a donc commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision du 28 mars 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. Luis Adolfo A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Luis Adolfo A, ressortissant bolivien né le 7 août 1977, a été interpellé, le 13 janvier 2012, en gare de Modane, à bord d'un train en provenance d'Espagne et à destination de l'Italie, en possession d'un passeport dépourvu de visa ; que si sa nationalité bolivienne le dispensait de visa pour entrer et séjourner régulièrement durant moins de quatre-vingt dix jours dans l'espace Schengen, il ressort des propres déclarations de l'intéressé consignées dans le procès-verbal d'audition en date du 13 janvier 2012, qu'il résidait depuis neuf ans en Italie, où il retournait après un séjour en Espagne ; qu'il résulte ainsi de ce qui précède que, le 13 janvier 2012, M. Luis Adolfo A séjournait dans l'espace Schengen depuis plus de trois mois et se trouvait donc en situation irrégulière sur le territoire français ; que, ce même jour, le préfet de la Savoie a pris à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français dont la légalité n'a pas été contestée ; que M. A a néanmoins contesté devant le juge le refus de délai de départ volontaire qui lui a été opposé sur le fondement du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour annuler cette décision de refus de délai de départ volontaire, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que l'intéressé justifiait de circonstances particulières au sens du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne permettaient pas de regarder le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite comme établi ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, qui ne disposait pas de lieu de résidence effective ou permanente en France, a déclaré aux services de police au cours de son audition du 13 janvier 2012, qu'il souhaitait rester en Europe et ne voulait pas retourner en Bolivie ; qu'il doit donc être regardé comme entrant dans le champ d'application du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il soutient qu'il avait engagé une procédure de régularisation de sa situation administrative sur le territoire italien, qui était toujours en cours d'instruction, il n'établit pas, par les pièces versées au dossier, disposer d'un droit au séjour en Italie ni être légalement admissible dans ce pays, alors, au demeurant, qu'il avait fait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, de la part des autorités italiennes, qui était toujours en cours de validité ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne justifiait pas de circonstance particulière permettant de regarder le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite comme non établi ; qu'il entrait, dès lors, dans le champ d'application du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettait au préfet de la Savoie de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, la décision de refus de délai de départ volontaire en litige ;

3. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

4. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de délai de départ volontaire a été signée par Mme Sylvie C, directrice de la réglementation à la préfecture de la Savoie ; que Mme C bénéficie de la part du préfet de la Savoie, par arrêté préfectoral du 18 octobre 2011, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Savoie, d'une délégation spéciale de signature l'autorisant notamment à signer tous actes, y compris les arrêtés, en matière d'éloignement des étrangers, et en particulier les obligations de quitter le territoire français et décisions prises pour leur exécution ; que, par suite, Mme C était compétente pour signer la décision de refus de délai de départ volontaire prise à l'encontre de M. A, le 13 janvier 2012 ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision n'est pas fondé ;

5. Considérant, en second lieu, que la décision de refus de délai de départ volontaire vise notamment les dispositions du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne en particulier que M. A, entré irrégulièrement en France, ne justifie pas d'un domicile fixe sur le territoire français, a fait l'objet d'un signalement de non admission de la part des autorités italiennes et a déclaré ne pas vouloir retourner en Bolivie, son pays d'origine, et qu'il présente ainsi un risque de soustraction à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que cette décision est, par suite, régulièrement motivée en droit et en fait ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

6. Considérant, en premier lieu, que la décision de placement en rétention administrative a été signée par Mme Sylvie C, directrice de la réglementation à la préfecture de la Savoie ; que Mme C bénéficie de la part du préfet de la Savoie, par arrêté préfectoral du 18 octobre 2011, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Savoie, d'une délégation spéciale de signature l'autorisant notamment à signer tous actes, y compris les arrêtés, en matière d'éloignement des étrangers, et en particulier les obligations de quitter le territoire français et décisions de placement en rétention administrative prises pour leur exécution ; que, par suite, Mme C était compétente pour signer la décision de placement en rétention administrative prise à l'encontre de M. A, le 13 janvier 2012 ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision n'est pas fondé ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de placement en rétention administrative vise notamment les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne en particulier que M. A, qui ne justifie pas d'un domicile fixe sur le territoire français, qui a fait l'objet d'un signalement de non admission de la part des autorités italiennes et qui a déclaré ne pas vouloir retourner en Bolivie, son pays d'origine, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et présente un risque de soustraction à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que cette décision est, par suite, régulièrement motivée en droit et en fait ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A était titulaire d'un passeport bolivien en cours de validité, il ne disposait pas d'une adresse fixe sur le territoire français, il avait déclaré, lors de son interpellation, ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine et n'était pas légalement admissible en Italie, pays de l'espace Schengen où il souhaitait se rendre ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes, propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et à faire obstacle à ce que le préfet de la Savoie pût légalement le placer en rétention administrative ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé ses décisions du 13 janvier 2012, par lesquelles il a refusé d'accorder à M. A un délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention administrative et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de mille euros au titre dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me B, avocat de M. A, au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200188, du 16 janvier 2012, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Savoie, à M. Luis Adolfo A et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Seillet, président assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2012,

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N° 12LY00357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00357
Date de la décision : 29/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MESSAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-29;12ly00357 ?
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