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28/06/2012 | FRANCE | N°11LY01710

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 juin 2012, 11LY01710


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour Mme Anita A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904780 du 10 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 160 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux de M. B, décédé le 19 juillet 2009 ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 4 000 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'il ressor...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour Mme Anita A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904780 du 10 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 160 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux de M. B, décédé le 19 juillet 2009 ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'il ressort des termes mêmes de son rapport que l'expert a mené sa mission sans respecter les principes d'impartialité et du contradictoire ; qu'il n'a pas répondu à ses observations ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté toute responsabilité des Hospices civils de Lyon au motif " que la radiothérapie préopératoire a été décidée dans le cadre d'une concertation multidisciplinaire " alors que le dossier médical communiqué par les Hospices civils de Lyon ne contient aucun document relatif à cette concertation, dont l'existence, comme les conclusions, sont seulement affirmées sans être démontrées ;

- que la radiothérapie préopératoire est considérée comme un facteur de risque de développement d'une fistule anastomotique colorectale basse et que le professeur Vignal a émis un avis défavorable à ce traitement ;

- qu'il ressort du rapport d'expertise que la victime n'a pas été informée des risques de stomie définitive liés à l'opération ; que ce défaut d'information constitue une faute de nature à entraîner à elle seule la responsabilité du service hospitalier ; que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté toute faute au motif que la tumeur dont souffrait M. B l'exposait à des complications sévères, ainsi qu'à une mortalité à échéance de 10 ans ne laissant subsister aucune alternative thérapeutique à la chirurgie ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'absence de nombreux documents médicaux lors de l'expertise ne peut pas en elle-même engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon au motif que ces carences seraient restées sans incidence sur les conclusions de l'expert ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu que l'incapacité de l'expert à connaître et apprécier l'antibioprophylaxie tout autant que la réunion de concertation multidisciplinaire seraient restées sans incidence sur ses conclusions ; que la rétention de tels documents caractérise une faute qui engage la responsabilité de l'hôpital ;

- que, de même, l'expert est resté silencieux sur l'incidence des conditions défaillantes de prise en charge de son époux en pleine période caniculaire dans la survenue des complications neurologiques et physiques ; que la dénutrition maintenue plus d'un mois et demi après le déclenchement de l'état septique révèle en elle-même un grave dysfonctionnement du service hospitalier et est un facteur de risque favorisant l'apparition d'une fistule anastomotique colorectale, sur lequel l'expert ne s'explique pas ;

- que cette prise en charge défaillante est en lien direct avec les préjudices physiques et neurologiques de M. B ; que, quelle que soit la nature des troubles neurologiques de M. B, l'élément déclencheur de leur apparition a été le choc septique du 20 octobre 2003 et l'épisode de réanimation qui a suivi, eux-mêmes causés directement par les multiples fautes quant à la prise en charge dont il a fait l'objet ; que le diagnostic selon lequel l'état neurologique serait la maladie de Pick est contredit par la littérature spécialisée en la matière et n'a jamais été affirmé ni discuté contradictoirement lors des opérations d'expertise ;

- quant à l'évaluation du préjudice, l'expert estime que l'incapacité temporaire de travail partiel s'étend du 8 octobre 2004 au 24 octobre 2005 ; que l'incapacité permanente partielle se répartit de la manière suivante : incapacité liée à la stomie appareils : 20 % ; incapacité liée à l'éventration de petite taille : 8 % ; fistule périnéale : 7 % ; que l'évaluation de l'incapacité permanente partielle d'une stomie définitive est sous-évaluée ; qu'elle doit plutôt correspondre à 30 % compte tenu du barème de droit commun ; que, contrairement à ce que retient l'expert, le taux d'incapacité permanente partielle en relation avec les troubles neurologiques qui sont directement imputables aux fautes du service hospitalier doit être totalement pris en compte et être évalué à 40 % au minimum ; que l'incapacité permanente partielle doit être évaluée à 85 % ; que les souffrances endurées sont évaluées à 5,5 /7 et le préjudice esthétique à 4/7 ; que jusqu'à son décès M. B n'était pas autonome et avait besoin de la présence constante d'une tierce personne ; qu'il était incapable d'exercer une activité professionnelle et avait perdu toutes ses capacités antérieures à réaliser ses projets ; qu'il était fondé à demander la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 45 000 euros au titre de l'incapacité temporaire de travail, 60 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, 15 000 euros au titre du préjudice esthétique et 25 000 euros au titre du trouble dans ses conditions d'existence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2012, présenté pour les Hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête ;

Ils soutiennent :

- à titre principal, que la requête est irrecevable en ce qu'elle est la simple reproduction du mémoire de première instance ;

- à titre subsidiaire, que l'allégation suivant laquelle l'expert aurait mené sa mission sans respecter le principe d'impartialité et le principe du contradictoire ne repose sur aucun élément de preuve ; que l'expert a indiqué de façon précise les raisons pour lesquelles il estime que les séquelles neurologiques de M. B ne pouvaient être rattachées à la réanimation pratiquée à l'hôpital ; que la requérante ne produit aucun élément susceptible de mettre en doute le bien-fondé de cette affirmation ; qu'il découle des constatations de l'expertise que l'apparition d'une fistule anastomotique constitue un risque inhérent à l'intervention qui a été pratiquée ; que le fait que la radiothérapie a pu favoriser l'apparition de cette fistule n'est mentionné qu'à titre d'hypothèse ; qu'en tout état de cause, les traitements subis par M. B étaient tous nécessaires pour tenter d'éradiquer une tumeur dont l'évolution aurait conduit au décès du patient ; que c'est donc à juste titre que le Tribunal a rejeté le moyen tiré de ce que M. B n'aurait pas fait l'objet de traitements appropriés ou aurait été exposé à des risques excessifs ; que l'existence d'un défaut d'information ne découle pas du dossier ; qu'à supposer que le risque de stomie définitive n'ait pas été mentionné, cette conséquence ne faisait pas partie des risques inhérents à l'intervention puisque, comme le relève l'expert, un rétablissement de la continuité digestive était initialement prévu ; qu'en tout état de cause, l'expert a indiqué qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique à la chirurgie proposée ; que c'est donc à juste titre que le tribunal administratif a considéré qu'à supposer qu'il y ait eu défaut d'information, celui-ci n'était à l'origine d'aucune perte de chance indemnisable ;

