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31/05/2012 | FRANCE | N°10LY02585

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 mai 2012, 10LY02585


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2010, présentée pour Mme Nathalie A et M. François-Nicolas A, domiciliés ... ;

Mme et M. A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800896 du 14 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de l'Yonne à leur verser une indemnité en réparation des conséquences du décès de leur époux et père, M. Jean C, survenu le 4 juillet 2006 ;

2°) de condamner le département de l'Yonne à leur verser les sommes de 417 977,23 euros et

50 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2008 et capitalisation...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2010, présentée pour Mme Nathalie A et M. François-Nicolas A, domiciliés ... ;

Mme et M. A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800896 du 14 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de l'Yonne à leur verser une indemnité en réparation des conséquences du décès de leur époux et père, M. Jean C, survenu le 4 juillet 2006 ;

2°) de condamner le département de l'Yonne à leur verser les sommes de 417 977,23 euros et 50 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2008 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Yonne une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que le jugement est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que, après avoir ordonné une mesure d'instruction auprès de la gendarmerie nationale, le 7 décembre 2009, le tribunal administratif n'a pas communiqué aux parties la réponse à cette mesure, qui lui est pourtant parvenue le 31 décembre 2009 ; que cet élément a très certainement déterminé la solution retenue pas le Tribunal ;

- que l'examen de la fiche d'instruction sur la base Sagace révèle que le Tribunal a sollicité la communication de pièces au département de l'Yonne le 6 mars 2009 ; que ces pièces ont été communiquées au Tribunal le 24 mars 2009, sans jamais avoir été portées à la connaissance des autres parties ;

- qu'il en va de même s'agissant de la réponse à la demande adressée à la société Colas ;

- qu'une nouvelle demande de pièces pour compléter l'instruction, adressée au département de l'Yonne le 19 novembre 2009, n'a pas donné lieu à une information des parties ;

- qu'au vu d'une note en délibéré du 24 juin 2010 le Tribunal a rouvert l'instruction sans communiquer cette note en délibéré aux autres parties ;

- que le Tribunal n'avait pas à faire droit à la demande du département de l'Yonne de rouvrir les débats sans au préalable recueillir les observations des autres parties ;

- qu'en conférant d'emblée un caractère déterminant aux notes en délibéré ainsi qu'aux attestations sans que les autres parties aient préalablement pu en avoir connaissance, le Tribunal a violé le principe de la contradiction ;

- que le département et son conseil ont recouru à un procédé déloyal consistant, sans en avertir les autres parties, à adresser des notes en délibéré au Tribunal ; qu'à l'une de ces deux notes en délibéré était jointe l'attestation de l'adjudant de gendarmerie Alexandre qui a été établie à la demande du conseil du département de l'Yonne et qui présente un caractère de faux témoignage ;

- que depuis l'origine de l'instance en avril 2008, le procès-verbal de gendarmerie est l'objet de leurs critiques, sans que pour autant, la gendarmerie, observateur à l'instance, n'ait jamais contesté leur argumentation, alors qu'elle était en possession de leurs écritures ;

- que cela démontre que pour obtenir le témoignage forcé de M. Alexandre, l'avocat du département a choisi de présenter de fausses informations en ce qu'il a prétendu que l'avocat des requérants était présent à l'audience du 27 juin 2010 ; qu'en outre cette attestation a été obtenue par un procédé non contradictoire et déloyal ;

- que la démarche suivie par le département et son conseil, consistant à obtenir une attestation de l'une des parties selon un procédé frauduleux méconnaît le principe du contradictoire et porte atteinte aux règles de l'instruction du procès administratif qui incombe normalement au Tribunal ;

- que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités s'agissant de la composition de la formation de jugement dès lors que les mentions qu'il comporte ne permettent pas, par elles-mêmes, contrairement aux exigences de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, de s'assurer que les mêmes personnes ont siégé en audience publique et lors du délibéré ; qu'à cet égard la formule figurant à la fin du jugement est ambigüe puisqu'elle ne permet pas de s'assurer, par elle-même, que les magistrats qui siégeaient ont été les mêmes que ceux qui ont délibéré ;

- que le jugement ne répond pas aux exigences d'une motivation suffisante ;

