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12/07/2012 | FRANCE | N°11LY00942

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2012, 11LY00942


Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2011, présentée pour la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS KINESITHERAPEUTES, PEDICURES-PODOLOGUES, ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES (CARPIMKO) dont le siège est 6 place Charles de Gaulle à Saint-Quentin en Yvelines (78882) ;

La CARPIMKO demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0703762 du 18 février 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 34 334 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à

lui verser en remboursement des sommes versées à son assurée, Mme A, victi...

Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2011, présentée pour la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS KINESITHERAPEUTES, PEDICURES-PODOLOGUES, ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES (CARPIMKO) dont le siège est 6 place Charles de Gaulle à Saint-Quentin en Yvelines (78882) ;

La CARPIMKO demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0703762 du 18 février 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 34 334 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser en remboursement des sommes versées à son assurée, Mme A, victime d'un accident anesthésique au cours d'une intervention pratiquée dans cet établissement le 10 janvier 2000 ;

2°) de porter la somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à lui verser à 67 988,23 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'à la suite de l'accident anesthésique dont a été victime Mme A, le 10 janvier 2000, lors d'une intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier universitaire de Grenoble, elle a versé à l'intéressée pour la période allant du 8 avril 2000 au 8 janvier 2001 la somme de 14 496,80 euros au titre des indemnités journalières et la somme de 53 491,43 euros au titre de la rente invalidité servie du 9 janvier 2001 au 30 juin 2003 ;

- que la SHAM, assureur du centre hospitalier universitaire de Grenoble, a reconnu expressément la responsabilité de cet établissement hospitalier ;

- que l'expertise ayant retenu une incapacité permanente partielle de 15 %, les prestations versées après le 14 décembre 2001 doivent s'imputer sur ce poste de préjudice ;

- qu'il est légitime que la créance invoquée prenne en compte la prestation servie jusqu'au 30 juin 2003, date du terme de la rente d'invalidité dès lors qu'elle a constaté l'incapacité de Mme A à l'exercice de sa profession jusqu'au 30 juin 2003 ;

- que la décision de la commission de reclassement de la CARPIMKO du 19 août 2002 visant à constater que Mme A pouvait exercer une autre profession conforte l'inaptitude de l'assurée à la reprise de son activité professionnelle libérale initiale ;

- qu'il ne saurait dès lors lui être fait grief de ne pas justifier des raisons pour lesquelles elle a retenu la date du 30 juin 2003 comme terme de l'incapacité professionnelle de son assurée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- qu'une personne publique ne saurait être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas et que la responsabilité d'un établissement hospitalier ne peut être engagée que dans la mesure où les préjudices dont il est demandé réparation présentent un lien de causalité direct et certain avec les actes réalisés dans ce centre hospitalier ;

- qu'en l'espèce il ressort du rapport d'expertise amiable que la date de consolidation de Mme A a été fixée au 14 décembre 2001 ; qu'à compter de cette date, Mme A n'a plus été considérée comme inapte à la reprise d'une activité professionnelle ; que la CARPIMKO a elle-même considéré que Mme A pouvait exercer une nouvelle profession ; que c'est donc à juste titre que le tribunal administratif a jugé que la requérante n'avait droit au remboursement de la rente d'invalidité que dans la mesure où elle a été versée jusqu'au 14 décembre 2001 ; que seuls les arrérages de cette rente versés jusqu'à cette date présentent un lien de causalité direct et certain avec la faute imputée au centre hospitalier universitaire de Grenoble ; que la rente d'invalidité versée après la date de consolidation ne présente aucun lien de causalité avec cette faute ; que, du reste, Mme A a repris une activité ; que la CARPIMKO ne s'explique pas sur la date retenue comme fin de versement de la rente d'invalidité et que l'on ne connaît donc pas les raisons pour lesquelles elle a décidé de verser cette rente d'invalidité jusqu'au 30 juin 2003 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier universitaire de Grenoble ;

Considérant que lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 10 janvier 2000 au centre hospitalier universitaire de Grenoble, Mme A, infirmière libérale, assurée auprès de la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS KINESITHERAPEUTES, PEDICURES-PODOLOGUES, ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES (CARPIMKO), a été victime d'un accident anesthésique ; qu'à la suite de cet accident, la CARPIMKO a versé à son assurée des indemnités journalières et une rente invalidité ; que, parallèlement, Mme A a été indemnisée de ses préjudices dans le cadre d'une transaction intervenue entre elle et la société hospitalière d'assurance mutuelle, assureur du centre hospitalier ; que la CARPIMKO a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à être indemnisée par le centre hospitalier universitaire de Grenoble des débours qu'elle a exposés à la suite de l'accident anesthésique dont Mme A a été victime ; que la CARPIMKO relève appel du jugement du 18 février 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 34 334 euros l'indemnité que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à lui verser ;

