Vu la requête, enregistrée le 9 août 2011, présentée pour la société d'assurance mutuelle MAIF, dont le siège est 200 avenue Salvador Allende à Niort (79000), et l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE, dont le siège est Maison de la Culture, rue Abbé de l'Epée à Clermont-Ferrand (63000) ;
La MAIF et l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902099 du 21 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Clermont-Ferrand soit condamnée à verser à la MAIF la somme de 5 000 euros correspondant à la provision que l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE a été condamnée à verser à M. A à la suite de l'accident dont il a été victime à la maison de la culture de Clermont-Ferrand le 19 mars 2006 ;
2°) de prononcer la condamnation demandée, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présentation de la réclamation préalable ;
3°) de condamner la commune de Clermont-Ferrand à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à leur charge au titre des préjudices subis par M. A ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent :
- que la MAIF a dû verser à M. A une provision de 5 000 euros, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile de l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE à la suite de sa condamnation par jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Clermont-Ferrand du 26 février 2009 ;
- que la MAIF se trouve en conséquence subrogée dans les droits de son assuré en application de l'article L. 121-12 du code des assurances et qu'elle est donc fondée à demander que la commune de Clermont-Ferrand soit condamnée à la garantir de la totalité de cette condamnation, ainsi que des autres conséquences de cet accident dont M. A pourrait être amené à demander réparation ;
- qu'une partie de ces sommes pouvant rester à la charge de l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE, celle-ci justifie donc également d'un intérêt à agir ;
- que le tribunal administratif s'est mépris sur le fondement de l'action engagée par elles en considérant qu'il s'agissait d'une action subrogatoire alors qu'il s'agissait d'une action récursoire ;
- que par jugement de novembre 2008 le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand statuant en matière correctionnelle a condamné l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE et la commune de Clermont-Ferrand pour avoir l'une et l'autre involontairement causé à M. A des blessures par maladresse, imprudence inattention négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; que, dans ces conditions, en sa qualité de coauteur de l'accident, la commune de Clermont-Ferrand, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges en faisant application d'une jurisprudence ancienne du Conseil d'État, doit, sauf à porter une atteinte non justifiée au principe d'égalité, en assumer les conséquences ;
- que saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a précisé que le caractère dérogatoire de la législation relative aux accidents du travail ne se justifiait que par les avantages qu'il procurait à la victime et que, en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes devant les mêmes juridictions puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
- que la responsabilité de la commune de Clermont-Ferrand se trouve engagée, sur le fondement, d'une part, du défaut d'entretien normal de l'ouvrage dès lors que le système du pont lumière, qui a causé l'accident, comporte de nombreuses non-conformités par rapport à la réglementation et, d'autre part, d'une faute dans l'organisation du service public dès lors que des agents de la commune qui avaient été mis à disposition de l'association auraient dû, conformément à l'article R. 237-2 du code du travail, assurer la coordination des mesures de prévention à prendre par l'association de manière à prévenir tout accident, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, et enfin, sur le fondement d'une faute de service commise par l'agent municipal mis à disposition dès lors qu'il était seul habilité à faire fonctionner l'ouvrage qui a causé le dommage ;
- que le concours de ces trois fautes commises par la commune de Clermont-Ferrand justifie que celle-ci soit condamnée à garantir intégralement la MAIF de la condamnation qui a été prononcée à l'encontre de son assuré, l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 16 décembre 2011 fixant la clôture de l'instruction au 13 janvier 2012 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2011, présenté, pour la commune de Clermont-Ferrand, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la MAIF d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la circonstance que les premiers juges se seraient mépris sur le cadre dans lequel entendaient se placer les requérantes est indifférente au regard du jugement attaqué dont le sens est déterminé par une cause différente du point de savoir si les requérantes ont agi dans le cadre d'une action récursoire ou subrogatoire ;
- qu'elle conteste formellement que des fautes puissent lui être reprochées, et qu'en tout état de cause, les fautes commises par l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE sont de nature à l'exonérer de toute condamnation ;