- que le département de l'Yonne est responsable des dommages survenus à Mme A et à son fils sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public que constitue la route départementale n° 955 ;

- que contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, le département n'a pas apporté la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage sur lequel l'accident s'est produit ;

- que le Tribunal ne pouvait pas fonder son jugement sur un procès-verbal de gendarmerie qui comporte de graves carences ; qu'eu égard à la date qu'il comporte, soit le 11 juillet 2006, ce rapport n'établit pas la présence de panneaux de signalisation le jour de l'accident, soit le 4 juillet 2006 ; que, de la même manière, les clichés photographiques qui accompagnent ce procès-verbal, dès lors qu'ils ne comportent aucune date, ne permettent pas davantage d'établir la présence de panneaux de signalisation au jour de l'accident ;

- que, compte tenu de l'heure à laquelle s'est produit l'accident, il est peu probable que les deux enquêteurs de gendarmerie présents sur les lieux, eu égard aux autres tâches qu'ils devaient réaliser, aient trouvé le temps de prendre ses clichés le jour même de l'accident, à une heure où il faisait encore jour ;

- que ce procès-verbal n'a été établi que le 11 juillet 2006, soit sept jours après l'accident ;

- que dans ces conditions, le département ou toute entreprise chargée des travaux, était en mesure de mettre en place une signalisation adéquate après l'accident ;

- qu'en outre, les pompiers volontaires qui sont intervenus à la suite de l'accident, qui habitent à Toucy, ont nécessairement eu le réflexe d'alerter les services départementaux de l'équipement ou les entreprises pour mettre en place une signalisation adéquate et éviter qu'un tel accident ne se reproduise ;

- que les témoignages qu'ils produisent établissent l'absence de signalisation adéquate au moment de l'accident ; que ces témoignages apparaissent plus probants que le seul et unique témoignage recueilli par la gendarmerie ;

- que les gendarmes n'ont procédé à l'audition que d'un seul témoin qui ne fait aucunement référence à la présence ou à l'absence de signalisation ; que ce témoin avoue même n'avoir rien vu de l'accident ; que ce témoignage aurait dû conduire les gendarmes à recueillir d'autres témoignages dès lors que la gendarmerie de Toucy n'a clôturé son enquête que le 25 juin 2007 ;

- que ce rapport de gendarmerie comporte une grave lacune dans la mesure où il précise que le témoignage de l'entreprise qui a effectué les travaux et qui avait en charge la signalisation, n'a jamais été recueilli ;

- qu'à l'endroit où s'est produit l'accident, la route est bordée par un dénivelé de 3 m et que le schéma établi par les gendarmes montre que malgré ce danger supplémentaire non signalé, la glissière de sécurité est interrompue juste avant l'endroit où s'est produite la chute du véhicule ;

- que plusieurs témoignages de personnes arrivées sur les lieux attestent que la signalisation était insuffisante en ce que seule une limitation de vitesse à 50 km/h avait été signalée au niveau même de la chaussée comportant des gravillons ;

- que ces témoignages attestent que la couche de gravillons étaient très importante puisque de nombreux pare-brise ont été endommagés ;

- que le département n'est pas fondé à invoquer la faute de la victime ; qu'il ne saurait être soutenu que la cause de l'accident est la conséquence d'une vitesse excessive alors qu'aucune pré-signalisation n'informait les automobilistes de la présence de gravillons ; que le seul panneau prévoyant une limitation de vitesse à 50 km/h avait été posé au niveau même de la partie de la chaussée couverte de gravillons ;

- que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que M. Jean C ne portait pas sa ceinture de sécurité au moment de l'accident ;

- que les qualités techniques du véhicule ne peuvent pas être mises en cause dès lors que celui-ci avait satisfait aux exigences du contrôle technique obligatoire qui était valide jusqu'au 2 juillet 2007 ;

- que les capacités physiques du conducteur ne peuvent pas davantage être retenues comme une cause de l'accident ;

- que, d'une manière générale, le parcours professionnel et personnel de M. Jean C révèle nécessairement une observation scrupuleuse des règles de sécurité ;

