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21/06/2012 | FRANCE | N°11LY01832

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 21 juin 2012, 11LY01832


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2011, présentée pour Mlle Caroline A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0804837 du 20 mai 2011 en tant qu'il a limité à 4 700 euros la somme qu'il a condamné le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à lui verser en réparation de ses préjudices à la suite de la faute médicale commise lors de l'intervention du 5 avril 2006 ;

2°) d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Mau

rienne une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2011, présentée pour Mlle Caroline A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0804837 du 20 mai 2011 en tant qu'il a limité à 4 700 euros la somme qu'il a condamné le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à lui verser en réparation de ses préjudices à la suite de la faute médicale commise lors de l'intervention du 5 avril 2006 ;

2°) d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal a retenu la responsabilité du centre hospitalier à raison du manquement consistant à ne pas avoir réalisé une ostéosynthèse avec un clou gamma long ; que le Dr B a considéré que son état n'était pas consolidé ; que ses conclusions sont contraires à celles du Dr C ; qu'elle est fondée à demander une expertise judiciaire pour évaluer son préjudice ; que le Tribunal ne pouvait estimer avoir des éléments suffisants pour chiffrer son préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2012, présenté pour l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes, tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à lui payer la somme de 12 196,58 euros au titre de ses débours et à la mise à sa charge de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2012, présenté pour le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que le juge n'est jamais tenu de faire droit à une demande d'expertise ; que deux expertises amiables ont déjà été réalisées ; que la notion de consolidation a pour objet de fixer le moment où il devient possible d'évaluer le degré d'incapacité permanente dont demeure atteint le patient même si des soins demeurent nécessaires ; qu'à la date de l'expertise du Dr C, Mlle A n'était atteinte d'aucune incapacité permanente ; que les soins esthétiques sont sans incidence sur la consolidation de son état ; que la consolidation doit être fixée à la date à laquelle l'incapacité résultant de l'échec de la première intervention a cessé, soit le 27 juin 2006 ; que le Dr B confond consolidation et impossibilité d'amélioration esthétique ; que la nomenclature Dintilhac n'est pas retenue par le juge administratif ; que le juge administratif peut procéder à une évaluation globale des préjudices personnels ; que le Tribunal a évalué le préjudice de Mlle A conformément à la jurisprudence ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 avril 2012, présenté pour Mlle A, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, le versement d'une indemnité globale de 52 028,85 euros ;

Elle soutient, en outre, que le montant total des dépenses de santé restées à sa charge s'élève à 3 819,58 euros ; qu'elle a eu besoin d'une assistance de 3 heures par jour, du 11 avril au 27 avril 2006 ; que la perte de salaire subie s'élève à 3 849,27 euros ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 25 avril 2012, présenté pour l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes, tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes ;

Elle soutient en outre, que du fait de la faute de l'hôpital, elle a versé à Mlle A des indemnités journalières pendant une durée de 25 jours, d'un montant de 1 477 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Coutin, avocat de Mlle A et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne ;

Considérant que, victime d'une chute de ski le 4 avril 2006 lui ayant occasionné une fracture complexe du fémur droit, Mlle A a été opérée le lendemain au centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne avec mise en place d'un clou gamma court ; qu'après son rapatriement en Belgique, elle a été de nouveau opérée le 28 avril 2006 afin de remplacer le clou gamma court par un clou gamma long ; que par le jugement attaqué, du 20 mai 2011, le Tribunal administratif de Grenoble a reconnu la responsabilité du centre hospitalier à raison de la faute médicale ayant consisté à pratiquer une ostéosynthèse avec un clou gamma court ne permettant pas une réduction suffisante des fractures, et a indemnisé les préjudices personnels de Mlle A imputables à cette faute ;

Considérant que si Mlle A soutient que les expertises amiables figurant au dossier seraient insuffisantes pour permettre une évaluation de ses préjudices, il ne résulte pas de l'instruction qu'une nouvelle mesure d'expertise présente un caractère utile ; que Mlle A n'est donc pas fondée à soutenir que le Tribunal aurait statué au vu d'un dossier incomplet ;

Considérant que le centre hospitalier de Saint-Jean de Maurienne ne conteste pas le principe de sa responsabilité à raison de la faute commise lors de l'intervention du 5 avril 2006 ayant nécessité la reprise chirurgicale du 28 avril 2006 ;

