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25/10/2012 | FRANCE | N°12LY00938

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2012, 12LY00938


Vu, I, sous le n° 12LY00941, la requête enregistrée le 13 avril 2012, présentée pour la SOCIETE IPM FRANCE dont le siège est Zone Industrielle "Les Chasses", 1 rue Nicolas Appert CS973 à Romans sur Isère (26100) ;

La SOCIETE IPM FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900562 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, la décision en date du 2 juillet 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la Drôme a autorisé le licenciement de Mme Béatrice A et, d'autre part, la décision du ministre du travail

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Vu, I, sous le n° 12LY00941, la requête enregistrée le 13 avril 2012, présentée pour la SOCIETE IPM FRANCE dont le siège est Zone Industrielle "Les Chasses", 1 rue Nicolas Appert CS973 à Romans sur Isère (26100) ;

La SOCIETE IPM FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900562 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, la décision en date du 2 juillet 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la Drôme a autorisé le licenciement de Mme Béatrice A et, d'autre part, la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 5 décembre 2008 rejetant le recours hiérarchique de cette salariée ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par Mme A ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 n'impose de saisir la commission territoriale de l'emploi qu'en cas de projet de licenciement collectif pour motif économique portant sur plus de 10 salariés ;

- que les autres moyens invoqués par Mme A à l'appui de sa demande, tirés du non-respect du principe du contradictoire au cours de l'enquête conduite par l'inspecteur du travail et le ministre du travail, de la méconnaissance de l'obligation de reclassement au sein de la SOCIETE IPM FRANCE et du groupe auquel elle appartient, de la méconnaissance de l'obligation de formation et d'adaptation ainsi que de la continuité de la représentation du personnel, ne sont pas fondés ;

- que Mme A n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des dispositions conventionnelles imposant de prendre en considération et d'étudier les suggestions présentées par le comité d'entreprise et les délégués syndicaux en vue de réduire le nombre de licenciements dès lors que la suggestion qu'elle a émise relativement à une réduction de son temps de travail n'a pas été présentée comme une véritable proposition à étudier par son employeur, mais comme une simple remarque au cours de la discussion qui a eu lieu entre les membres du comité d'entreprise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 13 juillet 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 2012, présenté pour Mme A qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 794 euros soit mise à la charge de la SOCIETE IPM FRANCE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'application des stipulations de l'article 28 de la convention collective de la métallurgie, qui obligent l'employeur à garantir les conditions de continuité de la représentation du personnel et des organisations syndicales signataires, n'est pas subordonnée au nombre de licenciements pour motif économique envisagés ;

- que la SOCIETE IPM FRANCE ne démontre pas qu'elle s'est efforcée de réduire le nombre de licenciements et qu'elle a procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement, notamment en l'absence d'affichage des postes à pourvoir au sein du groupe IPM ;

- que la SOCIETE IPM FRANCE n'a pas satisfait à son obligation lui imposant de prendre en considération et d'étudier les suggestions présentées par le comité d'entreprise et les délégués du personnel visant à réduire le nombre de licenciements ; que cette obligation n'est pas liée au nombre de personnes licenciées pour motif économique ;

- que la SOCIETE IPM FRANCE n'a pas étudié sérieusement la proposition de réduction du temps de travail qu'elle a émise au cours de la réunion du comité d'entreprise du 12 juin 2008 ;

- que l'inspecteur du travail a limité le périmètre de l'obligation de reclassement à la SOCIETE IPM FRANCE et n'a pas vérifié l'absence d'emploi équivalent au sein du groupe auquel appartient ladite société ;

- que la SOCIETE IPM FRANCE n'a pas respecté son obligation de formation pour permettre son reclassement en lui refusant une formation à l'outil " BAAN " au motif que cette formation a un coût significatif ;

- qu'elle n'a pas été destinataire des éléments recueillis dans le cadre de l'enquête administrative conduite par le ministre du travail, ni des documents remis par la SOCIETE IPM FRANCE à l'inspecteur du travail concernant la situation économique du groupe IPM GROUP et/ou de la SOCIETE IPM FRANCE ;

- que la SOCIETE IPM FRANCE n'établit pas la réalité du motif économique justifiant la suppression de son poste de travail, lequel n'a d'ailleurs pas été supprimé ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2012, présenté pour la SOCIETE IPM FRANCE qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, en demandant en outre que la somme devant être mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 2 000 euros ;

Elle soutient en outre :

- que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de l'inspecteur du travail est irrecevable comme présenté pour la première fois en appel, et que, en tout état de cause, il manque en fait ;

- qu'il est établi par les pièces du dossier que 8 salariés seulement étaient concernés par le licenciement collectif pour motif économique ; que le non-renouvellement allégué de 4 contrats à durée déterminée n'emporte pas rupture des contrats et n'a donc pas pour effet de porter à plus de 10 le nombre de salariés concernés par le licenciement collectif en cause ;