- que si l'expert a relevé l'absence de certains documents médicaux, il ne résulte d'aucun élément du dossier que cela ait pu avoir des conséquences sur les soins prodigués à M. B ; que l'expert n'a pas non plus indiqué que cet élément aurait pu avoir une incidence sur le déroulement de l'expertise ; qu'il n'y a donc pas de lien de causalité entre cet élément et le préjudice ; que si l'expert a mentionné l'état de dénutrition de M. B, il ne l'a pas imputé à une carence de soins hospitaliers ; qu'il a au contraire mentionné qu'il s'agissait de comorbidité somatique dont les causes étaient multifactorielles ; que d'ailleurs, les affections cancéreuses entraînent très souvent des amaigrissements très importants ;

- que le choc septique du 20 octobre 2003 n'est pas la cause des troubles neurologiques du patient qui se sont aggravés à partir de juillet 2005 et que l'expert a d'ailleurs relevé que les éléments de nature neurologique sont en faveur d'une pathologie dégénérative, indépendante de l'épisode de choc septique du 20 octobre 2003 ;

- qu'à titre subsidiaire, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme non fondées et, en tout et de cause, excessives ; que l'expert, n'ayant pas retenu l'existence de fautes, n'a pas cherché à évaluer la part du préjudice qui pourrait leur être imputable ; que si la responsabilité des Hospices civils de Lyon était retenue, une expertise complémentaire serait nécessaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grange, avocat de Mme A ;

Considérant que M. Bernard B a été hospitalisé au centre hospitalier Lyon Sud, qui dépend des Hospices civils de Lyon, pour la résection d'une tumeur du rectum, qui a été réalisée le 5 août 2003 après plusieurs séances de radiothérapie préopératoire ; qu'à compter du 10 août 2003, l'état de santé du patient n'a pas évolué favorablement et il a été victime, le 20 octobre 2003, d'un choc septique avec collapsus cardio-vasculaire nécessitant un passage en réanimation ; que, par la suite, M. B a présenté des troubles neurologiques et a été placé en invalidité professionnelle, puis sous tutelle en avril 2006 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 160 000 euros en réparation des préjudices extra patrimoniaux de son époux, décédé le 19 juillet 2009 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, saisie par M. B, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Rhône-Alpes a ordonné une expertise ; qu'il n'appartient pas au juge de contrôler la régularité des opérations d'une telle expertise ; que le rapport de l'expert, qui a été communiqué aux parties et a pu être discuté par elles dans le cadre de la procédure juridictionnelle, pouvait régulièrement être retenu par le Tribunal à titre d'élément d'information ;

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. ­ Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que le rapport d'expertise, qui fait état du phénomène de dénutrition qu'a connu M. B, n'en attribue pas la cause aux conditions dans lesquelles celui-ci a été pris en charge au centre hospitalier Lyon Sud au cours de l'été 2003, marqué par un phénomène de canicule exceptionnelle ; que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'imputer le choc septique dont son mari a été atteint le 20 octobre 2003 à son état de dénutrition, qui pouvait avoir d'autres causes, dont les complications qui ont suivi l'intervention qu'il a subie le 5 août 2003 ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le rapport d'expertise indique que le recours à la radiothérapie préopératoire a pu favoriser les complications qui sont survenues postérieurement à l'opération de résection réalisée le 5 août 2003, il ne fait état, toutefois, d'aucune certitude sur ce point ; que si l'expert indique que le professeur Vignal, qui a opéré M. B, a émis, dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, un avis défavorable au recours à la radiothérapie, il ne conclut pas au caractère inapproprié d'un tel traitement ; que, par suite, la requérante, qui ne fait état d'aucun autre élément que ceux contenus dans le rapport de l'expert, n'établit pas que le recours à la radiothérapie préopératoire a présenté un caractère fautif ;

Considérant, en troisième lieu, que si l'expert s'est interrogé sur le rôle du choc septique survenu en octobre 2003 dans l'apparition des troubles neurologiques dont M. B a été atteint, il estime, en s'appuyant notamment sur l'avis formulé par le médecin psychiatre des hôpitaux qui a examiné l'intéressé, en 2005, dans le cadre d'une demande de protection judiciaire eu égard aux troubles comportementaux qu'il présentait, que ces troubles provenaient d'une pathologie neuro-dégénérative ; qu'ainsi, ces troubles neurologiques ne sont pas imputables à une faute des Hospices civils de Lyon ;

Considérant, enfin, que si l'expert mentionne que le dossier médical ne contient pas de trace écrite qu'une information a été donnée à M. B quant aux risques que comportait l'opération de résection de la tumeur dont il souffrait, s'agissant notamment de la mise en place d'une stomie définitive, il ressort de ce même rapport qu' " il n'y avait pas d'alternative thérapeutique à la chirurgie proposée " ; que l'expert indique à cet égard que le défaut de prise en charge thérapeutique de la pathologie pouvait conduire, outre à une mort certaine dans les dix ans, à des complications métastatiques ainsi qu'à un risque d'occlusion ; que, dès lors, le défaut d'information n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, pour M. B, de perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anita A, aux Hospices civils de Lyon et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2012.

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N° 11LY01710 2


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