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31/05/2012 | FRANCE | N°11LY02186

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 mai 2012, 11LY02186


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, présentée pour M. Mehdi A, ...;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 1005616 du 7 juin 2011 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite du préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 48 heures à compter d

e la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, présentée pour M. Mehdi A, ...;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 1005616 du 7 juin 2011 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite du préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 050 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté du préfet de la Drôme du 3 mai 2011 refusant de lui accorder un titre de séjour a retiré la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour ; qu'il n'y avait pas lieu pour le Tribunal de statuer sur cette décision ; qu'il vit en concubinage avec une compatriote en situation régulière, qu'il est père d'un enfant dont il s'occupe, que ses parents et ses frères et soeurs vivent en France ; que le Tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision contestée a été prise en violation des articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention de New-York ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2011, présenté par le préfet de la Drôme, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A et Mme B ont déclaré vivre ensemble depuis juillet 2009 ; que le requérant ne prouve pas la durée, l'ancienneté et la stabilité de liens privés et familiaux en France ; qu'il a reconnu l'enfant de Mme B plus d'un an après sa naissance et n'a jamais prouvé contribuer à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ; que l'intéressé ne peut soutenir qu'il craint pour sa vie en retournant en Turquie dès lors que les autorités de ce pays lui ont délivré un passeport ; que la mesure contestée n'a pas pour but de séparer la famille qu'il prétend constituer avec Mme B ;

Vu la décision du 16 septembre 2011 refusant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2011 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant turc, né en 1982, a sollicité un titre de séjour auprès de la préfecture de la Drôme, le 16 juin 2010 ; que du silence gardé par le préfet sur cette demande pendant quatre mois est née une décision implicite de rejet le 16 octobre 2010, que M. A a contestée devant le Tribunal administratif de Grenoble ; qu'il fait appel du jugement du 7 juin 2011 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que l'arrêté du 3 mai 2011 par lequel le préfet de la Drôme a explicitement rejeté la demande de titre de séjour de M. A, constitue une décision confirmative de son refus implicite et n'a pas eu pour effet de le retirer ; que les conclusions de la demande de M. A devant le tribunal administratif à fin d'annulation de ce refus implicite ne sont donc pas devenues sans objet ;

Considérant toutefois que dans sa demande devant le tribunal administratif, M. A avait soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre du refus implicite du préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision implicite de refus de séjour en litige ; qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;

Sur la légalité du refus de titre séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des lois et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. A n'établit pas la réalité de sa présence en France depuis le 21 février 2004 ; que s'il fait valoir qu'il vit en concubinage avec une compatriote et qu'il est père d'un enfant né de sa relation avec cette dernière, le couple a lui-même déclaré vivre ensemble depuis le 1er juillet 2009 ; que, dans ces conditions, la décision du préfet de la Drôme n'a pas porté aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour ces mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313­11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que M. A ne justifie pas d'une situation exceptionnelle, ni de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir de ces dispositions ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits des enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que toutefois, M. A ne prouve pas la réalité d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite du préfet de la Drôme refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2011 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation du refus implicite du préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mehdi A et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2012.

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N° 11LY02186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02186
Date de la décision : 31/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-31;11ly02186 ?
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