Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2011, présentée pour M. Patrice A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000194 du 17 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Côte d'Or a autorisé la société Crédit Immobilier de France (CIF) Centre-Est à le licencier ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il occupait le poste d'analyste crédits ;
- le motif économique n'est qu'un prétexte, l'objectif étant une augmentation des bénéfices du groupe ;
- aucune donnée chiffrée correspondant à l'époque des licenciements n'a été fournie ;
- les chiffres livrés aux représentants du personnel ne sont pas étayés ;
- le groupe est resté fortement bénéficiaire ;
- c'est l'année 2007 qui a connu une baisse importante ;
- l'année du licenciement marquait une reprise ;
- la description de l'augmentation de la concurrence n'est pas étayée par des éléments quantifiables ;
- la baisse de rentabilité était seulement conjoncturelle et non structurelle ;
- il s'agissait seulement pour le groupe de maintenir ses marges et donc ses bénéfices ;
- aucune liste de postes disponibles pour le reclassement au sein du groupe n'a été présentée au comité d'entreprise jusqu'à la consultation finale du 2 avril 2009 ;
- l'ensemble du groupe détenu par les SACICAP intervient dans le domaine de l'accession sociale à la propriété, les filiales financières ou immobilières sont étroitement liées sur le plan opérationnel ;
- le CIF finance l'acquisition de logements par les particuliers ;
- l'ensemble des collaborateurs du groupe exercent des taches immobilières et financières regroupées au sein des SACICAP ;
- les recherches en reclassement n'ont concerné que des CIF alors que d'autres les ont étendues aux SACICAP et à leurs filiales immobilières ;
- le plan de sauvegarde de l'emploi tel que prévu par l'article L. 1233-62 du code du travail est nul ;
- au jour de la consultation des représentants du personnel, aucune recherche dans le groupe n'avait été effectuée ;
- aucune recherche n'a été effectuée pour lui au sein de l'entreprise et du groupe alors qu'étaient disponibles notamment des postes de chargé d'expertise ou de responsable recouvrement et qu'il avait les compétences pour exercer ces fonctions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les courriers en date du 4 janvier 2012 par lesquels, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et la société Crédit Immobilier de France (CIF) Centre-Est ont été mis en demeure de produire leurs observations ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 février 2012, présenté pour la société Crédit Immobilier de France (CIF) Centre-Est, dont le siège est 9 boulevard Rembrandt à Dijon (21078), qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le CIF est un établissement bancaire spécialisé dans le crédit immobilier aux particuliers, dont l'activité est dédiée à l'accession sociale à la propriété ;
- l'intéressé souhaitait quitter l'entreprise comme en témoigne un courrier électronique du 16 novembre 2009 ;
- la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir au niveau du secteur d'activités du groupe répond à un motif économique alors même que n'existerait aucune difficulté économique à la date du licenciement ;
- c'est dans un contexte de contraction des besoins des ménages qu'a été prise la décision de regrouper les filiales régionales et les fonctions support/gestion, pour rationnaliser les coûts ;
- les partenaires sociaux et salariés ont été associés à la restructuration et la consultation des représentants du personnel a porté sur des résultats actualisés ;
- le crédit immobilier a fortement baissé en 2008 et en 2009, la diminution de la production s'expliquant doublement par une perte de clients et le maintien d'un niveau de marge et donc de prix compatibles avec la réglementation ;
- le coefficient d'exploitation s'est dégradé de 60,6 % à 68,8% entre 2004 et 2008 ;
- entre 2008 et 2011, les parts de marché ont persisté à un niveau dégradé inférieur à 5 % ;
- le motif économique est avéré, ayant été notamment confirmé par un jugement du conseil des prud'hommes du 20 décembre 2010 ;
- les postes disponibles ont été présentés aux représentants du personnel et annexés au PSE avant la fin de la consultation obligatoire ;
- la société CIF Développement et ses filiales financières forment un groupe indépendant spécialisé dans le crédit immobilier aux particuliers ;
- il n'y a aucune permutabilité entre les sociétés du groupe CIFD et les sociétés spécialisées dans l'immobilier ;
- le périmètre de recherche de postes de reclassement est ici constitué des 14 sociétés financières régionales du groupe CIFD, à l'exclusion de celles poursuivant une activité spécifique de missions sociales dans le cadre de la politique locale du logement social ;
- l'analyste crédit a pour fonction d'apprécier la faisabilité du prêt demandé ;
- sept offres de reclassement lui ont été proposées, toutes se rapportant à son domaine d'expertise, avec maintien de la rémunération ;
- l'attribution d'un indice inférieur aurait été sans incidence sur sa carrière ;
- le poste de chargé d'expertise qu'il revendique ne relevait pas de ses compétences et il aurait nécessité une formation complémentaire ;
- le poste de responsable de recouvrement nécessitait une formation qualifiante ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les difficultés économiques sont caractérisées par un ralentissement des volumes généré par la crise du secteur bancaire, la hausse des taux d'intérêt et la dégradation de la solvabilité et du pouvoir d'achat des ménages ;
- la liste des postes disponibles au sein du groupe a été présentée au comité d'entreprise lors de la réunion du 10 mai 2009 et intégrée au PSE ;
- le périmètre de reclassement a recouvert l'ensemble des filiales du groupe ayant des activités comparables ;
- l'intéressé a refusé 7 postes équivalents ;
Vu l'ordonnance en date du 9 mars 2012 fixant au 30 mars 2012 la date de clôture de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2012 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
Considérant que par une décision du 25 novembre 2009, l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Côte d'Or a autorisé la société Crédit Immobilier de France (CIF) Centre-Est à licencier pour motif économique M. A qui exerçait les fonctions d'analyste crédits, chargé notamment de l'examen des dossiers de demande de prêts et titulaire du mandat de membre suppléant de la délégation unique du personnel ; que M. A a saisi de cette décision le Tribunal administratif de Dijon qui, par un jugement du 17 mars 2011, a rejeté sa demande ;
Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant que pour autoriser le licenciement de M. A, l'administration, après avoir retenu l'existence d'un motif économique à la demande de la société CIF Centre-Est, tenant à la nécessité pour elle de sauvegarder la compétitivité de ses filiales régionales, et avoir estimé que cette société, faute d'établir qu'elle avait effectivement recherché un reclassement de l'intéressé sur un emploi équivalent et procédé à un examen tant individuel que particulier des possibilités de reclassement, ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant, a cependant considéré que l'intéressé étant " en attente d'un reclassement externe résultant d'une démarche personnelle ", il y avait " lieu de tenir compte de cette spécificité propre à assurer un reclassement effectif du salarié " et que le licenciement projeté était sans lien avec son mandat ;
Considérant que le manquement de la société CIF Centre-Est, relevé dans la décision en litige, à son obligation de reclasser M. A dans l'entreprise ou dans le groupe faisait légalement obstacle à son licenciement ; que, dès lors, en fondant sa décision sur la seule perspective d'un reclassement effectif de l'intéressé à l'extérieur de cette société, l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit ; que compte tenu de ce motif, la société CIF Centre-Est ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle a effectivement procédé à l'examen individuel de la situation de M. A et cherché à le reclasser en son sein ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que les conclusions présentées par la société CIF Centre-Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions formées sur ce même fondement par M. A ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 17 mars 2001 est annulé.
Article 2 : La décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Côte d'Or du 25 novembre 2009 est annulée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A et par la société CIF Centre-Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrice A, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Crédit Immobilier de France Centre-Est.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2012.
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N° 11LY01291