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15/11/2012 | FRANCE | N°11LY02059

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2012, 11LY02059


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ponnuthurai , élisant domicile ... ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1102091-1102092, en date du 7 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 à 2006, et des pénalités y afférentes, d'autre part, des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005

et 2006, et des pénalités y afférentes, et enfin à l'application à son profit des ...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011 au greffe de la Cour, présentée pour M. Ponnuthurai , élisant domicile ... ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1102091-1102092, en date du 7 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 à 2006, et des pénalités y afférentes, d'autre part, des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006, et des pénalités y afférentes, et enfin à l'application à son profit des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'ordonner la décharge de ces impositions et contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, et la restitution des sommes déjà versées le cas échéant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance et la somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dans la mesure où l'administration fiscale ne pouvait pas proroger le délai d'un an prévu à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, en l'absence d'activité occulte individuelle qui lui serait imputable ;

- la procédure est encore irrégulière pour atteinte aux droits de la défense, du fait de l'utilisation par l'administration d'indications ou documents découlant d'une procédure pénale ultérieurement annulée ; la Cour devra saisir à cet égard le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat, aux principes d'égalité des armes, du contradictoire et du respect des droits de la défense, de valeur constitutionnelle, et à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la procédure est également irrégulière du fait de la méconnaissance des principes fondamentaux de la procédure contradictoire ; l'administration n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne l'a pas informé préalablement de son intention de procéder à la consultation de pièces détenues par l'autorité judiciaire et ne l'a pas invité à être présent lors de cette consultation ; il n'y a pas eu sur ce point débat oral et contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; le principe d'égalité des armes n'a pas été respecté ;

- les redressements en litige sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a exercé aucune activité individuelle occulte mais qu'il y a eu tout au plus minoration des recettes des sociétés dont il était gérant de droit ou de fait ;

- les pénalités appliquées sont contestées par voie de conséquence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant au rejet de la requête de M. ; le ministre soutient que la requête est partiellement irrecevable dans la mesure où ne sont contestées que les informations obtenues de l'autorité judiciaire, ce qui ne concerne que l'imposition des bénéfices industriels et commerciaux du requérant au titre de la seule année 2006, pour un montant en droits et pénalités de 149 959 euros, et pas les redressements effectués au titre des années 2004 et 2005, qui résultent de déclarations de l'intéressé ; que la procédure d'imposition n'est entachée d'aucune irrégularité, les principes de débat contradictoire, d'égalité des armes et de droits de la défense ayant été respectés ; que le délai d'examen de la situation fiscale personnelle de l'intéressé a été valablement porté à deux ans en application des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ; que l'ordonnance de non-lieu dont a bénéficié le requérant au pénal n'a pas autorité de chose jugée ; qu'il est démontré que l'intéressé s'est bien livré à une activité occulte d'achat-revente de cartes téléphoniques ;

Vu l'ordonnance en date du 5 septembre 2011 fixant la clôture de l'instruction au 29 février 2012 à 16 heures 30, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de M. Montsec, président ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

1. Considérant que, suite aux informations qu'elle avait obtenues de l'autorité judiciaire, sur le fondement des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, dans le cadre de la procédure diligentée en 2007 à l'encontre de M. Ponnuthurai devant le Tribunal de grande instance de Paris, pour abus de biens sociaux, blanchiment en bande organisée et travail dissimulé, l'administration fiscale a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme , pour les années 2004 à 2006, et à la vérification de comptabilité de l'activité occulte d'achat-revente de cartes téléphoniques prépayées ainsi révélée, attribuée à M. ; que M. fait appel du jugement en date du 7 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 2004 à 2006 et des contributions sociales au titre des années 2005 et 2006 auxquelles il a été en conséquence assujetti, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " (...) Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification (...) / (...) La période mentionnée (...) est portée à deux ans en cas de découverte, au cours du contrôle, d'une activité occulte. Il en est de même lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 ont été mis en oeuvre " ; qu'aux termes de l'article L. 82 C du même code : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances " ; qu'aux termes de l'article L. 101 du même code : " L'autorité judiciaire peut communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu " ;