- qu'en outre, comme l'ont retenu les premiers juges, elle ne peut pas être regardée comme coauteur de l'accident dont a été victime M. A dès lors que les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la faute inexcusable de l'employeur interdisent que sa responsabilité, en tant que tiers, puisse être recherchée ;
- que, selon la jurisprudence de la juridiction administrative, dans le cas d'un accident du travail ou la faute inexcusable de l'employeur a été retenue, le supplément de rente imposé par la juridiction de sécurité sociale doit demeurer exclusivement à la charge de l'employeur et ne peut être réparti entre les différents coauteurs ; qu'il convient de maintenir cette jurisprudence à l'occasion du présent litige ;
- que dans l'hypothèse où la Cour ferait droit au moyen de la requête, il lui appartiendrait de réduire le montant de la condamnation sollicitée en refusant de faire droit à la demande des requérantes visant à obtenir que la commune les garantisse au-delà du remboursement de la provision de 5 000 euros ; qu'au-delà de cette somme, le préjudice doit être regardé comme purement éventuel et ne pourra faire l'objet d'aucune indemnisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :
- le rapport de M. Poitreau, rapporteur ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Thiers, avocat de la MAIF et de l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE ;
Considérant que le 19 mars 2006, M. A, employé comme électricien par l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE, a été victime d'un accident alors qu'il travaillait dans la salle Jean Cocteau de la Maison de la culture, mise à la disposition de cette association par la commune de Clermont-Ferrand ; que, par un jugement du 12 novembre 2008, le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand statuant en matière correctionnelle a reconnu l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE et la commune de Clermont-Ferrand coupables du délit de blessures involontaires envers M. A ; que, parallèlement à cette procédure, le Tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement du 26 février 2009, a qualifié les agissements de ladite association de faute inexcusable au sens des dispositions de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et l'a condamnée à verser à M. A une provision de 5 000 euros au titre des préjudices qu'il a subis, dans l'attente de la consolidation de son état ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a rejeté la demande de la MAIF et de l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE tendant à la condamnation de la commune de Clermont-Ferrand à verser à la MAIF une somme de 5 000 euros et à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle en conséquence des préjudices subis par M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. " ; qu'aux termes de l'article L. 452-2 du même code : " Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 452-3 du même code : " Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. (...) La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. " ; qu'aux termes de l'article L. 452-4 dudit code : " A défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement. / L'auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci. / L'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'il s'est substitués dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement. (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le complément d'indemnisation du préjudice personnel alloué en l'espèce à M. A doit demeurer exclusivement à la charge de l'employeur dont la faute, qualifiée d'inexcusable par le Tribunal des affaires de sécurité sociale, est à l'origine de l'accident dont a été victime ce salarié ; que, par suite, le complément d'indemnisation accordé à M. A ne peut être réparti entre les coauteurs des préjudices subis par ce dernier ; qu'il suit de là que la MAIF et l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE ne sont pas fondées à demander à la commune de Clermont Ferrand, à laquelle elles imputent l'origine de l'accident, le remboursement de tout ou partie du complément d'indemnisation du préjudice personnel auquel elles sont tenues en application des dispositions précitées du code de sécurité sociale ;
Considérant que par la décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions des articles L. 451-1 et L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale conformes à la Constitution, en précisant qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L. 452-3 ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, l'application qui est faite de ces dispositions au présent litige ne contrevient pas à la réserve d'interprétation ainsi formulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MAIF et l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à leur charge, sur le fondement de ces mêmes dispositions, le paiement à la commune de Clermont-Ferrand d'une somme globale de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la MAIF et de l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE est rejetée.
Article 2 : La MAIF et l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE verseront à la commune de Clermont-Ferrand la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'assurance mutuelle MAIF, à l'ASSOCIATION CENTRE LYRIQUE D'AUVERGNE et à la commune de Clermont-Ferrand.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2012.
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N° 11LY02021 2