- que s'agissant du préjudice économique, son épouse peut prétendre à une indemnité liée à la perte de revenus qui résulte du décès de la victime ; que s'agissant des revenus réguliers de la victime, elle peut prétendre à une indemnité d'un montant de 215 177,94 euros ; que, s'agissant des revenus tirés du contrat passé avec M. D, elle peut prétendre à une indemnité complémentaire de 75 600 euros ;

- que la période à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité due à M. François-Nicolas A est celle durant laquelle il est considéré comme étant la charge de ses parents ; qu'étant âgé de 14 ans à la date de l'accident, l'indemnité qui pourra lui être allouée jusqu'à ses 20 ans doit être fixée à la somme de 73 775,29 euros ; que M. François-Nicolas A doit également obtenir une indemnité complémentaire résultant du contrat signé entre son père et M. D, soit 43 200 euros ;

- que, compte tenu de la valeur du véhicule, l'indemnité destinée à compenser sa perte doit être évaluée à la somme de 3 000 euros ;

- qu'eu égard aux justificatifs produits, l'indemnité due au titre des frais d'obsèques s'élève à 7 224 euros ;

- que l'expert a évalué le préjudice lié aux souffrances physiques de Mme A à 3 /7 ; qu'elle sollicite en conséquence une indemnité de 7 500 euros ;

- qu'au titre de son préjudice moral lié au décès de son mari, elle sollicite une indemnité de 15 000 euros et son fils 10 000 euros ;

- qu'au titre des troubles dans ses conditions d'existence elle est fondée à solliciter une indemnité d'un montant de 10 000 euros, et son fils 5 000 euros ;

- qu'à la suite de l'accident, elle conserve une cicatrice au visage longue de 4,5 cm ; que le préjudice esthétique a été évalué par l'expert à 1/7 ; qu'elle sollicite une somme de 3 000 euros en réparation de ce chef de préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 février 2012, présenté pour le département de l'Yonne qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que les requérants ne peuvent soutenir que la radiation de l'affaire par le Tribunal était irrégulière alors qu'une telle décision est à la discrétion de la formation de jugement ;

- que contrairement à ce que soutiennent les requérants ce n'est pas l'attestation jointe à la note en délibéré qui a entraîné la radiation de l'affaire mais le fait, pour le Tribunal d'avoir diligenté à l'insu du département une mesure d'instruction qui pouvait lui être défavorable ; que, dans ces conditions, il était obligatoire pour le Tribunal de rouvrir l'instruction ;

- que le seul à avoir été victime d'une violation du principe du contradictoire était en l'espèce le département ;

- qu'avant la seconde audience, les parties ont pu échanger sur toutes les questions en débat, y compris le contenu de toutes les notes en délibéré ;

- que le contradictoire a donc pleinement joué avant le prononcé du jugement ;

- que le département était en droit de demander à l'auteur du procès-verbal qu'il confirme avoir constaté le jour de l'accident les faits rapportés dans celui-ci, et notamment l'existence des panneaux de signalisation ;

- que la force probante des attestations produites par le département est incontestable dès lors qu'elles émanent d'un officier de police judiciaire ; qu'il n'y a donc aucun faux ;

- que le vice tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement n'est aucunement établi ; que le jugement fait état de la composition du Tribunal qui a statué sur le litige ;

- que la seule lecture du jugement permet de conclure au caractère peu sérieux du moyen tiré du défaut de motivation ;

- qu'il résulte du procès-verbal dressé par la gendarmerie que les panneaux réglementaires ont correctement signalé le danger que représentait la présence de gravillons à la suite des travaux effectués la veille de l'accident par la société SNEL, sous-traitant de la société Colas ;

- qu'il convient de faire prévaloir le procès-verbal de gendarmerie sur les témoignages relatifs à l'absence de panneaux de signalisation qui ont été rédigés fin 2007 ;

- que la présence de panneaux 100 à 200 m avant le début des travaux signalant l'existence d'un danger et la présence d'un panneau de limitation de vitesse à 50 km/h, de même que la présence d'un panneau à 350 m avant le début des travaux signalant l'existence de jets de gravillons et enfin la présence d'un panneau à 1 020 m signalant " bande effacée " établissent l'entretien normal de la route ;

- que contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, les mentions que comporte le procès-verbal démontrent que les gendarmes étaient présents sur les lieux de l'accident le 4 juillet 2006 ; que la présence de l'adjudant Alexandre est également attestée par la circonstance que le médecin est venu sur les lieux constater à sa demande le décès M. Jean C ;