3. Considérant que M. ne saurait utilement se plaindre de ce que l'administration aurait méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives aux garanties du procès équitable dans la mesure où la procédure de rectification n'est pas une procédure juridictionnelle au sens dudit article 6 ; que, par ailleurs, la procédure de transmission d'informations à l'administration fiscale prévue aux articles susrappelés L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales ayant été mise en oeuvre en l'espèce, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle serait irrégulière en tant qu'elle a excédé le délai d'une année ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière et contraire notamment aux principes fondamentaux du respect des droits de la défense et du contradictoire, au motif que l'administration a utilisé des documents issus d'une procédure judiciaire qui s'est finalement conclue par un non-lieu par ordonnance du 7 février 2011 ;

4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité posée à cet égard par le requérant est irrecevable, faute d'avoir été présentée par mémoire distinct, ainsi que l'exigent à peine d'irrecevabilité les dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;

6. Considérant que M. soutient que la procédure d'imposition a méconnu les principes fondamentaux d'égalité des armes, du contradictoire et des droits de la défense, dans la mesure où, d'une part, l'administration a procédé au redressement en litige en se fondant sur des éléments saisis par le juge judiciaire dans le cadre d'une autre procédure diligentée à son encontre, dont elle avait obtenu la communication, et dont il n'aurait pu lui-même obtenir la restitution, et où, d'autre part, l'administration ne l'aurait pas informé préalablement de son intention de procéder à la consultation de ces documents et ne l'aurait pas invité à être présent à cette occasion ;

7. Considérant que, lorsque faisant usage de son droit de communication, l'administration consulte dans le cadre d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, elle est tenue de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire ; qu'en revanche et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration n'était pas tenue de l'informer préalablement de son intention de procéder à la consultation des documents et de l'inviter à être présent à cette occasion ; qu'il est constant que M. a rencontré le vérificateur à plusieurs reprises au cours de la procédure d'imposition, lors de " multiples réunions, échanges, explications ", ainsi qu'il le précise lui-même dans sa requête ; qu'il a pu ainsi engager avec lui un débat et n'établit pas que le vérificateur se serait dérobé à un tel débat ; que la copie des renseignements obtenus auprès du juge judiciaire par l'administration, sur la base desquels elle a fondé les redressements, notamment des procès-verbaux d'audition de l'intéressé et des autres personnes entendues dans cette affaire, ont été joints à la proposition de rectification du 17 décembre 2008 ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il a été en mesure d'obtenir la restitution des documents saisis par l'autorité judiciaire, la demande en ce sens formulée par lui le 21 juillet 2008 n'ayant été rejetée par ordonnance du 1er août 2008 que pour ce qui concerne trois scellés de matériel informatique, dont il n'est pas établi qu'ils ont été utilisés par l'administration fiscale, l'intéressé étant pour le reste invité à solliciter " toutes copies qui lui paraitraient utiles " ; qu'ainsi et quelle que soit la nature des documents obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication et utilisés par elle dans le cadre de la vérification de l'activité de M. , celui-ci n'a pas été privé du débat oral et contradictoire auquel il pouvait prétendre ;

8. Considérant par ailleurs qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; qu'il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il est dit ci-dessus, M. a été informé de l'origine et de la teneur des renseignements sur la base desquels l'administration a rehaussé ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, et a en a obtenu copie ou a été mis en mesure d'en obtenir copie ;

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Considérant que les documents obtenus par l'administration fiscale auprès des autorités judiciaires et notamment les procès-verbaux d'audition de M. et des autres personnes entendues dans cette affaire, montrent que celui-ci organisait lui-même, à titre individuel et pour son propre compte, l'activité d'achat et revente de cartes téléphoniques prépayées en litige, même s'il utilisait à l'occasion les sociétés dans lesquelles il était gérant de fait pour, par exemple, " encaisser des chèques qui ne leur étaient pas destinés " ; que, si le requérant soutient que les redressements en litige constitueraient en réalité des minorations de recettes de la part des sociétés, il ne l'établit pas ; que c'est dès lors à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d'appréciation que l'administration a procédé à la vérification de cette activité en tant qu'activité occulte de M. et a procédé au redressement des bases de l'impôt sur le revenu de celui-ci, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence, ainsi que, en l'absence de tout dépens dans la présente instance et en tout état de cause, ses conclusions tendant à ce que les dépens de l'instance soient mis à la charge de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ponnuthurai Xet au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2012.

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N° 11LY02059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02059
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble (ou ESFP).


Composition du Tribunal
Président : M. MONTSEC
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : LOUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-15;11ly02059 ?
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