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24/04/2012 | FRANCE | N°11LY01947

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2012, 11LY01947


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 4 août 2011, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102468, du 6 juillet 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions, du 23 décembre 2010, refusant à M. Aimé A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territo

ire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devan...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 4 août 2011, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102468, du 6 juillet 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions, du 23 décembre 2010, refusant à M. Aimé A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale alors que la stabilité et l'ancienneté de sa relation avec sa compagne n'est pas établie et que M. A a des attaches dans son pays d'origine où réside son premier enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie le 21 décembre 2011, et régularisé le même jour, présenté pour M. Aimé A, domicilié chez B ...;

Il demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions du PREFET DU RHONE, du 23 décembre 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite et d'enjoindre au PREFET DU RHONE, en cas d'annulation du refus de délivrance du titre de séjour, de lui délivrer dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision préfectorale refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et obligeant à quitter le territoire violent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu la décision du 26 décembre 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Guerault, avocat de M. A ;

Sur le jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que pour annuler les décisions du 23 décembre 2010, par lesquelles le PREFET DU RHONE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A, ressortissant congolais, né le 29 septembre 1980, le Tribunal administratif de Lyon a retenu la violation, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A vivait maritalement depuis 2009 avec une ressortissante de la même nationalité, Mme Komba, laquelle était titulaire d'une carte de résident depuis le 14 novembre 2009, et dont la fille aînée, née le 30 août 2006 d'une précédente union, possédait la nationalité française, et qu'ils ont eu ensemble un enfant en 2008 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A, est entré, selon ses dires, le 30 juillet 2006, en France où il se maintient irrégulièrement après le rejet de ses demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 10 novembre 2006 et le 17 novembre 2008, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 26 juin 2008 puis à nouveau le 18 mai 2009 ; qu'à la date de la décision contestée, le 23 décembre 2010, par laquelle le PREFET DU RHONE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sollicité le 8 septembre 2010 à titre exceptionnel, M. A et Mme Komba vivaient ensemble depuis deux ans tout au plus ; qu'ils ne pouvaient pas ignorer, dès le début de leur relation, que leurs perspectives communes d'établissement en France étaient incertaines puisque M. A n'était pas autorisé à séjourner sur le territoire français et était sous le coup d'une première mesure d'éloignement, du 21 janvier 2009, puis d'une seconde, du 5 octobre 2009 ; qu'en mettant les autorités françaises devant le fait accompli de sa présence en France, M. A n'avait acquis aucun droit au séjour ; que si la fille de Mme Komba possédait la nationalité française, il ressort des propres écrits de M. A que son père l'avait abandonnée, dès 2006, et n'avait aucun contact avec elle ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A et Mme Komba qui occupait un emploi à temps partiel, se soient heurtés à un obstacle insurmontable les empêchant de reconstituer, avec leurs enfants, la cellule familiale en République Démocratique du Congo, pays dont ils ont tous deux la nationalité et où demeurait notamment la fille aînée de M. A, né d'un premier lit, le 2 février 2000 ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que Mme Komba fût titulaire d'une carte de résident, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 23 décembre 2010 portant refus de délivrance de titre de séjour à M. A, pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les décision subséquentes ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " et qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; mais qu'il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

Considérant qu'il resulte de ce qui précède qu'en se bornant à indiquer dans la décision litigieuse que M. A ne remplissait pas les conditions d'attribution d'un titre de séjour permettant l'exercice d'une activité salariée en application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DU RHONE n'a pas motivé en fait le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, cette décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de refus d'admission au séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et, par suite, illégale ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, des décisions du même jour faisant obligation à M. A de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel il serait renvoyé ; que, par suite, le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 23 décembre 2010 refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour faisant obligation de quitter le territoire français à M. A et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant que dans son article 2, le jugement attaqué, qui avait annulé pour un motif de légalité interne la décision de refus de séjour contestée, avait fait injonction au PREFET DU RHÔNE de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, s'il confirme l'annulation prononcée en première instance, le présent arrêt censure toutefois le motif retenu par les premiers juges, pour se fonder sur un motif de forme, lequel n'implique pas nécessairement la délivrance de ce titre de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement rendu le 6 juillet 2011 par le Tribunal administratif de Lyon, en ce qu'il a enjoint au PREFET DU RHONE de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que le présent arrêt implique seulement que le PREFET DU RHONE délivre une autorisation provisoire de séjour à M. A, et ce dans le délai de trente jours suivant la notification du présent arrêt, et se prononce à nouveau sur sa situation ; qu'il y a lieu de lui faire injonction en ce sens, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de l'Etat, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1102468, rendu le 6 juillet 2011 par le Tribunal administratif de Lyon, est annulé en ce qu'il a enjoint au PREFET DU RHONE de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 2 : Le surplus de la requête du PREFET DU RHONE est rejeté.

Article 3 : Il est enjoint au PREFET DU RHONE de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A dans le délai de trente jours suivant la notification du présent arrêt et de se prononcer à nouveau sur sa situation.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Aimé A, au PREFET DU RHÔNE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2012.

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N° 11LY01947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01947
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-24;11ly01947 ?
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