Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2011, présentée pour M. et Mme A, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille Mathilde, élisant domicile ...;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903681 du 7 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Charly à leur verser une indemnité provisionnelle de 8 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices de Mathilde en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 17 novembre 2006, durant le temps périscolaire, dans la cour de l'école primaire Les Tilleuls à Charly ;
2°) de faire droit à leur demande et de proroger la mission d'expertise confiée au docteur Escot ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Charly une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le défaut de surveillance pendant le temps de cantine est caractérisé, les agents communaux étant seulement deux pour 140 enfants sans que leur présence dans la cour ne soit établie ;
- le nombre des agents de surveillance était manifestement insuffisant ;
- il pleuvait anormalement le jour de l'accident, ce qui rendait la cour glissante, phénomène aggravé par la présence de feuilles ;
- leur fille jouait dans une partie de la cour qui était dangereuse par temps de pluie;
- le défaut de surveillance est à l'origine de l'accident ;
- elle a manqué de soins rapides et efficaces faute pour le personnel de l'école d'avoir contacté immédiatement les secours ;
- les dents perdues n'ont pas été récupérées à temps ;
- des frais dentaires importants ont été exposés ;
- elle a subi des préjudices d'ordre personnel, notamment des douleurs sérieuses et des préjudices esthétiques et d'agrément ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2011, présenté pour la commune de Charly, représentée par son maire, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jour de l'accident, deux surveillants étaient présents dans la cour, huit agents communaux étant quotidiennement affectés à l'organisation et la surveillance des repas ;
- le jeu de poursuite auquel se livraient les enfants, même par temps de pluie, n'était pas dangereux ;
- la chute n'était pas prévisible ;
- dix minutes se sont écoulées entre la chute et l'appel de la maman ;
- il a été estimé que le moyen le plus efficace était d'appeler la maman qui habitait à proximité immédiate de l'école ;
- la réaction des personnels a été adaptée ;
- la gravité modérée de la blessure n'imposait pas de faire appel aux services d'urgence ;
- il n'est pas établi que la dévitalisation ultérieure des dents implantées serait imputable à un retard dans la prise en charge de l'enfant ;
Vu les mémoires, enregistrés les 5 et 8 mars 2012, présentés pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lesec, avocat de M. et Mme A et de Me Mandy, avocat de la commune de Charly ;
Considérant que le 17 novembre 2006, peu après 11 heures 30, la jeune Mathilde A, âgée de 8 ans, qui jouait dans la cour de récréation de l'école élémentaire Les Tilleuls à Charly en attendant de déjeuner à la cantine, s'est blessée à la mâchoire en heurtant le rebord d'une fenêtre, perdant trois dents ; que ses parents, M. et Mme A, ont recherché la responsabilité pour faute de la commune de Charly devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 7 juin 2011, a rejeté leur demande ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident est survenu à l'occasion d'un jeu de poursuite auquel participait la jeune Mathilde, qui a trébuché ; qu'en admettant même que les deux agents municipaux présents au moment de l'accident n'étaient pas en nombre suffisant pour assurer la surveillance des enfants jouant dans la cour, il n'est pas établi qu'une surveillance renforcée des élèves aurait permis d'éviter la chute dont a été victime Mathilde même si, sans que le jeu devienne pour autant particulièrement dangereux, le sol de la cour avait pu être rendu plus glissant par des pluies importantes et la présence par endroits de feuilles mortes et de boue ; que, dès lors, la faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service que les requérants reprochent à la commune n'est pas directement à l'origine de l'accident ;
Considérant qu'immédiatement après l'accident une surveillante a pris en charge Mathilde, parvenant à stopper l'hémorragie après dix minutes de lavements à l'eau froide, a récupéré deux dents expulsées et, vers 11 heures 50, a fait prévenir Mme A ; qu'à la demande de cette dernière, ces deux dents ont été placées dans du sérum physiologique ; que l'examen de Mathilde pratiqué en début d'après midi à l'unité d'urgences odontologiques de l'hôpital de l'Hôtel Dieu à Lyon a révélé la perte d'une troisième dent, que M. A a récupérée à l'école et qui a été réimplantée vers 14 heures 35 ; qu'il résulte de l'instruction que l'état de Mathilde, compte tenu notamment du choc violent et de l'avulsion dentaire traumatique qu'elle avait subis, justifiait que, indépendamment des soins dispensés en urgence par une surveillante, les services scolaires préviennent au plus vite les services de secours ou un professionnel de santé qui, même sans intervenir sur place, auraient pu à tout le moins fournir des indications sur la conduite exacte à tenir dans un tel cas, particulièrement pour s'assurer autant que possible que toutes les dents perdues avaient été retrouvées et d'en sauvegarder la vitalité, afin de conserver les conditions de leur réimplantation ; qu'en se bornant à contacter la maman de Mathilde sans faire appel aux services de secours ou à un professionnel de santé, le service public de l'enseignement n'a pas réagi de manière appropriée à la situation ; qu'ainsi la faute commise par la commune dans l'organisation du service est de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant toutefois que si, lors de la prise en charge d'une personne, une collectivité publique commet une faute directement à l'origine pour cette personne d'une perte de chance d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'en éviter l'aggravation, le préjudice réparable n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'échapper à ce dommage ; que la réparation qui incombe à la collectivité publique doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'en s'abstenant d'alerter un professionnel de santé dans les suites immédiates de l'accident, les services scolaires n'ont pas pu recueillir auprès d'eux les instructions sur les dispositions à mettre en oeuvre d'urgence pour prendre en charge les blessures de Mathilde et garantir notamment les meilleures chances de succès à une réimplantation des dents perdues ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer sur l'incidence précise de cette défaillance sur l'état de la jeune fille et sur l'ampleur de la chance que la victime a éventuellement perdue d'échapper à la dévitalisation de ses dents ainsi qu'aux conséquences en résultant pour elle ; qu'il y a lieu, par suite, avant plus amplement dire droit, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les incidences d'une telle défaillance pour l'intéressée et de chiffrer la perte de chance qu'elle a subie d'éviter que le dommage corporel dont elle est atteinte soit advenu du fait de cette défaillance ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des incertitudes affectant la réalité de la perte de chance, de faire droit à la demande d'indemnité provisionnelle présentée par les requérants ;
DECIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. et Mme A, procédé à une expertise médicale aux fins de :
1. déterminer les conséquences sur l'état de Mathilde A, en particulier sur les conditions de réimplantation des trois dents perdues, de l'absence d'appel, dans les suites immédiates de l'accident, des services de secours ou d'un professionnel de santé par les services de l'école élémentaire Les Tilleuls et, le cas échéant, évaluer le taux de perte de chance que cette absence a entraîné pour l'intéressée d'échapper aux séquelles qu'elle conserve ;
2. déterminer, la date de consolidation de l'état de l'intéressée, la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, de préciser l'importance des troubles dans les conditions d'existence et de déterminer l'importance des souffrances endurées, des préjudices esthétique et d'agrément ;
3. faire toutes constatations utiles.
Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera Mathilde A, se fera remettre l'ensemble de ses dossiers médicaux, le rapport de l'expertise enregistré au greffe du Tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2008, ainsi que tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants. Il communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A, à la commune de Charly et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 5 avril 2012.
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N° 11LY01798