Sur les préjudices subis par Mlle A et les droits de l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes justifie par un état détaillé de frais d'hospitalisation et de soins en lien direct avec la faute de l'hôpital, entre le 13 avril et le 5 mai 2006 correspondant en partie à la période d'incapacité temporaire subie par Mlle A, d'un montant de 3 792,21 euros ; que, toutefois, les frais de kinésithérapie correspondant à des soins habituels en cas de fracture du fémur, ne peuvent être regardés comme imputables à la faute du centre hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais de santé en lien direct avec la faute de l'hôpital, restés à la charge de Mlle A, s'élèvent à la somme de 432,62 euros ;

Quant aux pertes de revenus :

Considérant que l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes a versé à Mlle A des indemnités journalières du fait de la faute de l'hôpital pendant une durée de 25 jours, d'un montant de 1 477 euros dont elle est en droit d'obtenir le remboursement ;

Considérant que Mlle A ne justifie pas que les pertes de revenus alléguées n'auraient pas été entièrement compensées par les indemnités journalières qui lui ont été versées par l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes ;

Quant aux frais d'assistance par tierce personne :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que Mlle A s'est trouvée dans l'incapacité de se déplacer pendant la période du 11 avril au 27 avril 2006 et qu'elle a dû bénéficier d'une assistance pour les actes élémentaires de la vie quotidienne de 3 heures par jour ; qu'il sera fait une juste appréciation du coût d'une telle assistance, compte tenu du salaire minimum moyen sur cette période, augmenté des charges sociales, en le fixant à la somme de 10 euros de l'heure ; qu'il y a donc lieu d'accorder à Mlle A une somme de 480 euros à ce titre ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant, d'une part, que les postes de préjudice ne donnant lieu au versement d'aucune prestation imputable à la faute de l'établissement hospitalier peuvent faire l'objet d'une indemnisation globale au profit de la victime ; que, par suite, les préjudices à caractère personnel de Mlle A peuvent donner lieu à une indemnisation globale, dès lors qu'ils n'ont pas été pris en charge par l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes ;

Considérant, d'autre part, que l'indemnisation des préjudices de la victime relève de la seule appréciation du juge qui n'est pas lié par une nomenclature ;

Considérant que la consolidation correspond à la date à partir de laquelle l'état de santé de la victime n'est plus susceptible d'être amélioré de manière appréciable et rapide par un traitement médical approprié ; que la consolidation ne se confond pas nécessairement avec la fin de la période d'incapacité temporaire totale pendant laquelle la victime n'est pas en mesure de se livrer à ses activités habituelles ; qu'il résulte de l'instruction que le chirurgien a constaté, le 27 juin 2006, que l'anomalie de rotation affectant la jambe de Mlle A avait disparu ; que dès lors cette date correspond à la consolidation de son état ;

Considérant que du fait de la faute du centre hospitalier, Mlle A a subi une période de déficit fonctionnel temporaire d'une durée de 25 jours entre le 11 avril et le 5 mai 2006, pendant laquelle elle est restée alitée dans l'attente de subir une nouvelle hospitalisation nécessaire au changement du clou gamma court ; que son préjudice esthétique, évalué à 1 sur une échelle de 1 à 7, tient compte du léger élargissement de l'ancienne cicatrice résultant de la seconde intervention ; que, toutefois, le préjudice esthétique lié à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse est sans lien avec la faute ; que l'évaluation de ses souffrances physiques, classées au niveau 3,5 sur 7, tient compte de la nécessité d'une deuxième intervention et des douleurs endurées pendant la période qui l'a précédée ; que le Tribunal a fait une juste appréciation des préjudices personnels de Mlle A en lui accordant la somme globale de 4 700 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne doit être condamné à verser à Mlle A une somme de 432,62 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge, une somme de 480 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne, une somme de 4 700 euros au titre des préjudices à caractère personnel ainsi qu'une somme de 5 269,21 euros à l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes ; qu'il s'ensuit que l'indemnité totale que le centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne a été condamné à payer à Mlle A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2011 doit être portée à 5 612,62 euros et qu'il y a lieu d'accorder à l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes le remboursement d'une somme de 5 269,21 euros ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais exposés par Mlle A et l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le Centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne a été condamné à payer à Mlle A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2011 est portée à 5 612,62 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne est condamné à verser à l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes la somme de 5 269,21 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne versera à Mlle A et à l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes chacune la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Caroline A, à l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes et au centre hospitalier de Saint-Jean-de Maurienne.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2012.

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N° 11LY01832


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP COUTIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 21/06/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY01832
Numéro NOR : CETATEXT000026075546 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-06-21;11ly01832 ?
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