- qu'il apparaît évident que, compte tenu du temps clair, du caractère rectiligne de la voie, de la parfaite visibilité, que c'est le conducteur qui n'a pas adapté sa conduite et sa vitesse ; que, du reste, dans leurs écritures, les requérants indiquent que le conducteur roulait à 90 km/h, soit 40 km/h de plus que la vitesse autorisée ; qu'un témoignage recueilli par les gendarmes signale que la voiture arrivait en zigzaguant, ce qui révèle un défaut de maîtrise par le conducteur ;

- que l'âge du conducteur est sans doute aussi un facteur expliquant l'accident ;

- que l'ancienneté du véhicule, dont le modèle est signalé comme présentant sur certaines voitures des difficultés de train avant avec usure prématurée des pneus, peut expliquer l'accident ;

- que la victime a commis une imprudence dès lors qu'elle n'avait pas attaché sa ceinture de sécurité, comme le relève le procès-verbal de gendarmerie et comme l'ont noté les pompiers arrivés sur place ;

- que le préjudice économique est évalué de façon exagérée dès lors que M. Jean C, qui n'avait déclaré comme revenus au titre de l'année 2005 que la somme de 11 423 euros, n'avait pas de revenus en rapport avec la somme demandée ;

- que la perception de droits d'auteur dont il est fait état n'apparaît pas dans la déclaration de revenus et que seule une attestation relative à 2004 est produite pour l'un des contrats d'édition ;

- qu'en tout état de cause les ayants-droit bénéficient des droits d'auteur ;

- qu'est évoqué un contrat signé avec Euro Cavalli ; que cependant cette société n'a pas d'existence réelle ; que c'est bien le tampon de cette société qui figure au bas du contrat et qu'il ne peut pas être soutenu que ce contrat a été conclu avec M. D ;

- que, pour le surplus, il apparaît étonnant que la requérante, deux ans après l'accident, évoque des troubles dans les conditions d'existence postérieurement à novembre 2006 alors que les certificats médicaux démontrent le contraire ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2012, présentée pour le département de l'Yonne ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mai 2012, présentée pour Mme et M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rignault, avocat de Mme et M. A ;

Considérant que le 4 juillet 2006, vers 18 heures 30, Mme A et son mari, M. Jean C, circulaient en automobile sur la route départementale n° 955, dans le département de l'Yonne, venant de la direction d'Aillant-sur-Tholon et se dirigeant vers Toucy, lorsque leur véhicule a glissé sur des gravillons et, après plusieurs tonneaux, a terminé sa course dans un ruisseau ; que M. C est décédé sur le coup ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme A présentée en son nom et au nom de son fils alors mineur, M. François-Nicolas A, tendant à la condamnation du département de l'Yonne à leur verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables qu'a comporté pour eux cet accident ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si la fiche d'instruction de l'affaire devant le tribunal administratif fait apparaître qu'à la suite d'une mesure d'instruction du 6 mars 2009, des pièces ont été communiquées au Tribunal, le 24 mars 2009, par le département de l'Yonne sans avoir été transmises à l'ensemble des parties, il ressort du dossier que cette mesure d'instruction visait à obtenir l'adresse des deux sociétés qui avaient été chargées par le département de la réalisation des travaux sur la route sur laquelle s'est produit l'accident, que le département avait appelées en garantie et qui ont par la suite produit des mémoires ; que le Tribunal n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne communiquant pas aux autres parties la réponse du département de l'Yonne à la mesure d'instruction précitée ;

