La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2012 | FRANCE | N°12LY00322

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2012, 12LY00322


Vu la requête, enregistrée à la Cour 7 février 2012, présentée pour M. Ahmed A, domicilié 25, rue des Hauts de Chanturgue à Clermont-Ferrand (63100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100971, du 6 décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 2011 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée au profit de son épouse et de quatre de ses enfants ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoi

r, la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 eur...

Vu la requête, enregistrée à la Cour 7 février 2012, présentée pour M. Ahmed A, domicilié 25, rue des Hauts de Chanturgue à Clermont-Ferrand (63100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100971, du 6 décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 2011 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée au profit de son épouse et de quatre de ses enfants ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision préfectorale attaquée est insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 qui prévoit que les décisions administratives individuelles défavorables doivent être motivées, en fait comme en droit ; qu'il vit en France depuis de très nombreuses années et a combattu au sein de l'armée française ; qu'ainsi, la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ; que, pour les même motifs, le préfet du Puy-de-Dôme a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que la décision emporte sur sa situation personnelle ; qu'enfin, outre les pensions de retraites qu'il perçoit mensuellement à hauteur de 1003,73 euros, il a bénéficié d'un rappel de pension militaire de 28 867,33 euros au titre de 2010 et justifie ainsi de ressources suffisantes et stables ; que cette décision viole donc les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire enregistré le 17 avril 2012, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que sa décision est suffisamment motivée ; que ce n'est qu'en 2005, à l'âge de 81 ans, que M. A est venu s'installer en France, loin de son épouse et de ses 6 enfants restés au Maroc ; qu'il n'a donc pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que sa décision emporte sur la situation personnelle de M. A ; que ce dernier ne justifie pas de ressources stables suffisantes au regard du nombre de personnes composant son foyer au profit desquelles il a sollicité le bénéfice du regroupement familial et que le rappel de pension militaire évoqué ne constitue pas une source stable de revenus ; qu'il n'a donc pas entaché sa décision d'une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du 2 mars 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse vise notamment les articles L. 411-1 à L. 411-7 et L. 421-1 à L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle mentionne la demande de regroupement familial déposée le 27 septembre 2010 par M. A, ressortissant marocain, au profit de son épouse et de quatre de ses enfants ; qu'elle énonce que les revenus de M. A, qui s'élèvent à 634 euros net mensuels, soit un montant inférieur aux 1 263 euros mensuels exigés par les textes, sont insuffisants pour subvenir aux besoins de sa famille et que le refus opposé à la demande de regroupement familial ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ; qu'il en résulte que la décision est dûment motivée, en fait comme en droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; (...) " et qu'aux termes de l'article R 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. " ;

Considérant que M. A a sollicité, par demande présentée le 27 septembre 2010, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de quatre de ses six enfants ; que le foyer ainsi constitué se composerait de six personnes ; que M. A doit, dès lors, justifier d'un montant de ressources stables au moins équivalent au montant moyen du salaire minimum de croissance au cours des douze mois précédant le dépôt de sa demande, majoré d'un cinquième, soit 1 265 euros net par mois ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A n'est en mesure de justifier de ressources mensuelles nettes stables qu'à hauteur de 1 003,73 euros ; que ne peuvent être pris en compte, ni l'allocation pour le logement dont il bénéficie, qui est versée directement au bailleur, ni le rappel de pension militaire perçu en 2010 au titre de la période 2007-2010, qui constitue un revenu ponctuel et non un revenu stable ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant que M. A ne justifiait pas de ressources stables suffisantes pour pouvoir prétendre être rejoint en France par son épouse et quatre de ses enfants au titre du regroupement familial ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant marocain, est entré en France le 14 octobre 2005 à l'âge de 81 ans, et vit depuis cette date éloigné de sa femme, qu'il a épousée en 1985, et de leurs six enfants nés respectivement en 1987, 1990, 1993, 1995, 1998 et 2000 ; qu'il est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 17 novembre 2015 mais n'allègue pas disposer d'attaches amicales et familiales intenses, stables et durables en France et ne fait pas état de circonstances qui s'opposeraient à ce qu'il reprenne sa vie familiale au Maroc, auprès des siens qui ont toujours vécu dans ce pays ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la date et de l'âge d'arrivée en France de M. A et de la possibilité pour la cellule familiale de vivre unie au Maroc, pays où elle s'est constituée et où la majorité de ses membres a toujours vécu, la décision par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé à M. A l'autorisation de bénéficier d'une procédure de regroupement familial partiel au profit de son épouse et de quatre de ses six enfants n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed A et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président assesseur.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2012,

''

''

''

''

1

5

N° 12LY00322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00322
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP GUILLANEUF ET HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-04;12ly00322 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award