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24/04/2012 | FRANCE | N°11LY01641

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2012, 11LY01641


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 6 juillet 2011, présentée pour M. Kadjile A, domicilié chez Entraide Pierre Valdo 2, rue Branly à Andrezieux-Bouthéon (42163) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102001, du 7 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire, du 22 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel

il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 6 juillet 2011, présentée pour M. Kadjile A, domicilié chez Entraide Pierre Valdo 2, rue Branly à Andrezieux-Bouthéon (42163) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102001, du 7 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire, du 22 février 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, portant la mention " vie privée et familiale ", à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision par laquelle le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour est contraire aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Loire a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur son état de santé ; que la décision par laquelle le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait au regard de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ; qu'elle est également contraire aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de la Loire a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que sa décision emporte sur son état de santé ; que la décision désignant le pays à destination duquel il serait reconduit, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 2 mars 2012, présenté par le préfet de la Loire, qui conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance et en produisant la fiche pays de la République démocratique du Congo en matière d'offre de soins ;

Vu la décision du 16 septembre 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Brun, avocat de M. A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ; et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo né le 23 janvier 1977, est entré irrégulièrement en France le 15 octobre 2009, selon ses déclarations ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 22 février 2011, le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, après avoir consulté le médecin inspecteur de santé publique auprès de l'Agence régionale de santé Rhône-Alpes qui, dans un avis rendu le 20 janvier 2011, a estimé que l'état de santé de M. A nécessitait une prise en charge médicale devant être poursuivie durant un à deux ans, que l'intéressé ne pourrait pas avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié mais qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il ressort des trois certificats médicaux établis par un praticien hospitalier, médecin psychiatre du centre médico-psychologique du Centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, datés respectivement des 12 janvier, 24 mars et 28 juin 2011, que M. A, qui soutient avoir vu plusieurs membres de sa famille assassinés lors de massacres ethniques, souffre d'un stress post traumatique majeur et d'une dépression sévère pour lesquels il est suivi par ce service spécialisé depuis le 6 octobre 2010 et bénéficie d'une prise en charge psychothérapique bimensuelle associée à un important traitement psychotrope ; que si cette prise en charge médicale a permis d'amender partiellement ses troubles, le praticien hospitalier affirme qu'un retour de l'intéressé dans son pays d'origine, où les médicaments psychotropes qui lui sont nécessaires ne sont pas disponibles et où sa psychothérapie ne pourrait pas se poursuivre, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé avec notamment un risque de passage à l'acte auto et hétéro-agressifs ; que si deux de ces certificats médicaux sont postérieurs, respectivement d'un et de quatre mois à l'arrêté en litige, et n'avaient donc été portés à la connaissance, ni du médecin inspecteur de santé publique de l'Agence régionale de santé avant que ce dernier n'émette son avis, le 20 janvier 2011, ni même du préfet de la Loire avant l'édiction de la décision litigieuse, le 22 février 2011, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'ils puissent être utilement pris en compte par le juge, dès lors qu'ils se rapportent à la pathologie qui avait justifié le dépôt de la demande de titre de séjour et qu'ils énoncent des éléments de fait tenant à l'état de santé de l'intéressé existant à la date de l'arrêté en litige et non des constatations résultant d'une évolution de l'état de santé de M. A postérieurement à la décision en litige ; que, par suite, il ressort des pièces du dossier qu'un défaut de soins médicaux entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour M. A ; qu'en conséquence, et alors qu'il n'est pas contesté que M. A ne pourrait pas effectivement accéder à un traitement approprié en République démocratique du Congo, en refusant à ce dernier la délivrance d'un titre de séjour, le 22 février 2011, le préfet de la Loire a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision de refus de délivrance de titre de séjour doit donc être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le préfet de la Loire a fait obligation à M. A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé d'office à l'issue de ce délai ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 22 février 2011 du préfet de la Loire et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de la Loire délivre le titre sollicité au requérant ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatier, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au profit de Me Sabatier, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1102001, rendu le 7 juin 2011 par le Tribunal administratif de Lyon, ensemble les décisions du préfet de la Loire, du 22 février 2011, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Sabatier, avocat de M. A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kadjile A, au préfet de la Loire et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2012.

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N° 11LY01641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01641
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-24;11ly01641 ?
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