Considérant, en deuxième lieu, que selon la fiche d'instruction de l'affaire devant le tribunal administratif, une demande de pièces pour compléter l'instruction a été adressée par le Tribunal à la gendarmerie nationale le 7 décembre 2009 et qu'une réponse à cette demande est parvenue au Tribunal le 31 décembre 2009 ; que ces deux éléments n'ont pas été versés au dossier de première instance et qu'il résulte des diligences accomplies par le greffe de la Cour que le tribunal administratif ne les détient plus ; qu'il résulte de l'instruction devant la Cour que la réponse parvenue au Tribunal le 31 décembre 2009 n'a pas été communiquée aux parties ; que toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que le Tribunal se soit fondé sur cet élément ; que, d'autre part, à l'une des deux notes en délibéré produites par le département de l'Yonne le 25 juin 2010 est jointe une attestation de l'adjudant de gendarmerie ayant procédé aux constatations lors de l'accident, qui déclare avoir pris le même jour les photographies jointes au procès-verbal qu'il a signé ; que l'affaire a été renvoyée à l'issue de l'audience du 24 juin 2010 et que cette pièce a été communiquée aux autres parties ; que, dès lors, celles-ci on pu connaître la position des services de la gendarmerie nationale sur ce point ; que, par suite, la circonstance que le document adressé par ces mêmes services au Tribunal le 31 décembre 2009 n'a pas été soumise au débat contradictoire n'a pu, dans les circonstances de l'espèce, entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

Considérant, en troisième lieu, que l'affaire a été appelée lors d'une première audience tenue le 24 juin 2010, à l'issue de laquelle le département de l'Yonne a adressé au Tribunal deux notes en délibéré ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le Tribunal n'était pas tenu de communiquer aux autres parties ces notes en délibéré pour recueillir leurs observations avant de décider du renvoi de l'affaire ;

Considérant, en quatrième lieu, que le jugement attaqué indique qu'il a été " délibéré après l'audience du 2 septembre 2010 à laquelle siégeaient M. E, président, M. F et Mme G, premiers conseillers " ; qu'il n'en résulte pas que ce jugement a été rendu par des magistrats différents de ceux ayant composé la formation de jugement lors de l'audience et du délibéré ;

Considérant, enfin, qu'eu égard à l'argumentation des parties, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Au fond :

Considérant que pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer, d'une part, la réalité de leur préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et leurs dommages ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage soit d'établir qu'elle en a normalement assuré l'entretien, soit de démontrer que les dommages sont imputables à une faute de la victime ou à l'existence d'un évènement de force majeure ;

Considérant que le département de l'Yonne est la collectivité publique chargée de l'entretien de la route départementale 955 ; qu'il résulte de l'instruction que l'agence SNEL de la société SCREG Est avait réalisé, pour le département, le 3 juillet 2006, des travaux d'enduit sur la section de la route départementale 955 reliant la commune d'Aillant sur Tholon à celle de Toucy ; que Mme et M. A soutiennent que l'accident survenu le 4 juillet 2006 a été causé, d'une part, par l'absence de signalisation adéquate de la présence de gravillons sur la chaussée et, d'autre part, par une couche excessive de gravillons ; que selon eux, seul un panneau de limitation de vitesse à 50 km/heure était présent, mais situé au niveau même de la zone gravillonnée ; qu'ils produisent à cet effet plusieurs témoignages attestant de l'absence de pré-signalisation de la zone gravillonnée ; que, toutefois, le procès-verbal établi par les services de la gendarmerie nationale indique que le lieu de l'accident était précédé de quatre panneaux soit, à 1 020 mètres, un panneau portant la mention " bande effacée " , à 350 mètres, un panneau avertissant du " jet de gravillons ", à 200 mètres, un panneau de " limitation de vitesse à 50 kms/heure " et, à 100 mètres, un panneau " Danger " ; que, si ce procès-verbal est daté du 11 juillet 2006, les faits qu'il relate ont été constatés le jour même de l'accident, le 4 juillet 2006 par deux officiers de police judiciaire de la brigade de gendarmerie de Toucy, présents sur les lieux et qui ont pris, le même jour, les photographies accompagnant le procès-verbal qu'ils ont rédigé et signé ; qu'il ne résulte ni de ces constatations, ni des autres pièces du dossier que la couche de gravillons aurait été excessivement épaisse, au point de rendre la circulation dangereuse pour les automobilistes ayant adapté leur vitesse à cette difficulté, qui leur était signalée ; qu'ainsi, le département de l'Yonne établit l'absence de défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme et M. A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande ; que leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département de l'Yonne tendant à l'application de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme et M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de l'Yonne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nathalie A, à M. François-Nicolas A, au département de l'Yonne et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2012.

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N° 10LY02585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02585
Date de la décision : 31/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01-035 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal. Signalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : POUJADE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-31;10ly02585 ?
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