La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2012 | FRANCE | N°11LY01574

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 mars 2012, 11LY01574


Vu la requête, transmise par télécopie le 24 juin 2011, confirmée le 27 juin 2011, présentée pour M. Narin A, agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, Estelle Méa Léa et Mélanie Emma, ayants-droits de Mme Isabelle B, épouse A, domicilié à ... ;

Les CONSORTS I demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0902786 du 21 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices résultant de l'accident dont Mme Isabelle A a été victime dans l'enceint

e du palais de justice de Grenoble, le 3 juin 2003 ;

2°) de condamner l'Etat à leu...

Vu la requête, transmise par télécopie le 24 juin 2011, confirmée le 27 juin 2011, présentée pour M. Narin A, agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, Estelle Méa Léa et Mélanie Emma, ayants-droits de Mme Isabelle B, épouse A, domicilié à ... ;

Les CONSORTS I demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0902786 du 21 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices résultant de l'accident dont Mme Isabelle A a été victime dans l'enceinte du palais de justice de Grenoble, le 3 juin 2003 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 584 276,74 euros augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts échus, à compter de la date du jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que l'accident dont a été victime Mme A a eu une incidence sur sa vie professionnelle ; que la perte de revenus s'étend aussi à la durée de la retraite ; que Mme A a perdu une chance de retrouver un autre emploi ; que les conséquences du décès se répercutent sur la situation patrimoniale des victimes par ricochet ; que pendant les périodes d'ITT et ITP, l'intéressée a subi une gêne dans les actes de la vie courante ; que l'Etat propose au titre du déficit fonctionnel permanent une somme de 25 925 euros ; que le Tribunal a sous-évalué les troubles dans les conditions d'existence de Mme A ainsi que les préjudices subis par les victimes par ricochet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, tendant à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il condamne l'Etat à lui verser la somme de 78 620,17 euros au titre de ses débours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 980 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2011, présenté pour le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que l'Etat n'entend pas contester sa responsabilité ni le principe de l'indemnisation des préjudices économiques, corporels et personnels de Mme A en lien direct avec l'accident ; que le poste de préjudice concernant l'incidence professionnelle ne peut excéder la somme de 11 404 euros ; qu'il propose d'indemniser le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 25 300 euros ; que le déficit fonctionnel permanent peut être estimé à 25 925 euros, les souffrances endurées à 20 000 euros, les souffrances morales et psychologiques à 20 000 euros, le préjudice d'agrément à 25 000 euros, le préjudice esthétique à 7 000 euros et le préjudice sexuel et d'établissement à 25 000 euros ; que la perte de gains professionnels ne peut être versée aux ayants-droits, s'agissant d'un préjudice personnel de Mme A ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 2011, présenté pour les CONSORTS A, tendant aux mêmes fins que la requête, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 17 février 2012, présenté pour le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, tendant au rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la créance de la caisse n'est pas contestée mais qu'elle n'avait pas présenté devant le tribunal administratif de conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Boulloud, avocat des CONSORTS A ;

Considérant que Mme B, épouse A, victime d'un accident dans l'enceinte du palais de justice de Grenoble, le 3 juin 2003, provoqué par la chute d'une porte d'un poids avoisinant 265 kg, a recherché la responsabilité de l'Etat devant le Tribunal administratif de Grenoble ; qu'elle est décédée le 15 octobre 2009 par suicide ; que son mari, M. A, et ses enfants mineures, Estelle Méa-Léa A et Mélanie Emma A, ont repris l'instance en cours devant le tribunal administratif et ont demandé la condamnation de l'Etat à réparer les différents préjudices qu'ils ont subis tant en leur qualité d'héritiers qu'en leur nom propre ; que par le jugement attaqué du 21 avril 2011, le Tribunal a reconnu la responsabilité de l'Etat à raison du fonctionnement défectueux de l'ouvrage public et l'a condamné à verser diverses indemnités aux consorts A, ainsi que la somme de 78 620,17 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2010, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ; que les consorts A critiquent ce jugement en tant que le Tribunal a sous-estimé certains postes de préjudices ; que l'Etat, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, conclut au rejet de la requête ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère demande la confirmation du jugement en tant que le Tribunal lui a alloué la somme de 78 620,17 euros, majorée des intérêts ;

Sur les droits à réparation dus aux héritiers de Mme A :

Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que lorsque la victime du dommage décède, qu'elle ait ou non introduit elle-même une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; que le droit à réparation du préjudice matériel résultant pour elle de la perte de revenus imputable au dommage et de l'incidence professionnelle subie jusqu'à son décès, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ; qu'il n'en va, en revanche, pas de même du préjudice résultant des revenus futurs perdus et des droits à la retraite minorés par suite d'une mort précoce dès lors que ces pertes n'apparaissent qu'au jour du décès de la victime et n'ont pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de Mme A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de son accident, Mme A a été reconnue travailleur handicapé le 14 novembre 2006 ; que, compte tenu de son incapacité permanente partielle estimée à 17 % par l'expert et notamment des graves séquelles psychologiques dont Mme A a été victime à la suite de cet accident, elle a été licenciée le 27 juin 2008 pour inaptitude physique et a également perdu une chance de retrouver un emploi ; que, toutefois, l'incidence professionnelle ainsi subie présente un caractère limité du fait de la survenance du décès moins d'un an après le licenciement ; qu'en fixant à 7 000 euros l'indemnité due au titre de l'incidence professionnelle subie par Mme A, le Tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice ;

Considérant que, par application des principes ci-dessus rappelés, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnité au titre de la perte des revenus futurs et des droits à la retraite de Mme A, dès lors que cette perte n'est apparue qu'au jour de son décès et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour ;

Considérant que les CONSORTS A ne contestent pas l'évaluation faite par le Tribunal de la perte de revenus subie par Mme A au titre de la période séparant l'accident de son décès ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de Mme A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a été dans l'incapacité totale de travailler pendant une durée de 46 mois ; qu'elle a été contrainte de se déplacer en fauteuil roulant pendant deux mois et a dû suivre des séances de rééducation pendant près de trois mois ; qu'elle demeurait atteinte d'une invalidité permanente partielle dont le taux a été évalué par l'expert à 17 %, dont 15 % imputable à une névrose post-traumatique ; que les souffrances physiques et psychologiques endurées ont été fixées par le même expert à 4 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique à 1,5 ; que le Tribunal n'a pas fait une estimation insuffisante de l'ensemble de ces préjudices ainsi que des troubles de toute nature subis par Mme A dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et le préjudice moral, en fixant l'indemnité due à ce titre à la somme de 60 000 euros ;

Sur les droits propres des ayants-droits :

Considérant que le préjudice résultant des pertes de revenus du foyer consécutives au décès de Mme A ne présente pas un lien de causalité direct avec l'accident du 3 juin 2003 ; que la demande d'indemnité complémentaire présentée à ce titre devant la Cour doit, dès lors, être rejetée ;

Considérant que le Tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A et ses deux filles, Estelle Méa Léa et Mélanie Emma, en leur attribuant à chacun la somme de 25 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les CONSORTS A et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des CONSORTS A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Narin A, à Mlle Estelle Méa Léa A, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2012.

''

''

''

''

1

4

N° 11LY01574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01574
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BOULLOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-03-22;11ly01574 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award