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20/09/2012 | FRANCE | N°12LY00122

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2012, 12LY00122


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 23 janvier 2012, présentée pour Mme Yahiaouia , domiciliée chez M. , ...) ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105876, du 8 décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 24 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès

de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre pr...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 23 janvier 2012, présentée pour Mme Yahiaouia , domiciliée chez M. , ...) ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105876, du 8 décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 24 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou à titre subsidiaire et dans les mêmes conditions de délai, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1300 euros, à son profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en estimant qu'elle n'établissait pas être dépourvue de ressources suffisantes dès lors que seule l'absence de demande de sa part faisait obstacle au versement effectif de sa retraite, les premiers juges ont porté une atteinte excessive à son droit au respect de ses biens, en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreurs de fait dès lors que, d'une part, et contrairement à ce qu'indique le préfet, elle ne perçoit aucun revenu dans son pays d'origine et qu'elle ne peut, par suite, prétendre au versement d'une pension de retraite, et, d'autre part, elle n'a pas quatre enfants dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de lui refuser la délivrance du certificat de résidence algérien ; que cette décision méconnaît les stipulations du b de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien modifié dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources propres, qu'elle est prise en charge financièrement par son fils, de nationalité française, lequel justifie de ressources suffisantes ; que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle dès lors qu'elle a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France où résident tous ses enfants, lesquels ont la nationalité française, que son fils la prend en charge financièrement et perçoit des revenus réguliers et confortables et qu'elle est propriétaire d'un bien immobilier en France ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ; que la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 31 août 2012, présenté pour le préfet du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en l'absence de moyen d'appel ; à titre subsidiaire, que Mme , qui dispose d'un droit à une pension de retraite, ne peut pas être regardée comme dépourvue de ressources propres et donc comme à charge d'un descendant français au sens du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; que le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision accordant à la requérante un délai de départ volontaire de trente jours est légale ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 1er septembre 2012, présenté pour Mme , qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que le manque de diligence manifesté par le préfet du Rhône pour produire son mémoire en défense constitue une atteinte au principe du contradictoire et à l'égalité des armes ; que sa requête est recevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Zouine, avocat de Mme ;

1. Considérant que Mme , née le 23 avril 1950, de nationalité algérienne, est entrée en France le 2 octobre 2010 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour " ascendant non à charge " délivré par le consulat de France à Oran ; qu'elle a sollicité, le 18 octobre 2010, un titre de séjour en faisant valoir sa qualité d'ascendant français sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis, alinéa b, de l'accord franco-algérien modifié ; que, par décisions du 24 août 2011, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ; que Mme fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, la requête d'appel ne constitue pas la simple reproduction littérale du mémoire de première instance et énonce de nouveau de manière précise les critiques adressées aux décisions du 24 août 2011 dont l'annulation est demandée ; qu'elle répond ainsi aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues à l'article R. 411-1 du code de justice administrative et est, par suite, recevable ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

4. Considérant que, pour refuser à Mme le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis, alinéa b, de l'accord franco-algérien modifié en qualité d'ascendant à charge d'un de ses fils de nationalité française, le préfet a estimé qu'elle n'était pas à charge puisqu'elle percevait une pension de retraite en Algérie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, ce faisant, il a fait reposer sa décision sur une erreur de fait ; que Mme est, par suite, fondée à soutenir que les décisions du 24 août 2011, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination sont illégales et doivent être annulées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 de ce code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

7. Considérant que le motif d'annulation mentionné ci-dessus implique seulement que le préfet du Rhône procède au réexamen de la demande de délivrance du certificat de résidence algérien de Mme ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à Mme , dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par Mme et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement n° 1105876, rendu le 8 décembre 2011 par le Tribunal administratif de Lyon, est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet du Rhône du 24 août 2011, refusant à Mme la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme , dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Yahiaouia et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président de chambre,

Mme Mear, président assesseur.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2012.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 12LY00122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00122
Date de la décision : 20/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-09-20;12ly00122 ?
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