- que la réalité des raisons économiques et financières est détaillée dans la note explicative communiquée au comité d'entreprise ;

- que contrairement à ce qu'affirme Mme A, le poste d'assistante commerciale qu'elle occupait a bien été supprimé, comme le fait apparaître le document d'information sur le licenciement économique communiqué au comité d'entreprise ;

- que contrairement à ce que soutient Mme A, ce n'est qu'après qu'elle s'est efforcée de réduire le nombre de licenciements que le projet a été arrêté à 4 départs provoqués, dont celui de Mme A et à 4 départs volontaires ; que la proposition de Mme A a donc bien été étudiée ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2012, présenté pour Mme A ;

Vu, II, sous le n° 12LY00938, la requête enregistrée le 13 avril 2012, présentée pour la SOCIETE IPM FRANCE, dont le siège est Zone Industrielle "Les Chasses", 1 rue Nicolas Appert CS973 à Romans sur Isère (26100) ;

La SOCIETE IPM FRANCE demande à la Cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 0900562 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 2 juillet 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la Drôme a autorisé le licenciement de Mme Béatrice A et la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 5 décembre 2008 rejetant le recours hiérarchique de cette salariée ;

2°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle fait état de moyens sérieux, propres à entraîner l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2012, présenté pour Mme A qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 794 euros soit mise à la charge de la SOCIETE IPM FRANCE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 13 juillet 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2012, présenté pour la SOCIETE IPM FRANCE qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens en demandant toutefois que la somme devant être mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée au montant de 2 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2012, présenté pour Mme A ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lamamra, avocat de la SOCIETE IPM FRANCE ;

Considérant que la SOCIETE IPM FRANCE a sollicité, le 13 juin 2008, l'autorisation de licencier pour motif économique de Mme A, membre de la délégation unique du personnel ; que l'inspecteur du travail de la Drôme a autorisé ce licenciement le 2 juillet 2008 et que le 5 décembre 2008, le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique de l'intéressée contre cette décision ; que la SOCIETE IPM FRANCE fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces deux décisions, dont il demande que soit ordonné le sursis à exécution ;

Considérant que les requêtes susvisées de la SOCIETE IPM FRANCE sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté à sa demande leur intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

Considérant qu'il incombe en outre à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure de licenciement économique d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées ;

Considérant que l'article 28 de l'accord national sur les problèmes généraux de l'emploi du 12 juin 1987 impose à l'employeur qui envisage de prononcer des licenciements pour motif économique de " rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries de métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi (...) conformément aux dispositions de l'article 2 du présent accord " ; que ledit article 2 renvoie aux articles 5, 14 et 15 de l'accord national du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, desquels il résulte que l'intervention des commissions territoriales de l'emploi est limitée aux projets de licenciement de plus de 10 salariés ;

Considérant qu'il est constant que le plan de réduction des effectifs décidé par la SOCIETE IPM FRANCE pour faire face aux difficultés économiques qu'elle a rencontrées ne comprenait que quatre licenciements, dont celui de Mme A ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'inspecteur du travail avait commis une erreur de droit en s'abstenant de s'assurer du respect par l'employeur des obligations résultant de l'article 28 de l'accord national sur les problèmes généraux de l'emploi du 12 juin 1987 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A ;

Considérant que la décision de l'inspecteur du travail du 2 juillet 2008 se borne à mentionner l'impossibilité d'un reclassement de Mme A au sein de la SOCIETE IPM FRANCE, sans envisager le reclassement de cette salariée au niveau du groupe auquel appartient cette société ; qu'en limitant ainsi son contrôle de l'obligation de reclassement à la seule SOCIETE IPM FRANCE, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que la décision ministérielle du 5 décembre 2008 n'a pu, alors même qu'elle envisage les possibilités de reclassement de Mme A au niveau du groupe auquel appartient l'entreprise, faire rétroactivement disparaître le vice affectant la décision de l'inspecteur du travail, à laquelle elle ne s'est pas substituée et que le ministre était tenu d'annuler ; que, par suite, cette dernière décision est elle-même illégale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE IPM FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;

Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel de la SOCIETE IPM FRANCE contre le jugement attaqué, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE IPM FRANCE, partie perdante, bénéficie d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion du litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le paiement à Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 12LY00941 de la SOCIETE IPM FRANCE est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la SOCIETE IPM FRANCE.

Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE IPM FRANCE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La SOCIETE IPM FRANCE versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE IPM FRANCE, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme Béatrice A.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2012.

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N° 12LY00938... 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00938
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : ANCEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-25;12ly00938 ?
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