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04/10/2012 | FRANCE | N°11LY03064

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2012, 11LY03064


Vu, I, sous le numéro 11LY03064, la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 décembre 2011 et régularisée le 2 janvier 2012, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107440, rendu le 9 décembre 2011 par un magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, en ce qu'il a annulé sa décision, du 6 décembre 2011, décidant du placement en rétention administrative de M. Gurgen et a mis à la charge de l'Etat la somme de huit cen

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Vu, I, sous le numéro 11LY03064, la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 décembre 2011 et régularisée le 2 janvier 2012, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107440, rendu le 9 décembre 2011 par un magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, en ce qu'il a annulé sa décision, du 6 décembre 2011, décidant du placement en rétention administrative de M. Gurgen et a mis à la charge de l'Etat la somme de huit cents euros, à verser au conseil de M. Gurgen , en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Gurgen devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que M. Gurgen ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il a pu, dès lors, ordonner son placement en rétention administrative sans commettre une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 28 mars 2012, présenté pour M. Gurgen , domicilié chez Nariné 8 rue Sidonie à Grenoble (38000) ;

M. demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DE L'ISERE ;

2°) d'annuler le jugement n° 1107440, rendu le 9 décembre 2011 par un magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ainsi que la décision du préfet de l'Isère, du 24 octobre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

4°) d'enjoindre au PREFET DE L'ISERE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, durant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travailler, sous la même condition d'astreinte ;

5°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et est dépourvue de base légale ; que la décision d'éloignement a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant l'Arménie comme pays de destination doit être annulée dès lors qu'il ne peut pas mener une vie normale dans ce pays où il a été victime de persécutions et où il n'a plus d'attaches familiales, et qu'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière en France ; que la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois a été prise sur le fondement de dispositions incompatibles avec l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE ; qu'en s'abstenant d'examiner la possibilité de prolonger éventuellement le délai de départ volontaire fixé à un mois, compte tenu de sa situation personnelle, ou de justifier de la durée retenue pour ce délai, le préfet a commis une erreur de droit ; que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation, et a méconnu la directive 2008/115/CE ; que la décision décidant de son placement en rétention administrative est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées à la Cour le 17 septembre 2012 ;

Vu la décision du 8 mars 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. Gurgen ;

Vu le courrier du 12 juillet 2012 par lequel le président de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions de M. Gurgen tendant à l'annulation de la décision du PREFET DE L'ISERE du 24 octobre 2011 lui interdisant le retour sur le territoire français, qui est inexistante ;

Vu, II, sous le numéro 12LY00544, la requête enregistrée à la Cour le 27 mars 2012, présentée pour M. Gurgen , domicilié chez Nariné 8 rue Sidonie à Grenoble (38000) ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106509, du 6 mars 2012, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère, du 24 octobre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ainsi que les décisions du préfet de l'Isère, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir et, durant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travailler, sous la même condition d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que le Tribunal administratif de Grenoble aurait dû statuer sur la légalité des décisions du préfet de l'Isère, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans ; que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et est dépourvue de base légale ; que la décision d'éloignement a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant l'Arménie comme pays de destination doit être annulée dès lors qu'il ne peut pas mener une vie normale dans ce pays où il a été victime de persécutions et il encourt des risques ; que la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois a été prise sur le fondement de dispositions incompatibles avec l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE ; qu'en s'abstenant d'examiner la possibilité de prolonger éventuellement le délai de départ volontaire fixé à un mois, compte tenu de sa situation personnelle, ou de justifier de la durée retenue pour ce délai, le préfet a commis une erreur de droit ; que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation, et a méconnu la directive 2008/115/CE ; que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 2 avril 2012 portant dispense d'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 17 septembre 2012, présenté pour M. , qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 6 avril 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Schürmann, avocat de M. ;

Considérant que les requêtes susvisées concernent toutes deux M. Gurgen et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 11LY03064 :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen de l'arrêté attaqué que le PREFET DE L'ISERE n'a pas pris de décision d'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. Gurgen ; que les conclusions de M. Gurgen tendant à l'annulation d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français sont dirigées contre une décision inexistante et donc sans objet ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, dans son jugement n° 1107440 rendu le 9 décembre 2011, n'a statué que sur les conclusions de M. Gurgen tendant à l'annulation des décisions du PREFET DE L'ISERE, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français, et de celle, du 6 décembre 2011, décidant de son placement en rétention administrative, tandis que le Tribunal administratif de Grenoble a statué sur la légalité de la décision du PREFET DE L'ISERE, du 24 octobre 2011, refusant à M. Gurgen la délivrance d'un titre de séjour, dans un jugement rendu le 6 mars 2012 ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour, qui sont irrecevables dans le cadre du recours tendant à l'annulation du jugement n° 1107440 du Tribunal administratif de Lyon, doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation du jugement présentées par le PREFET DE L'ISERE :

Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, après avoir précisé que M. Gurgen , en produisant, notamment, une attestation d'hébergement rédigée par le vice-amiral d'escadre (2ème section) Philippe , le 29 octobre 2001, confirmée le 7 décembre 2011 par une attestation sur l'honneur signée par le même officier général, avait établi qu'il était hébergé depuis le mois de mars 2011 et pouvait l'être encore, dès sa sortie du centre de rétention, au domicile de celui-ci à Saint-Egrève dans l'Isère, et qu'il avait été dans l'impossibilité, au moment de son interpellation par les services de police, de justifier de la possession d'un passeport, en a déduit que le PREFET DE L'ISERE n'a pu, dans ces conditions, ordonner le placement en rétention administrative de M. Gurgen sans commettre une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que s'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de l'attestation précitée, que M. Gurgen , à la date de la décision en litige, était titulaire d'un passeport en cours de validité, il était toutefois hébergé par un réseau de personnes rencontrées à Grenoble et ne justifiait pas d'une adresse fixe ; qu'ainsi, l'intéressé ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes et le préfet a pu, dès lors, ordonner le placement de M. Gurgen en rétention administrative sans commettre une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, sa décision du 6 décembre 2011, ordonnant le placement en rétention administrative de M. Gurgen ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Gurgen , tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. (...) " ;

Considérant que la décision du 6 décembre 2011 en litige vise les articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. Gurgen le 24 octobre 2011 et pour laquelle le délai d'un mois pour quitter le territoire français était expiré, et mentionne le fait que M. Gurgen n'a pas exécuté cette dernière décision et l'absence de moyen de transport susceptible de permettre son départ immédiat du territoire français ; que, comportant ainsi l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, elle est, dès lors, régulièrement motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière " ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que la décision ordonnant le placement de M. Gurgen en rétention administrative a été prise en vue de l'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, qui peut intervenir lorsque le délai de départ volontaire qui a été accordé à l'intéressé pour se conformer à cette obligation est expiré ; que, par suite, M. Gurgen ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'appui de sa contestation de la décision ordonnant son placement en rétention administrative ;

Considérant que si M. Gurgen soutient que la décision de placement en rétention dont il a fait l'objet a méconnu les dispositions des paragraphes 1 et 4 de l'article 15 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, ces dispositions ont été transposées par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ; qu'il n'est pas fondé à se prévaloir, à l'appui de son recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions d'une directive ayant fait l'objet des mesures de transposition nécessaires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 6 décembre 2011 par laquelle il a ordonné le placement en rétention administrative de M. Gurgen et a mis à la charge de l'Etat la somme de huit cents euros, à verser au conseil de M. Gurgen , en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation du jugement présentées par M. Gurgen :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français du 24 octobre 2011 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Gurgen , de nationalité arménienne, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du PREFET DE L'ISERE du 24 octobre 2011 ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée du même jour, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision d'éloignement doit donc être écarté ;

Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;

