Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 juillet 2011, présentée pour Mme Souad B, épouse A, domiciliée 33, avenue de Tresserve à Aix-les-Bains (73100) ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101127 en date du 17 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 4 février 2011 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que le jugement rendu par le Tribunal administratif de Grenoble est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur les moyens tirés, par voie d'exception, de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elles se fondent ; que la décision de refus de titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; qu'elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du 16 septembre 2011 par laquelle l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A ;
Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 22 décembre 2011, présenté par le préfet de la Savoie qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français et la décision désignant le pays de renvoi se fondent sur des décisions légales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les partiesMme BERRABAHLes par ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les moyens, qui avaient été soulevés devant eux par Mme A dans sa demande introductive d'instance, tirés, par voie d'exception, de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elles se fondent ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur ces moyens ; que, par suite, il y a lieu de l'annuler dans cette mesure et de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions de Mme A dirigées contre les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays de destination et de statuer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que Mme A, de nationalité algérienne, entrée en France le 5 octobre 2010, est mariée à un ressortissant algérien résidant régulièrement en France ; qu'elle fait valoir que la décision attaquée la séparera pour une durée indéterminée de son époux, que cette décision la privera également de la compagnie de sa soeur qui vit en France et qu'elle attend un enfant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée est entrée sur le territoire français quatre mois seulement avant la date de la décision attaquée ; que son mariage, célébré le 27 décembre 2010, est très récent ; qu'elle est âgée de trente-huit ans et a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où selon ses déclarations, elle exerçait une activité professionnelle stable et où elle n'établit pas n'avoir plus d'attaches familiales ; que sa grossesse a débuté postérieurement à la décision contestée ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entaché le refus de titre de séjour n'est pas davantage fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que Mme Sylvie Carle, chargée des fonctions de directrice de la réglementation de la préfecture de la Savoie, qui a signé, le 4 février 2011, la décision obligeant Mme A à quitter le territoire françaisA, avait reçu du préfet de la Savoie, par arrêté du 6 décembre 2010, publié au recueil des actes administratifs du département le 7 décembre 2010, délégation spéciale à l'effet de signer les décisions en matière d'obligation de quitter le territoire ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée, qui a été soulevé devant le Tribunal, doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
Considérant que la décision litigieuse a été signée par Mme Sylvie Carle, directrice de la réglementation à la préfecture de la Savoie ; qu'il ressort de l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2010, que le préfet de la Savoie a donné une délégation de signature à Mme Carle, au titre des dispositions générales, à l'effet de signer tous les actes, correspondances administratives et transmissions diverses pour les affaires ressortissant à son service " à l'exclusion des arrêtés et actes règlementaires " ; que ne figurent pas dans la liste des matières pour lesquelles Mme Carle a reçu délégation spéciale de signature, au titre des dispositions particulières, les décisions désignant le pays de destination des mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers ; que, par suite, la décision désignant le pays de destination en litige qui est entachée d'un vice d'incompétence, est illégale et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision désignant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour se borne à annuler la décision par laquelle le préfet de la Savoie a désigné l'Etat à destination duquel devait être éloignée Mme A, n'implique pas nécessairement que le préfet lui délivre un titre de séjour ou réexamine sa demande de titre ; que, par suite, les conclusions susmentionnées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le paiement au conseil de Mme A de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1101127 du 17 juin 20011 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A dirigées contre les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays de destination prises à son encontre.
Article 2 : La décision du 4 février 2011 par laquelle le préfet de la Savoie a désigné le pays à destination duquel Mme A sera éloignée est annulée.
Article 3 : Les conclusions de la demande de Mme A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Souad B, épouse A, et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie
Délibéré après l'audience du 15 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Segado, premier conseiller,
M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2012,
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N° 11LY01647