Considérant que le centre hospitalier universitaire de Grenoble ne conteste pas qu'une faute de nature à engager sa responsabilité a été commise lors de l'intervention chirurgicale subie le 10 janvier 2000 par Mme A ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise amiable du 27 août 2008 dont les conclusions ne sont pas davantage contestées, que la consolidation était acquise au 14 décembre 2001 et que Mme A, atteinte d'une incapacité permanente fixée à 15 %, n'était pas à même de reprendre son activité d'infirmière libérale mais pouvait exercer son métier dans un cadre adapté ;

Considérant, d'une part, que la CARPIMKO justifie avoir versé à son assurée entre le 8 avril 2000 et le 8 janvier 2001 des indemnités journalières pour un montant de 14 496,80 euros ; que, d'autre part, la CARPIMKO a ensuite servi à Mme A une rente pour invalidité, pour un montant de 53 491,43 euros ; que, selon le décompte de ces prestations, les sommes versées à Mme A à titre d'indemnités journalières et au titre de la rente d'invalidité, pour la période du 8 avril 2000 au 8 janvier 2001, pour les premières, et du 9 janvier 2001 au 14 décembre 2001, pour la seconde, visent à compenser les " pertes de gains professionnels échus " ; que le même document précise que la rente d'invalidité allouée à la victime pour la période du 15 décembre 2001 au 30 juin 2003, soit postérieurement à la date de consolidation, tend à compenser la " perte de gains professionnels futurs " ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 321-1 du même code : " L'assurance maladie comporte : (...) 5°) L'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 341-1 dudit code : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme. " ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er des statuts du régime d'assurance invalidité décès de la CARPIMKO : " Conformément à l'article L. 644-2 du code de la sécurité sociale, il est institué un régime d'assurance invalidité décès, fonctionnant dans le cadre de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs- kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes " ; qu'aux termes de l'article 3 des mêmes statuts : " Le régime a pour objet l'attribution des prestations suivantes : (...) 2° en cas d'invalidité permanente temporaire de l'adhérent, de plus de 365 jours, le service d'une rente annuelle d'invalidité assortie éventuellement de suppléments pour charges de famille et tierce personne (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 des mêmes statuts : " La rente d'invalidité prévue au 2° de l'article 3 est allouée à tout affilié à compter du premier jour de la deuxième année suivant l'incapacité reconnue dans les conditions de l'article 12 (...) Elle peut être versée : a) en cas d'incapacité temporaire, lorsque l'intéressé n'est pas titulaire d'un avantage de vieillesse servi par la caisse, jusqu'au jour précédant celui de la reprise d'activité et au plus tard, jusqu'au dernier jour du trimestre civil au cours duquel il atteint son 65e anniversaire (...) " ;

Considérant que les prestations versées par une caisse de sécurité sociale destinées à compenser, notamment, le préjudice de son assuré correspondant à des pertes de revenus peuvent donner lieu au recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale contre le tiers responsable de ce préjudice dès lors qu'elles correspondent à des indemnités journalières ou à la pension d'invalidité prévues respectivement par les articles L. 321-1 et L. 341-1 du même code et qu'elles sont en lien direct avec le dommage corporel imputable à ce tiers ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, qu'en raison de l'incapacité dont elle demeure atteinte à la suite de l'accident d'anesthésie dont elle a été victime le 10 janvier 2000, Mme A n'est plus en mesure d'exercer son activité d'infirmière libérale, et que la rente d'invalidité qui lui a été versée, même postérieurement à la date de consolidation, est destinée à compenser la perte de revenus liée à cette incapacité ; que, dès lors, la CARPIMKO a droit au remboursement de la totalité des sommes qu'elle a versées à son assurée à ce titre, qui s'élèvent à 67 988,23 euros ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à 34 334 euros la somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à lui verser ;

Considérant que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que la CARPIMKO, qui n'a pas adressé sa demande préalable au centre hospitalier universitaire de Grenoble mais à l'assureur de celui-ci, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 67 988,23 euros à compter de l'enregistrement de sa demande au Tribunal administratif de Grenoble, soit le 27 juillet 2007 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble le versement à la CARPIMKO d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à payer à la CARPIMKO par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 18 février 2011 est portée à 67 988,23 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2007.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 18 février 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Grenoble versera à la CARPIMKO la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2012.

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N° 11LY00942 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00942
Date de la décision : 12/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : WECKERLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-07-12;11ly00942 ?
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