Considérant que le PREFET DE L'ISERE a, dans un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à M. Gurgen et fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français ; que, d'une part, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour dont cette mesure d'éloignement découle nécessairement, est régulièrement motivée par les visas du paragraphe 7 de l'article L. 313-11, du paragraphe 8 de l'article L. 314-11 et des articles L. 313-13 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mention des demandes de titre présentées par l'intéressé sur ces fondements et les indications que l'intéressé, dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'a pas droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 ou de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il ne justifie d'aucune considération humanitaire ou d'aucun motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'a pas droit non plus à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 compte tenu de la brièveté de son séjour en France et des fortes attaches familiales qu'il a conservées dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; que, d'autre part, l'arrêté contesté vise le 3° du paragraphe I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorise le préfet à assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté comme non fondé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que M. Gurgen , ressortissant arménien né le 21 décembre 1983, fait valoir qu'il justifie d'une intégration sociale et de perspectives d'insertion professionnelles en France, qu'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière depuis mars 2012 et qu'aucune vie privée et familiale n'est possible en Arménie en raison des risques encourus pour sa sécurité dans ce pays du fait de ses origines azéro-arméniennes ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est arrivé sur le territoire français, irrégulièrement, le 6 décembre 2009, soit moins de deux ans avant la date de la décision contestée, et qu'il a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles ; que les pièces qu'il a produites à l'appui de ses allégations tendant à démontrer qu'il ne peut pas avoir une vie privée et familiale normale en Arménie en raison des risques qu'il y encourt pour sa sécurité, constituées de traductions de témoignages de son père et d'autres compatriotes sur la persécution des arméniens d'origine azérie en Arménie et en Azerbaïdjan, ne sauraient suffire à établir la réalité des risques encourus ; que s'agissant de son insertion au sein de la société française, s'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière et a obtenu plusieurs promesses d'embauche pour effectuer des petits travaux, ce n'est que postérieurement à la date de la décision contestée et donc sans incidence sur la légalité de cette dernière ; que, dans ces conditions, M. Gurgen n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que M. Gurgen ne peut pas utilement invoquer une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination ;

S'agissant de la décision, du 24 octobre 2011, accordant un délai de départ volontaire d'un mois :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne, par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel, en particulier : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

Considérant, d'une part, que la décision accordant à M. Gurgen un délai de départ volontaire d'un mois a été prise sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que ces dispositions de droit français ne sont pas incompatibles avec celles, précitées, de la directive 2008/115/CE ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions du II de l'article L. 511-1 laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et prévoient que la prolongation de ce délai est possible en raison de la situation personnelle de l'étranger ; que si M. Gurgen fait valoir que le préfet, qui était saisi d'une demande de titre de séjour, aurait dû examiner la possibilité de prolonger éventuellement le délai de départ volontaire fixé à un mois, compte tenu de sa situation personnelle, ou de justifier de la durée retenue pour ce délai, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde ce délai d'un mois, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande portant sur la fixation d'un délai de départ volontaire différent ; qu'en tout état de cause, M. Gurgen ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à rendre nécessaire la prolongation de ce délai ; qu'ainsi, en fixant le délai de départ volontaire à un mois, le PREFET DE L'ISERE n'a pas commis d'erreur de droit ;

S'agissant de la décision désignant le pays de destination du 24 octobre 2011 :

Considérant que M. Gurgen soutient que la décision fixant l'Arménie comme pays à destination duquel il sera reconduit, doit être annulée dès lors qu'il ne peut pas mener une vie normale dans ce pays où il a été victime de persécutions et où il n'a plus d'attaches familiales, et qu'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière en France ; qu'il doit être regardé comme ayant invoqué la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...)Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950." et que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant que les pièces que M. Gurgen a produites à l'appui de ses allégations tendant à démontrer qu'il ne peut pas vivre normalement en Arménie en raison des risques qu'il y encourt pour sa sécurité, constituées de traductions de témoignages de son père et d'autres compatriotes sur la persécution des arméniens d'origine azérie en Arménie et en Azerbaïdjan, ne sauraient suffire à établir la réalité des risques encourus ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision désignant l'Arménie comme possible destination de la mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Gurgen n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du PREFET DE L'ISERE, du 24 octobre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Sur la requête n° 12LY00544 :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment dans le cadre de l'examen de la requête n° 11LY03064, les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 24 octobre 2011 obligeant M. à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit et lui interdisant le retour sur le territoire français, qui sont irrecevables dans le cadre du recours tendant à l'annulation du jugement n° 1106509 du Tribunal administratif de Grenoble, doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision d'éloignement du 24 octobre 2011, la décision du même jour par laquelle le préfet de l'Isère a refusé à M. la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1107440, rendu le 9 décembre 2011 par un magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, est annulé en ce qu'il a annulé la décision du PREFET DE L'ISERE, du 6 décembre 2011, ordonnant le placement en rétention administrative de M. Gurgen .

Article 2 : Les conclusions de M. Gurgen présentées devant le Tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du PREFET DE L'ISERE, du 6 décembre 2011, ordonnant son placement en rétention administrative, et les conclusions qu'il a présentées dans le cadre de la requête n° 11LY03064, sont rejetées.

Article 3 : La requête n° 12LY00544 présentée par M. est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Gurgen et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président assesseur.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2012,

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N° 11LY03064-12LY00544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY03064
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCHÜRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-04;11ly03064 ?
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